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Les chantiers sociaux du nouveau chef de l’Etat

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François Hollande, élu le 6 mai septième président de la Ve République – le deuxième socialiste – avec 51,63 % des voix, veut être jugé au terme de son quinquennat sur deux « engagements majeurs: la justice et la jeunesse ». Revue de détail de son programme et des promesses faites aux associations durant la campagne, avant la passation de pouvoir prévue le 15 mai, et la formation de son gouvernement.

Emploi, logement, soutien à la jeunesse, « justice fiscale »… Les priorités de campagne du nouveau chef de l’Etat, le socialiste François Hollande, doivent se concrétiser, selon sa feuille de route, dès les premiers mois de sa mandature.

Priorité à l’emploi

Premier grand rendez-vous: une « conférence nationale pour la croissance et l’emploi » avec les partenaires sociaux, dès la mi-juillet, afin de préciser l’agenda des principaux chantiers sociaux du quinquennat. Au menu doivent figurer la politique de l’emploi et de la formation, la protection sociale, ainsi que le niveau du SMIC, pour lequel François Hollande a promis un coup de pouce dès cet été et, par la suite, un mécanisme permettant de l’indexer sur les prix et de le lier à la croissance. Restent à préciser pendant cette conférence les contours des « contrats de génération », qui doivent permettre aux entreprises d’embaucher un jeune, accompagné par un senior maintenu dans l’emploi jusqu’à sa retraite, en contrepartie d’allégements de charge. Outre ces 500 000 nouveaux contrats, le nouvel hôte de l’Elysée a également annoncé la création de 150 000 « emplois d’avenir », en particulier en faveur de jeunes issus des quartiers populaires. Une loi pour l’emploi et la cohésion sociale, prévue pour la période comprise entre août prochain et juin 2013, devrait intégrer ces deux dispositifs. Un texte législatif sur le développement économique et social est prévu à la même échéance. Pour lutter contre la dégradation des situations d’emploi, le successeur de Nicolas Sarkozy a notamment indiqué qu’il augmenterait les cotisations chômage pour les entreprises « qui abusent des emplois précaires ». Concernant les plus éloignés de l’emploi, il a accepté de signer, le 28 mars, le « Pacte pour l’insertion et l’emploi » soumis aux candidats par le Comité national des entreprises d’insertion, qui vise à tripler en cinq ans l’offre d’insertion dans ces structures, c’est-à-dire à salarier 150 000 personnes chaque année. Quant aux retraites, un décret devrait, avant la fin juin, permettre aux personnes ayant commencé à travailler à 18 ans et ayant cotisé 41 annuités de faire valoir leurs droits à 60 ans. Mais une réforme plus globale, qui devrait intégrer des dispositions particulières pour les travailleurs handicapés, doit être négociée avec les partenaires au cours de la première année de quinquennat.

Des mesures pour le pouvoir d’achat et le logement

Le pouvoir d’achat des ménages devrait, en outre, faire l’objet de plusieurs mesures immédiates comme l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire – qu’il entend financer par l’abaissement du plafond du quotient familial – et le blocage pour trois mois des prix du carburant. Outre un « plan massif de rénovation thermique » des logements, annoncé pour cet été, le chef de l’Etat entend engager une tarification progressive de l’eau, de l’électricité et du gaz qui permettrait « de faire sortir de la précarité énergétique 8 millions de Français ». S’il ne l’a pas inscrit dans son programme, il s’est par ailleurs engagé auprès du collectif Alerte à faire adopter un plan interministériel et quinquennal de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, assorti d’indicateurs chiffrés et dont l’impact serait mesuré tous les ans avec les associations. Il a promis à l’Union nationale des associations familiales que les prestations familiales seront « strictement indexées sur le coût de la vie » mais ne s’est, en revanche, pas prononcé sur le montant du revenu de solidarité active « socle ».

Autre axe fort de réforme: le logement. Signataire du « contrat social pour une nouvelle politique du logement » proposé par la Fondation Abbé-Pierre, François Hollande a présenté plusieurs dispositions pour tenter de résorber la crise dans le cadre d’une prochaine loi sur l’accès au logement. Il prévoit de mettre à disposition des collectivités locales les terrains disponibles de l’Etat, dans l’objectif d’atteindre la construction de 2,5 millions de logements en cinq ans, dont 150 000 logements « très sociaux », financés notamment grâce au doublement du plafond du Livret A. Il souhaite aussi renforcer la loi « solidarité et renouvellement urbains » (SRU) en augmentant de 20 % à 25 % le taux de logements sociaux demandé aux communes et en multipliant par cinq les sanctions qu’elles encourent. Le nouveau président de la République a également annoncé l’encadrement du montant des loyers lors de la première location ou à la relocation, dans les zones où les prix sont excessifs. Autre mesure, qui devrait être prise avant fin juin : l’instauration d’une « caution solidaire » pour permettre aux jeunes d’accéder à la location. François Hollande s’est par ailleurs engagé auprès des associations, inquiètes de la cohérence de la mise en œuvre de la politique du « logement d’abord », à créer 15 000 places supplémentaires d’hébergement d’urgence. En faveur des quartiers, l’ancien candidat a également promis « une nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain », complétée « par des actions de cohésion sociale en lien avec les collectivités et les associations ».

