Selon l’ancien ministre de l’Intérieur et de l’Immigration, Claude Guéant, 32 921 étrangers en situation irrégulière ont été éloignés du territoire en 2011, ce qui représente une augmentation de 17,5 % par rapport à 2010. Dans le détail, « entre juillet et décembre 2011, plus de 3 000 éloignements ont été réalisés chaque mois, contre 2 265 l’année précédente pendant la même période », a-t-il expliqué en janvier dernier au cours d’une conférence de presse, voyant dans ce résultat un effet direct de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité qui, à ses yeux, a amélioré le « contexte juridique » grâce aux nouveautés qu’elle a introduites en matière d’éloignement.
Pour la plupart, ces nouvelles règles, précisées par plusieurs décrets, traduisent en droit français la directive européenne 2008/115/CE du 16 décembre 2008 – dite directive « retour » –, qui a fixé des normes et des procédures communes au retour, dans leur pays d’origine ou tout Etat tiers, des ressortissants non communautaires en situation irrégulière sur le territoire de l’Union européenne. La fusion de l’obligation de quitter le territoire français et de l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière en une unique mesure d’obligation de quitter le territoire français (OQTF), assortie ou non d’un délai de départ volontaire, relève ainsi de cette logique, tout comme la création d’une interdiction de retour ou bien encore celle d’une nouvelle mesure d’assignation à résidence.
Le rapport de la commission « Mazeaud » sur la politique des migrations – qui, en juillet 2008, pointait les difficultés liées à la dualité de juridiction dans le domaine du contentieux des étrangers et préconisait une simplification des procédures (1) – est une autre source d’inspiration revendiquée par le gouvernement de François Fillon. Espérant améliorer l’efficacité des procédures d’éloignement, le législateur a réformé en partie le contentieux des mesures d’éloignement. Notamment en matière de rétention administrative, en décalant dans le temps l’intervention du juge judiciaire par rapport à celle du juge administratif. Plusieurs dispositions visent par ailleurs à renforcer la sécurité juridique des procédures d’éloignement, tandis que d’autres instaurent de nouvelles règles autour du placement en rétention (conditions du placement, exercice des droits en rétention, accès des associations humanitaires aux lieux de rétention, etc.). Autre mesure phare : l’allongement de la durée maximale de rétention de 32 à 45 jours.
Rappelons que le Conseil constitutionnel a censuré un seul article du texte adopté par le Parlement et posé simplement deux réserves. Ces dernières, tout comme la disposition censurée, ont trait à l’éloignement des étrangers (2).
Transposant la directive « retour », la loi du 16 juin 2011 a réécrit entièrement l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) pour opérer la fusion de l’obligation de quitter le territoire français et de l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière en une unique mesure : l’obligation de quitter le territoire français, assortie ou non d’un délai de départ volontaire (l’obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire étant semblable à l’ancien arrêté de reconduite à la frontière). Autrement dit, l’OQTF constitue désormais la mesure d’éloignement « de droit commun » à l’égard des étrangers en situation irrégulière. La loi a réduit la notion de reconduite à la frontière à une hypothèse marginale : celle de l’étranger qui, pendant la durée de validité de son visa, constitue une menace pour l’ordre public ou a exercé une activité salariée sans être titulaire d’une autorisation de travail (voir encadré, page 39).
Autre nouveauté : conformément à la directive « retour », l’article L. 511-1 du Ceseda concerne désormais uniquement les étrangers ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. Les clandestins ressortissants d’un pays de l’Union européenne et les membres de leur famille (y compris s’ils ne sont pas ressortissants européens eux-mêmes) relèvent désormais d’autres articles et font ainsi l’objet d’une procédure spécifique d’éloignement.
A noter : l’étranger qui fait l’objet d’une OQTF peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine, sauf – bien entendu – s’il a été placé en rétention (Ceseda, art. L. 512-5 nouveau). La règle n’est pas nouvelle mais elle a simplement été déplacée au sein du Ceseda.
Désormais, tout étranger ressortissant de pays tiers qui n’est pas membre de la famille d’un ressortissant communautaire peut se voir notifier une obligation de quitter le territoire s’il se trouve dans l’un des 5 cas suivants (Ceseda, art. L. 511-1-I modifié) :
il ne peut justifier être entré régulièrement en France (à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité) ;
il s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré ;
si la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour lui a été refusé ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ;
s’il n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s’est maintenu sur le territoire français à l’expiration de ce titre ;
si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé.
Toutes les situations ainsi prévues par la nouvelle rédaction existaient déjà dans le droit antérieur et étaient soumises soit à l’OQTF, soit à l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF).
A noter : le régime procédural de l’OQTF n’a pas été modifié par la réforme. L’autorité administrative compétente dans la procédure reste le préfet de département et, à Paris, le préfet de police (Ceseda, art. R. 512-1, modifié). La décision énonçant l’obligation de quitter le territoire français doit toujours être motivée et aucune motivation spécifique n’est requise lorsque l’OQTF accompagne une décision relative au séjour. Par ailleurs, toujours comme auparavant, l’OQTF doit fixer le pays à destination duquel l’étranger est renvoyé en cas d’exécution d’office (Ceseda, art. L. 511-1-I modifié).
