La précarité entraîne une « insécurité » qui peut conduire « à la grande pauvreté, quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible », soulignait, dès 1987, le père Joseph Wresinski dans son rapport intitulé Grande pauvreté et précarité économique et sociale (1). Afin de mieux comprendre les différentes trajectoires qui conduisent à la pauvreté des femmes, plus nombreuses que les hommes à s’adresser au Secours catholique, ce qui est l’« indice d’une fragilité plus grande », l’association caritative distinguait, dans son rapport statistique 2008 (2), cinq types de femmes en difficulté. Le premier groupe, les « jeunes précaires », est constitué de filles, parfois très jeunes, qui se retrouvent à la rue, sans ressources, à la suite d’une rupture familiale ou après avoir subi des violences. Les « jeunes mères », qui correspond au deuxième groupe, ressemblent aux jeunes précaires « mais la présence d’enfants change radicalement leur situation ». Cette dernière s’améliore « dans le domaine du logement, des ressources, de l’intervention des acteurs sociaux ou associatifs » mais, parallèlement, les difficultés s’installent dans la durée. « Leurs enfants donnent sens à leur vie et elles ne souhaitent pas les confier à d’autres pour aller travailler », s’en occuper étant perçu comme « l’occasion de réparer des failles de leur propre enfance ». Ce deuxième profil-type se caractérise également par l’absence : de conjoint (souvent à la suite d’une rupture), le manque d’argent et l’isolement. Troisième groupe les « femmes en couple avec enfant(s) ». Ces dernières, âgées de 25 à 50 ans, qui vivent souvent en milieu rural, font partie des « travailleurs pauvres ». Vivant de salaires ou d’indemnités de chômage, leur niveau de vie est plus élevé que les femmes des autres groupes, mais presque toujours inférieur au seuil de pauvreté. Leur parcours est marqué par un « accident » : maladie, handicap d’un membre de la famille, perte d’un bien (voiture…) avec pour conséquence un endettement (ou un surendettement). Le quatrième groupe est constitué de « mères seules plus âgées » : en logement stable (souvent dans le parc social urbain), elles sont très éloignées de l’emploi, souvent du fait d’une incapacité de santé (handicap, maladie physique ou psychique). Leur pauvreté est durable. Enfin, cinquième groupe, les « femmes sans enfants » vivent seules, en logement stable mais sont pour la plupart inactives du fait d’une invalidité ou parce qu’elles sont retraitées. Alors que leur situation s’est souvent dégradée récemment pour des raisons familiales, professionnelles ou de santé, elles sont « très exposées à la solitude ». A l’issue de ce tableau, le Secours catholique s’interroge : parmi ces femmes, « combien parcourent intégralement et dans la solitude le chemin qui va de la grande précarité à la pauvreté ? » Et de se demander quels moyens mettre en œuvre pour leur permettre de s’en sortir durablement. Certes, « dès que des enfants sont présents, les services sociaux les accompagnent vers un logement stable et des ressources régulières ». Il n’empêche que, globalement, « l’emploi qui assurerait leur autonomie est le plus souvent exclu : à cause du manque de formation, à cause des enfants lorsqu’ils sont petits, à cause de l’invalidité, puis à cause de l’âge plus tard ».
L’enquête met en évidence une dernière catégorie de femmes, caractérisée par leur nationalité étrangère : plus jeunes et plus précaires que les femmes françaises, elles vivent plus souvent en couple mais sont plus fréquemment inactives du fait des difficultés supplémentaires liées à la langue, aux particularismes culturels et à leur statut administratif. Moins en contact avec les services sociaux, elles vivent pour un tiers en logement précaire – notamment à l’hôtel, chez des proches, en hébergement d’urgence ou collectifs (foyers, résidences, centres d’accueil pour demandeurs d’asile…). Plus d’un quart d’entre elles vivent sans aucune ressources et, lorsqu’elles en ont, elles sont, dans plus de la moitié des cas, de transferts sociaux.
(1) Rapport du Conseil économique et social – Disponible sur
(2) La pauvreté au féminin – Disponible sur