Education et jeunesse : des objectifs ambitieux

Sans aller jusqu’à accepter l’idée d’un grand ministère dédié à ce sujet, « l’avenir de la jeunesse » a également fait partie des priorités de la campagne. Après un « réexamen de la rentrée scolaire » 2012, une prochaine loi d’orientation et de programmation pour l’Education nationale devrait prévoir de créer en cinq ans 60 000 postes destinés à renflouer les équipes d’enseignants (surtout en maternelle et en primaire, où sont promis des efforts particuliers dans les établissements cumulant le plus de difficultés), d’assistants d’éducation, de personnels dédiés à l’accueil des enfants handicapés, les services sociaux et de santé scolaires, et à rétablir les RASED (réseaux d’aide spécialisés aux élèves en difficultés). Objectifs affichés : diviser par deux en cinq ans le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification et faire en sorte « qu’aucun jeune de 16 ans ne soit laissé à l’abandon, sans une formation, un emploi ou un service civique ». « Un droit à un capital formation de 800 heures mobilisable immédiatement » sera créé, a, sans plus de précision, assuré l’équipe de campagne du président au collectif « Pour un big bang des politiques jeunesse ». Une allocation sous conditions de ressources fait également partie des projets, « dans le cadre d’un parcours d’autonomie pour les jeunes étudiants et en formation ».

Toujours en matière de politique de la jeunesse, le nouveau chef de l’Etat a annoncé la création d’un « service public de la petite enfance » devant se traduire par l’ouverture de nouvelles places et la diversification des modes d’accueil. Dans un courrier adressé au collectif « Pas de zéro de conduite » le 24 avril, il a précisé vouloir lancer un « plan de santé publique autour de la santé des enfants et des adolescents » et articuler les dispositifs de prise en charge avec les programmes d’accompagnement des parents.

Quant au traitement pénal de la délinquance des mineurs, le président de la République est certainement resté en deçà des attentes des professionnels, en faisant le choix de doubler le nombre de centres éducatifs fermés (ce qui devrait porter leur nombre à 80 au cours du quinquennat), tout en affirmant la reconnaissance de « l’importance des autres structures d’accueil dans l’éventail des solutions envisageables par les juridictions, notamment en milieu ouvert ou dans les unités éducatives d’hébergement ». La suppression des peines planchers ou encore l’amélioration de l’aide juridictionnelle sont au programme des prochaines mesures dans le domaine judiciaire. La création de 1 000 postes pour la sécurité et la justice est prévue dans le cadre de la loi de finances pour 2013. Des « zones de sécurité prioritaires où seront concentrés davantage de moyens » pour la police ont également été annoncées.

Une loi-cadre sur le vieillissement

Autre sujet majeur: François Hollande promet de s’atteler à la réforme de la prise en charge de la dépendance, qui avait été reportée par son prédécesseur, mais qu’il aborde de façon très globale. Refusant de limiter la question du vieillissement à la seule problématique de la perte d’autonomie, il souhaite que cette thématique soit présente dans toutes les politiques publiques (aménagement des villes, transports, logements) et s’est engagé à faire voter une loi-cadre sur l’adaptation de la société au vieillissement de la population. Sur le volet consacré à la dépendance, la réforme, qui « pourrait intervenir dès 2013 », doit faire du maintien à domicile la priorité. Le chef de l’Etat a pris trois engagements dans ce sens : doubler le plafond de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), créer 80 000 logements aménagés pour les personnes âgées et lancer un plan d’aide aux aidants incluant des actions de formation et la création de structures de répit. Il a promis de développer la professionnalisation de ce secteur, saluant au passage la réforme du financement des services de l’aide à domicile portée par l’Assemblée des départements de France et le collectif de l’aide à domicile. Excluant le recours à l’assurance privée pour financer les mesures liées au vieillissement, François Hollande fait le choix de la solidarité et a déjà prévenu qu’une cotisation spécifique devrait être créée. S’il déclarait en avril dernier à l’Uniopss qu’un « droit universel à la compensation de la perte d’autonomie », quel que soit l’âge, serait déployé, son programme et ses annonces restent floues sur un éventuel rapprochement des droits des personnes âgées et handicapées. Il envisage néanmoins la transformation des maisons départementales des personnes handicapées en maisons de l’autonomie, qui seraient des guichets uniques pour les deux catégories de population.