La directive « retour » pose le principe selon lequel toute obligation de quitter le territoire est assortie d’un délai de départ volontaire allant de 7 à 30 jours. La législation française prévoyait déjà auparavant un délai de départ volontaire de 1 mois pour l’étranger contre qui était délivrée une OQTF. Toutefois, lorsqu’il faisait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, le départ devait être immédiat. Désormais, l’existence d’un délai de départ volontaire constitue le principe, quelle que soit la raison ayant motivé la décision d’éloignement. L’étranger dispose plus précisément de 30 jours à compter de la notification de l’OQTF, afin de lui permettre de définir lui-même les conditions de son départ vers le pays d’accueil. Il peut par exemple user de ce délai pour solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine (Ceseda, art. L. 511-1-II modifié).
La notification de l’OQTF mentionne nécessairement le délai imparti pour quitter le territoire (Ceseda, art. R. 512-1 modifié).
L’étranger peut demander que les principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées lui soient communiqués dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend (Ceseda, art. R. 512-1-1 nouveau).
Par ailleurs, comme le permet la directive « retour », le préfet peut accorder « à titre exceptionnel » un délai supérieur à 30 jours, « eu égard à la situation personnelle de l’étranger » (Ceseda, art. L. 511-1-II modifié).
Autre nouvelle règle issue de la loi du 16 juin 2011 : l’étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à la préfecture ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ (Ceseda, art. L. 513-4 modifié). Dans ce cas, le préfet désigne le service auprès duquel l’intéressé doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence, qui ne peut excéder 3 présentations par semaine. L’étranger peut être tenu de lui remettre l’original de son passeport et de tout autre document d’identité ou de voyage en sa possession en échange d’un récépissé valant justification d’identité sur lequel est portée la mention du délai accordé pour son départ (Ceseda, art. R. 513-3 nouveau).
Immédiatement exécutoire comme l’était l’arrêté de reconduite à la frontière « ancienne formule », l’OQTF sans délai peut être prononcée – par décision motivée – par l’autorité administrative dans les situations suivantes (Ceseda, art. L. 511-1-II modifié) :
si le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ;
si l’étranger s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;
s’il existe un risque que l’étranger se soustraie à cette obligation.
Le législateur a voulu se montrer précis s’agissant de cette notion de « risque de fuite ». L’administration peut ainsi considérer que ce risque est avéré – et donc exiger un départ sans délai – dans les situations suivantes :
si l’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour. Notons toutefois une exception : lorsque la qualité de réfugié a été refusée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, par la Cour nationale du droit d’asile, à un étranger qui avait été admis au séjour afin d’en faire la demande, l’OQTF prononcée par le préfet doit toujours être assortie d’un délai de départ volontaire de 30 jours (Ceseda, art. L. 742-3 modifié ; art. 68 de la loi) ;
si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de 3 mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus de 1 mois après l’expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ;
si l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a dissimulé des éléments de son identité, qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu’il s’est précédemment soustrait à diverses obligations prévues par la loi (obligations liées à la présentation périodique à l’autorité administrative ou aux forces de l’ordre pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ, obligations liées à une assignation à résidence décidée par le juge ou par l’autorité administrative).
A noter : l’administration peut, à tout moment au cours d’un délai de départ volontaire, décider que l’étranger est obligé de quitter immédiatement le territoire français s’il apparaît un des motifs le justifiant aux yeux de la loi (Ceseda, art. L. 511-1-II modifié). L’intéressé doit être informé de cette éventualité (Ceseda, art. R. 511-2 nouveau).
Ainsi, par exemple, si un étranger qui dispose de 30 jours pour quitter le territoire doit se rendre régulièrement au commissariat pour indiquer ses diligences dans la préparation de son départ et ne le fait pas, le préfet peut décider qu’il doit quitter sans délai le territoire (Ceseda, art. L. 511-1-II modifié).
L’autorité administrative peut désormais, par décision motivée, assortir l’OQTF – avec ou sans délai de retour volontaire – d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF). Cette mesure, accusée par l’opposition de l’époque – donc la gauche – de créer une double peine et de s’apparenter à un bannissement, est une application de l’article 11 de la directive « retour ».
La durée maximale de l’interdiction de retour sur le territoire français varie, selon les cas, de 2 à 5 ans (Ceseda, art. L. 511-1-III nouveau) :
si aucun délai de départ volontaire n’a été donné à l’étranger obligé de quitter le territoire, l’administration peut prononcer une IRTF pour une durée maximale de 3 ans à compter de sa notification ;
s’il bénéficie d’un délai de départ volontaire, l’administration peut prononcer l’IRTF, prenant effet à l’expiration du délai, pour une durée maximale de 2 ans à compter de sa notification ;
s’il ne respecte pas le délai de départ volontaire et ne faisait pas l’objet d’une IRTF, l’administration peut en prendre une à son encontre d’une durée maximale de 2 ans à compter de sa notification.
Enfin, la mesure d’interdiction de retour peut être prolongée, pour une durée maximale de 2 ans, dans 3 cas :
lorsque l’étranger faisant l’objet d’une OQTF avec délai de départ volontaire assortie d’une interdiction de retour s’est maintenu sur le territoire français au-delà du délai qui lui avait été assigné ;
lorsque l’étranger s’est maintenu sur le territoire alors qu’il avait fait l’objet d’une OQTF sans délai de départ volontaire ;
lorsque l’étranger ayant fait l’objet d’une OQTF assortie d’une interdiction de retour a effectivement quitté le territoire mais est revenu en France alors que la mesure d’interdiction continuait à produire ses effets.
L’administration doit tenir compte de critères cumulatifs et limitatifs avant de notifier une IRTF et sa durée (Ceseda, art. L. 511-1-III nouveau) :
la durée de présence de l’étranger en France ;
la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France ;
s’il a fait ou non l’objet d’une précédente mesure d’éloignement ;
si sa présence sur le territoire représente une menace pour l’ordre public.
L’IRTF est une mesure qui a vocation à s’appliquer sur l’ensemble du territoire européen. Il en résulte que les mesures équivalentes prises par d’autres Etats de l’Union européenne sont exécutoires en France et que les mesures prises en France entraînent l’interdiction de se rendre dans un autre Etat membre. Afin de rendre opérationnel ce principe d’interdiction européenne, les données relatives aux mesures d’interdiction du territoire sont inscrites dans le système d’information « Schengen ». Les intéressés doivent en être informés (Ceseda, art. L. 511-1-III nouveau). Concrètement, cette inscription les empêche d’obtenir un visa pour entrer et séjourner dans l’espace Schengen. Le signalement est supprimé en cas d’extinction de l’interdiction de retour, de son annulation par le juge ou de son abrogation par le préfet.
L’abrogation de l’interdiction du territoire est la règle lorsque, après avoir fait l’objet d’une OQTF avec délai de départ volontaire assortie d’une IRTF, l’étranger s’est conformé à cette dernière dans le délai imparti. A charge pour lui de le prouver au plus tard 2 mois suivant l’expiration du délai. Cette preuve peut être apportée par le cachet apposé sur son passeport par la police aux frontières ou par tous moyens (notamment par sa présentation à l’ambassade ou au consulat français ou à la délégation de l’Office français de l’immigration et l’intégration à l’étranger du pays de destination) (Ceseda, art. L. 511-1-III et art. R. 511-4 nouveaux). Le préfet peut toutefois, par décision motivée, refuser l’abrogation « au regard de circonstances particulières tenant à la situation et au comportement de l’intéressé ».
L’autorité administrative peut aussi, à tout moment, abroger l’interdiction de retour. Lorsque l’étranger sollicite cette abrogation, sa demande n’est toutefois recevable que s’il justifie résider hors de France, sauf circonstances particulières (exécution d’une peine d’emprisonnement ferme en France ou d’une mesure d’assignation à résidence) (Ceseda, art. L. 511-1-III).
L’obligation de quitter sans délai le territoire français peut être « exécutée d’office » – elle peut être, autrement dit, immédiatement exécutoire – si elle n’ a pas fait l’objet d’un recours devant le président du tribunal administratif ou si elle n’a pas fait l’objet d’une annulation (Ceseda, art. L. 513-1-I nouveau).
Quant à l’OQTF assortie d’un délai de départ volontaire, elle est exécutoire dès la fin de ce délai en l’absence de recours administratif formé pendant cette période ou bien, lorsqu’elle a été contestée, si elle n’a pas été annulée (Ceseda, art. L. 513-1-I nouveau).
L’étranger faisant l’objet d’une interdiction de retour sur le territoire français peut également être d’office reconduit à la frontière… sous réserve toutefois de l’article L. 512-3 du Ceseda relatif à l’exécution des OQTF (Ceseda, art. L. 513-1-II nouveau). Une manière pour le législateur de préciser qu’une interdiction de retour ne peut entraîner la reconduite à la frontière que si les délais de recours contre l’OQTF ont été dépassés ou le recours jugé. « Par conséquent, l’étranger [peut] être reconduit immédiatement à la frontière s’il a quitté, volontairement ou non, la France et qu’il est revenu sur le territoire, ou s’il s’est maintenu en France plus d’une année après la notification d’une OQTF », a résumé le sénateur (UMP) François-Noël Buffet, rapporteur de la loi (Rap. Sén. n° 239, Tome I, janvier 2011, Buffet, page 136). Ainsi, « tandis que dans le droit antérieur un étranger qui [faisait] l’objet d’une OQTF depuis plus d’un an ne [pouvait] plus être placé en rétention, donc expulsé, sans que le préfet prenne à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière », il peut désormais être expulsé s’il a fait l’objet d’une interdiction du territoire (celle-ci étant d’une durée minimale de 2ans).
L’éloignement des ressortissants communautaires (3) et des membres de leur famille est désormais possible dans 3 hypothèses.
L’autorité administrative compétente peut ainsi, par décision motivée, les obliger à quitter le territoire français si elle constate que (Ceseda, art. L. 511-3-1 nouveau) :
l’intéressé ne justifie plus d’aucun droit de séjour après 3 mois de présence en France. Autrement dit, il n’est pas en mesure de répondre aux conditions posées par la loi pour un séjour de longue durée : exercer une activité professionnelle ou bénéficier de ressources suffisantes sans constituer un poids pour le système d’assurance sociale… ;
pendant la période de 3 mois à compter de son entrée en France, son comportement personnel constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ;
son séjour est constitutif d’un abus de droit. Constitue un tel abus :
– un séjour en France « dans le but essentiel de bénéficier du système d’assistance sociale »,
– le fait de renouveler des séjours de moins de 3 mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour supérieur à 3 mois ne sont pas remplies.
L’autorité administrative compétente tient compte de l’ensemble des circonstances relatives à la situation de l’intéressé, notamment la durée de son séjour en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.
L’étranger dispose, pour satisfaire à l’OQTF, d’un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à 30 jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l’autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à 30 jours.
L’OQTF fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d’exécution d’office.
Le placement en rétention administrative, ordonné par le préfet, vise à maintenir à la disposition de l’administration les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, dans le cas où cette mesure ne peut être mise en œuvre immédiatement. La loi du 16 juin 2011 en a modifié le régime, notamment pour adapter le dispositif aux nouvelles procédures d’éloignement créées en application de la directive « retour » et pour faire passer la durée de la rétention de 2 à 5 jours.
A noter : dans le dispositif antérieur, le placement en rétention par l’autorité préfectorale était de plein droit. Seul le juge des libertés et de la détention pouvait « à titre exceptionnel » assigner l’étranger à résidence « lorsque celui-ci [disposait] de garanties de représentation effectives ». Il est désormais précisé que l’intéressé est placé en rétention « à moins qu’il ne soit assigné à résidence » en application de l’article L. 561-2 du Ceseda. Cette nouveauté a été introduite afin de transposer l’article 15 de la directive « retour », qui autorise le placement en rétention « à moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier » (voir page 43).
Les cas autorisant le préfet à placer en rétention un étranger ne pouvant quitter immédiatement le territoire français sont dorénavant au nombre de 8. Il s’agit de l’étranger qui (Ceseda, art. L. 551-1 modifié) :
doit, dans le cadre d’une réadmission et en application des articles L. 531-1 (4) ou L. 531-2 (5), être remis aux autorités compétentes du pays de l’Union européenne qui l’a admis à entrer sur son territoire ;
fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ;
doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction judiciaire du territoire (6) ;
fait l’objet de ce que l’on a coutume d’appeler une « reconduite d’office Schengen » (reconduite d’office dans le cadre d’une procédure d’éloignement prise par un autre Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990) ;
fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de 3 ans auparavant en application de l’article L. 533-1 du Ceseda (voir encadré, page 39) ;
fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise moins de 1 an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n’a pas été accordé ;
doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour (il s’agit du seul motif véritablement nouveau de placement en rétention) ;
a fait l’objet d’une décision de placement en rétention au titre d’un des motifs ci-dessus, n’a pas respecté la mesure d’éloignement dont il est l’objet dans un délai de 7 jours suivant le terme de son précédent placement en rétention ou, l’ayant respectée, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire.
Au passage, le législateur a modifié la durée pendant laquelle l’administration peut maintenir un étranger en rétention sans l’intervention du juge judiciaire. Elle est dorénavant de 5 jours, contre 2 auparavant (Ceseda, art. L. 551-1 modifié).
Il est dorénavant explicitement prévu que la décision de placement en centre de rétention administrative prend effet à compter de sa notification à l’intéressé. La précision est importante car les délais de recours contentieux en matière administrative courent désormais à partir de la notification de la décision de rétention et non plus de celle relative au séjour (Ceseda, art. L. 551-2 modifié).
Une autre nouveauté concerne les conditions d’exercice des droits en rétention. Le droit antérieur prévoyait que l’étranger est informé – dans une langue qu’il comprend et « dans les meilleurs délais » – qu’il peut, « pendant toute la période de la rétention », demander l’assistance d’un interprète, d’un conseil ainsi que d’un médecin. Il doit également être informé qu’il peut communiquer avec son consulat et avec la personne de son choix.
La Cour de cassation ayant, dans un arrêt du 31 janvier 2006, considéré que la notification du placement en rétention, l’information de la personne concernée sur ses droits et la possibilité pour celle-ci de les faire valoir devaient être simultanées, la loi du 16 juin 2011 est donc venue préciser que l’étranger est informé dans les meilleurs délais qu’il peut exercer les droits qui lui sont reconnus « à compter de son arrivée au lieu de rétention » – c’est-à-dire « un point de départ objectif et facilement mesurable », selon les mots du rapporteur (UMP) de la loi à l’Assemblée nationale, Thierry Mariani (Rap. A.N. n° 2814, septembre 2010, page 252) – et non plus « pendant toute la période de rétention » (Ceseda, art. L. 551-2 modifié).
La notion de « meilleurs délais » a par ailleurs été précisée. Elle s’entend « compte tenu du temps requis pour informer chaque étranger de ses droits lorsqu’un nombre important d’étrangers doivent être simultanément placés en rétention » (Ceseda, art. L. 551-2 modifié).
L’article 16 de la directive « retour » prévoit que « les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de visiter les centres de rétention » et que ces visites « peuvent être soumises à une autorisation ». Afin de se conformer à cette disposition, la loi du 16 juin 2011 a, pour consacrer l’existence de ce droit, renvoyé à un décret le soin d’en déterminer les conditions d’exercice (Ceseda, art. L. 553-3 modifié). Ce texte est paru en juillet dernier (7).
Auparavant, la réglementation française prévoyait simplement la présence, dans chaque centre de rétention, d’une seule association, sur la base d’une convention passée avec l’Etat, et ce, pour permettre l’exercice par les étrangers des droits qui leur sont reconnus (accueil, information, soutien, aide à l’exercice de leurs droits). Depuis 2010, cette présence est assumée par 5 associations réparties dans les différents centres de rétention de France (8).
Or cette organisation ne satisfaisait pas complètement les exigences de la directive « retour », qui prévoit que les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes ont la possibilité de « visiter » les centres de rétention, indépendamment donc de toute mission d’information ou d’assistance aux étrangers.
La loi a donc consacré le droit d’accès des associations humanitaires aux lieux de rétention. Un droit d’accès qui se veut donc, à cet égard, plus conforme à la législation européenne. « Il ne s’agit pas ici des associations chargées de l’assistance juridique aux étrangers, qui exercent une permanence dans les centres de rétention, mais d’observateurs extérieurs qui pourront exercer un nouveau type de contrôle sur les conditions de vie des étrangers en rétention », explique ainsi François-Noël Buffet (Rap. Sén. n° 239, tome I, janvier 2011, Buffet, page 163).
Cet accès ne doit pas entraver le fonctionnement du lieu de rétention et les activités qu’y exercent les services de l’Etat et les associations chargées de l’assistance juridique aux étrangers. Il doit, en outre, s’exercer « dans le respect des opinions politiques, philosophiques ou religieuses des étrangers retenus » (Ceseda, art. R. 553-14-4 nouveau).
Il revient au ministre chargé de l’immigration de fixer la liste des associations habilitées à proposer des représentants en vue de visiter les lieux de rétention.
L’habilitation ne peut être sollicitée que par des associations régulièrement déclarées depuis au moins 5 années et proposant par leurs statuts la défense des étrangers, la défense des droits de l’Homme ou l’assistance médicale et sociale. Précision importante : elle ne peut pas être sollicitée par les associations chargées – par convention – de l’assistance juridique aux étrangers retenus. Tout refus d’habilitation doit être motivé « au regard notamment du nombre d’associations déjà habilitées ». Le cas échéant, l’habilitation est accordée pour une durée de 3 ans et est renouvelable une fois pour la même durée. Le ministre chargé de l’immigration a toutefois la possibilité de la retirer, par décision motivée (Ceseda, art. R. 553-14-5 nouveau).
L’accès des représentants des associations habilitées à visiter les lieux de rétention est lui-même subordonné à un agrément individuel accordé pour une durée de 1 an par ce même ministre. Renouvelable, cet agrément peut être accordé à 5 personnes par association. Il entraîne la délivrance d’une carte nominative permettant d’obtenir, lors de chaque visite, une autorisation d’accès au lieu de rétention. Une même personne ne peut recevoir qu’un agrément. En outre, le ministre chargé de l’immigration peut retirer ce dernier à tout moment, par décision motivée. Enfin, l’agrément est retiré sur demande de celle-ci ou lorsque l’habilitation de l’association a été retirée ou a expiré (Ceseda, art. R. 553-14-6 nouveau).
Les représentants agréés d’une association peuvent s’entretenir avec le chef de centre ou le responsable du local de rétention et, lorsqu’ils sont présents, avec les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ainsi qu’avec les représentants agréés des associations chargées de l’assistance juridique aux étrangers retenus (Ceseda, art. R. 553-14-7 nouveau).
Par ailleurs, l’autorisation de s’entretenir confidentiellement avec les personnes retenues ne peut leur être refusée que si cet entretien est de nature à entraver le fonctionnement du lieu de rétention ou les activités qu’y exercent les services de l’Etat et les associations chargées de l’assistance juridique aux étrangers (Ceseda, art. R. 553-14-7 nouveau).
Autre précision : les représentants de plusieurs associations habilitées ne peuvent accéder le même jour au même lieu de rétention. Et lorsque les représentants agréés d’une association exercent leur droit de visite, ils doivent informer au préalable, au moins 24 heures à l’avance, le chef de centre ou le responsable du local de rétention afin de convenir avec lui des modalités pratiques de leur visite (Ceseda, art. R. 553-14-7 nouveau).
A noter : une réunion doit être organisée chaque année sur le fonctionnement des lieux de rétention à l’initiative du ministre chargé de l’immigration, avec les présidents des associations habilitées, leurs représentants agréés et les services de l’Etat concernés. Le compte rendu de cette réunion, établi conjointement, doit être rendu public (Ceseda, art. R. 553-14-8 nouveau).
Il est tenu, dans tous les lieux recevant des personnes à l’encontre desquelles a été prise une mesure de placement en rétention, un registre mentionnant l’état civil de ces personnes ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien. La loi du 16 juin 2011 a imposé qu’y soit également mentionné l’état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes, ainsi que leurs conditions d’accueil (Ceseda, art. L. 553-1 modifié).
Selon l’exposé des motifs de la loi, cette nouveauté vise à permettre à l’autorité judiciaire, qui assure la protection de l’enfance, d’apprécier le caractère adapté, au sens de l’article 37 de la Convention internationale des droits de l’Enfant, des conditions du séjour d’un enfant accompagnant ses parents dans un centre de rétention.
Rappelons que, dans un arrêt rendu le 19 janvier 2012, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour avoir placé, avec leurs parents en situation irrégulière, deux enfants en bas âge dans un centre de rétention administrative, dans l’attente de leur expulsion. Considérant que le centre, bien qu’habilité à recevoir des familles, était inadapté aux enfants, les juges ont en effet décidé que la rétention administrative des enfants violait plusieurs articles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (1). Cet arrêt va ainsi à l’encontre de la politique de la France, qui consiste à recourir quasi systématiquement à la rétention administrative des mineurs migrants accompagnés.
La loi du 16 juin 2011 a procédé à une refonte du régime de l’assignation à résidence des étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement devenue exécutoire. Prononcée par le préfet de département et, à Paris, par le préfet de police (Ceseda, art. R. 561-1 nouveau), elle peut désormais être de 3 types : assignation à résidence « jusqu’à perspective raisonnable d’exécution » de la mesure d’éloignement, assignation à résidence avec « perspective raisonnable d’exécution » de la mesure d’éloignement et assignation à résidence avec surveillance électronique.
Le premier type d’assignation à résidence possible (inspiré de ce qui existait déjà dans le droit antérieur) concerne l’étranger qui est dans l’impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d’origine, ni se rendre dans aucun autre pays. Le préfet peut alors, « jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de son obligation, l’autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l’assignant à résidence, et ce, dans les cas suivants (Ceseda, art. L. 561-1 nouveau) :
si l’intéressé fait l’objet d’une OQTF sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ;
s’il doit être remis aux autorités d’un Etat membre de l’Union européenne (dans le cadre d’une réadmission) ;
s’il doit être reconduit à la frontière en application de l’art. L. 531-3 du Ceseda (« reconduite d’office Schengen ») ;
s’il doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ;
s’il doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction du territoire prévue à l’article 131-30 du code pénal (peine pouvant être prononcée à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit).
La décision d’assignation à résidence doit être motivée. En outre, et c’est la principale nouveauté, elle peut être prise pour une durée maximale de 6 mois et renouvelée une ou plusieurs fois pour 6 mois au maximum, par une décision également motivée. Cette limitation ne s’applique toutefois pas lorsque l’étranger assigné à résidence est soumis à une mesure d’interdiction du territoire ou d’expulsion.
Concrètement, comme auparavant, l’étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par le préfet doit se présenter périodiquement aux services de police et aux unités de gendarmerie. Nouveauté : le préfet peut dorénavant également prescrire à l’étranger la remise de son passeport ou de tout autre document d’identité ou de voyage en sa possession (Ceseda, art. L. 561-1 et R. 561-3 nouveaux). Il remet en échange à l’intéressé un récépissé valant justification de son identité et sur lequel est portée la mention de l’assignation à résidence jusqu’à l’exécution de la mesure d’éloignement dont il fait l’objet (Ceseda, art. R. 561-3 nouveau).
Si l’étranger présente une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, le préfet peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu’aux lieux d’assignation (Ceseda, art. L. 561-1 nouveau).
Le périmètre dans lequel l’intéressé est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence est déterminé par le préfet. Ce dernier désigne à l’étranger le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu’il fixe dans la limite d’une présentation par jour, en précisant si cette obligation s’applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (Ceseda, art. R. 561-2 nouveau).
Toutefois, lorsque l’étranger assigné à résidence doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction du territoire ou d’un arrêté d’expulsion, le préfet peut fixer à 4 au plus le nombre de présentations quotidiennes. Il peut en outre désigner à l’étranger une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il est assigné à résidence, dans la limite de 10 heures consécutives par 24 heures (Ceseda, art. R. 561-2 nouveau).
Ces deux possibilités lui sont également ouvertes pour les étrangers appartenant aux 4 autres catégories de personnes pouvant être concernées par ce type d’assignation à résidence (voir ci-dessus) lorsqu’elles constituent une menace pour l’ordre public (Ceseda, art. R. 561-2 nouveau).
Le non-respect des prescriptions liées à l’assignation est passible d’une peine d’emprisonnement allant de 1 à 3 ans (9) (Ceseda, art. L. 561-1 nouveau et L. 624-4 modifié).
A noter : ce type d’assignation à résidence peut être assorti d’une autorisation de travail (Ceseda, art. R. 561-4 nouveau).
L’article 15 de la directive « retour » prévoit que, « à moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement ». Le régime applicable en France avant la loi du 16 juin 2011, dans lequel le juge des libertés et de la détention – saisi par l’administration au bout de 48 heures pour prolonger la rétention – pouvait exceptionnellement choisir d’assigner à résidence l’étranger présentant des garanties de représentation suffisantes, n’était donc pas compatible avec cette disposition. C’est pourquoi, afin d’aller dans le sens de la directive, il est désormais prévu que l’intéressé est placé en rétention « à moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 du Ceseda ». Ce faisant, le législateur a créé une nouvelle assignation à résidence, devenue mesure alternative à la rétention.
Comme le placement en rétention, elle ne peut être prise qu’à l’égard de l’étranger pour lequel « l’exécution de l’obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable ». Il est en outre nécessaire que l’étranger présente « des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque […] qu’il se soustraie à cette obligation » (Ceseda, art. L. 561-2 nouveau). Il s’agit plus précisément du « risque de fuite » défini à l’article L. 511-1-II du Ceseda (voir page 37).
Comme pour l’assignation à résidence en cas d’impossibilité de quitter le territoire français, la décision du préfet doit être motivée. De plus, l’étranger doit se présenter périodiquement à la police ou à la gendarmerie, le préfet peut retenir son passeport – ou tout autre document d’identité ou de voyage en sa possession – et, si l’étranger présente une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, il peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu’aux lieux d’assignation. En revanche, puisqu’il s’agit d’une situation où l’éloignement de l’étranger doit être mené à bien à court terme, sa durée maximale est plus courte : 45 jours, renouvelable une fois (Ceseda, art. L. 561-2 nouveau). Elle peut donc durer jusqu’à 90 jours.
Les parlementaires qui sont à l’origine de la mesure l’ont présentée comme une nouvelle alternative au placement en rétention des mineurs accompagnants : la loi du 16 juin 2011 a créé une nouvelle forme d’assignation à résidence avec port d’un bracelet électronique, réservée aux étrangers sous le coup d’une mesure d’éloignement ne pouvant être immédiatement exécutée et qui sont parents d’enfants mineurs résidant en France.
L’assignation à résidence avec surveillance électronique peut plus précisément être prononcée en faveur de l’étranger père ou mère d’un enfant mineur résidant en France et dont il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation, soit depuis sa naissance, soit depuis au moins 2 ans (Ceseda, art. L. 562-1 nouveau).
Autre condition : il faut que l’étranger ne présente pas de garanties suffisantes de représentation – et ne puisse donc être assigné à résidence « avec perspective raisonnable d’exécution » de la mesure d’éloignement (voir page 43).
La décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique est prise par le préfet mais peut aussi, « à titre exceptionnel », être prise par le juge des libertés et de la détention (Ceseda, art. L. 552-4-1).
Elle est prise pour une durée initiale de 5 jours et peut être prolongée par le juge des libertés et de la détention comme en matière de rétention, soit 2 fois 20 jours (Ceseda, art. L. 562-1 nouveau). Au total, elle ne peut pas dépasser 45 jours.
L’étranger concerné a interdiction de s’absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le préfet ou le juge des libertés et de la détention, en dehors des périodes fixées par ces derniers (Ceseda, art. L. 562-2 nouveau).
Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le seul lieu désigné par le juge des libertés et de la détention pour chaque période fixée. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à la personne assignée le port, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, d’un dispositif intégrant un émetteur (Ceseda, art. L. 562-2 nouveau).
Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre chargé de l’immigration et le ministre de la Justice. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne. Le contrôle à distance de la mesure est assuré par des fonctionnaires de la police ou de la gendarmerie nationales qui sont autorisés, pour l’exécution de cette mission, à mettre en œuvre un traitement automatisé de données nominatives (Ceseda, art. L. 562-2 nouveau).
Dans la limite des périodes fixées dans la décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique, les agents chargés du contrôle peuvent se rendre sur le lieu de l’assignation pour demander à rencontrer l’étranger. Ils ne peuvent toutefois pénétrer au domicile de la personne chez qui le contrôle est pratiqué sans l’accord de celle-ci (Ceseda, art. L. 562-2 nouveau).
Le non-respect des prescriptions liées à l’assignation est passible d’une peine d’emprisonnement d’un an (Ceseda, art. L. 562-2 nouveau).
À SUIVRE…
Mesure d’éloignement. L’« obligation de quitter le territoire français » constitue désormais la mesure d’éloignement « de droit commun » à l’égard des étrangers en situation irrégulière.
Interdiction de retour. Les étrangers qui ne respectent pas, dans les temps impartis, l’obligation de quitter le territoire à laquelle ils sont soumis peuvent être interdits de retour sur le territoire de l’Union européenne pendant 2 à 5 ans.
Lieux de rétention. Des représentants d’associations humanitaires ont désormais, sous certaines conditions, accès aux lieux de rétention, indépendamment de toute mission d’information ou d’assistance aux étrangers.
Assignation à résidence. Les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement devenue exécutoire peuvent dorénavant, selon leur situation, faire l’objet de trois types d’assignation à résidence.
DANS CE NUMÉRO
I. La réforme du régime de l’éloignement
A. L’OQTF applicable aux ressortissants de pays tiers
B. L’OQTF applicable aux ressortissants communautaires
C. Les mesures dans l’attente de l’exécution de la mesure d’éloignement
DANS UN PROCHAIN NUMÉRO
II. La réforme du contentieux des mesures d’éloignement
Pour assortir une obligation de quitter le territoire français (OQTF) d’une interdiction de retour, l’autorité administrative doit-elle successivement et distinctement motiver le principe d’une telle décision puis la détermination de sa durée ? Doit-elle par ailleurs se fonder sur l’ensemble des critères dont la loi a prévu qu’elle tienne compte ? Et doit-elle expliciter formellement dans la motivation de la décision la pondération qu’elle a retenue pour chaque critère ? Dans un avis du 12 mars 2012, les membres du Conseil d’Etat ont indiqué que, à leurs yeux, il ressort des termes mêmes du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que l’autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l’encontre de l’étranger soumis à une OQTF une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte des 4 critères énumérés par la loi, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l’un ou plusieurs d’entre eux. Par ailleurs, toujours selon les sages, la décision d’interdiction de retour doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Aucune règle n’impose en revanche que le principe et la durée de l’interdiction de retour fassent l’objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l’importance accordée à chaque critère.
En dépit de l’unification des procédures, la loi du 16 juin 2011 a maintenu un unique cas de reconduite à la frontière dans le droit français. Il concerne les étrangers ressortissants de pays tiers entrés en France pour un court séjour – autrement dit, les étrangers qui résident régulièrement en France depuis plus de 3 mois ne sont pas concernés – et qui travaillent illégalement ou dont le comportement constitue une menace pour l’ordre public. Cette dernière notion est désormais explicitée dans l’article L. 533-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle peut ainsi s’apprécier au regard de la commission de certains faits passibles de poursuites pénales, listés dans cet article : trafic de stupéfiants, traite des êtres humains, proxénétisme, exploitation de la mendicité, vol dans un transport collectif, demande de fonds sous contrainte, occupation illégale d’un terrain public ou privé, violences conjugales, atteintes diverses à l’exercice de l’autorité parentale, violations des ordonnances de protection prises par le juge aux affaires familiales en cas de violences, vols avec circonstances aggravantes, etc.
A noter : le régime contentieux applicable à cette mesure de reconduite à la frontière n’est pas modifié par rapport à la situation antérieure.
Autre catégorie de mesure administrative d’éloignement, l’arrêté d’expulsion concerne les étrangers dont le séjour en France est régulier. Contrairement au droit antérieur, un ressortissant communautaire résidant en France depuis au moins 10 ans ne peut plus, désormais, être expulsé au seul motif qu’il a été condamné à une peine d’emprisonnement ferme de 5 ans au plus (Ceseda, art. L. 521-2 modifié). De plus, un ressortissant communautaire ne peut, dorénavant, faire l’objet d’une mesure d’expulsion que s’il représente « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ». Pour prendre une telle mesure, l’administration doit tenir compte de l’ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée de son séjour sur le territoire national, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle dans la société française ainsi que l’intensité des liens avec son pays d’origine (Ceseda, art. L. 521-5 nouveau).
Sans changement par rapport au droit antérieur, l’étranger frappé d’un arrêté d’expulsion et qui ne peut pas être éloigné peut également être assigné à résidence. Plusieurs cas sont envisagés. L’étranger peut ainsi, dans ce cadre, être assigné à résidence :
s’il prouve être dans l’impossibilité de regagner son pays d’origine ou de se rendre dans un autre pays (Ceseda, art. L. 523-3 modifié). L’assignation est alors prononcée de façon provisoire jusqu’à ce que l’éloignement soit possible, dans les conditions prévues par l’article L. 561-1 du Ceseda (voir page 42) ;
en cas d’urgence absolue et de nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat ou la sécurité publique. L’assignation est alors prononcée pour une durée de 1 mois maximum (Ceseda, art. L. 523-3 modifié) ;
si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé. Une autorisation provisoire de travail lui est alors délivrée. Et les obligations de présentation aux services de police et aux unités de gendarmerie prévues à l’article L. 561-1 du Ceseda ainsi que les sanctions en cas de non-respect des prescriptions liées à l’assignation à résidence prévues à l’article L. 624-4 du même code (voir ci-dessus) sont applicables (Ceseda, art. L. 523-4) ;
s’il appartient à une des catégories d’étrangers bénéficiant de la « protection relative » listées à l’article L. 521-2 du Ceseda (étranger parent d’un enfant mineur vivant en France et à l’entretien duquel il contribue, étranger marié depuis au moins 3 ans avec un Français avec lequel il vit depuis le mariage…). L’assignation est alors prononcée à titre probatoire et exceptionnelle. La mesure est assortie d’une autorisation provisoire de travail. Là encore, les obligations de présentation aux services de police et aux unités de gendarmerie prévues à l’article L. 561-1 du Ceseda ainsi que les sanctions en cas de manquement aux prescriptions liées à l’assignation à résidence prévues à l’article L. 624-4 du même code sont applicables. L’assignation peut être abrogée à tout moment si l’étranger commet de nouveaux troubles à l’ordre public (Ceseda, art. L. 523-5 modifié).
(3) Il s’agit plus précisément des ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse.
(4) Renvoi d’un étranger ressortissant de pays tiers ayant pénétré ou séjourné en France illégalement vers l’Etat membre qui l’a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement.
(5) Renvoi d’un demandeur d’asile vers le pays membre de l’Union européenne responsable de sa demande.
(6) Prévue à l’article 131-30 du code pénal, la peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de 10 ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit.
(7) Décret n° 2011-820 du 8 juillet 2011, J.O. du 9-07-11.
(9) Un an en cas de non-respect de l’obligation de présentation, 3 ans dans le cas d’un étranger qui n’a pas rejoint dans les délais prescrits la résidence qui lui a été assignée ou qui, ultérieurement, a quitté cette résidence sans autorisation.