Handicap : une « loi d’accessibilité universelle »

Côté handicap, François Hollande veut, de la même manière, « susciter une prise de conscience collective » et inclure un volet « handicap » dans chaque loi. Alors que l’échéance de 2015 pour la mise en accessibilité de tous les bâtiments recevant du public approche, il promet une « loi d’accessibilité universelle » et s’engage à créer une Agence de l’accessibilité universelle chargée d’appuyer les collectivités et les acteurs privés dans la conduite de leurs projets. Dans un courrier au Conseil national consultatif des personnes handicapées du 24 avril, il s’est engagé à « faire un état des lieux national de l’avancement des travaux » pour « identifier les domaines qui nécessitent l’effort de rattrapage le plus important ». En matière de compensation, il prévoit de travailler sur les besoins mal couverts par la prestation de compensation du handicap (PCH) (aide à la parentalité, aide à la communication et besoins à domicile) avec les conseils généraux. Il refuse, en revanche, d’instaurer un revenu d’existence au niveau du SMIC comme le réclament les associations.

Engagé à « banaliser le handicap à l’école », le président de la République a annoncé que tous les enseignants seraient formés au handicap et surtout que des postes d’auxiliaires de vie scolaire seraient ouverts dès la rentrée 2012 (parmi les effectifs supplémentaires de l’Education nationale). Dans son programme figure le lancement d’une concertation approfondie sur la reconnaissance des métiers de l’accompagnement des élèves handicapés pour aboutir « à un cadre d’emploi pérenne ». En matière d’emploi, il s’est prononcé en faveur d’un durcissement des sanctions des entreprises qui ne font aucun effort pour embaucher des personnes handicapées et d’un meilleur accompagnement de celles qui peinent à trouver des travailleurs handicapés qui correspondent à leurs besoins.

Peu présents dans la campagne présidentielle, les sujets de santé figurent bien dans le programme de François Hollande, qui veut supprimer le droit d’entrée de 30 € à la charge des titulaires de l’aide médicale d’Etat instauré par le gouvernement Fillon. Il a également déclaré au Collectif Alerte vouloir supprimer les effets de seuil de la couverture maladie universelle complémentaire. Il s’est aussi engagé à créer un « forfait contraception » pour les mineures garantissant l’anonymat et la qualité de la prise en charge. Autres promesses : lancer le troisième plan « cancer », lutter contre les dépassements d’honoraires et faire baisser le prix des médicaments.

Fermeté affichée pour la lutte contre l’immigration irrégulière

Le débat sur l’immigration, surtout focalisé sur le droit de vote que le président veut accorder aux étrangers pour les élections locales, a quant à lui été ravivé après le score important obtenu par le Front national au premier tour de l’élection. Dans un courrier du 16 avril à France terre d’asile, François Hollande a affirmé sa fermeté à l’égard de la lutte contre l’immigration irrégulière, tout en souhaitant « sécuriser » l’immigration légale . Plus précisément, il souhaite, en matière d’immigration professionnelle qu’il entend plutôt limiter, que le Parlement débatte « des objectifs et des besoins de notre économie ». La sécurisation des parcours des immigrés en situation régulière, a-t-il encore souligné auprès de France terre d’asile, « passe notamment par l’instauration d’un titre de séjour pluriannuel », qui pourrait être délivré « au bout d’un an de présence en France » pour favoriser l’intégration des migrants. Loin d’envisager des régularisations massives, François Hollande les conçoit « au cas par cas et sur la base de critères objectifs » (familiaux et professionnels). Il s’est également engagé à abroger la « circulaire Guéant » sur les étudiants étrangers. Concernant la demande d’asile, le délai de la procédure devrait, selon les vœux du nouveau chef de l’Etat, être limité à six mois (contre environ 19 mois en 2010), et chaque demandeur devrait se voir « garantir le droit à un recours effectif, donc suspensif ».

Autre question polémique : celle de la rétention administrative. François Hollande s’est engagé auprès des associations de défense des droits des étrangers à « mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants ».?Au-delà, il a affirmé que la rétention devait devenir « l’exception » et vouloir privilégier les alternatives à l’enfermement.

Une circulaire sur la lutte contre les « délits de faciès » lors des contrôle de police fait partie des mesures annoncées avant la fin du mois de juin. Les principes de la loi de 1905 sur la laïcité devraient par ailleurs être introduits dans l’article 1er de la Constitution.

DES PISTES POUR L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE

Devant la Conférence permanente de la coordination associative (CPCA), François Hollande a annoncé vouloir rencontrer, tous les ans, les acteurs du secteur associatif, notamment pour évaluer les politiques publiques, et promis de sécuriser leurs financements en renforçant leur pluriannualité. Alors qu’un projet de loi-cadre sur l’économie sociale et solidaire (ESS) est débattu au Conseil supérieur de l’ESS, son équipe travaille à une « loi d’orientation et de programmation pour l’économie sociale et solidaire », visant notamment à assurer la représentativité des employeurs du secteur.

RÉVISER L’ORGANISATION De L’ACTION PUBLIQUE

François Hollande prévoit, dès sa prise de fonction, de mettre un coup d’arrêt à la révision générale des politiques publiques (RGPP), donc « à l’application mécanique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux » (les effectifs de la fonction publique doivent néanmoins être stabilisés) et de lancer un « projet de refondation et de modernisation de l’action publique » avant la fin du mois de juin. Il s’est aussi engagé à créer un nouvel acte de décentralisation pour donner plus de responsabilités aux régions. Il devrait d’ailleurs revenir sur la réforme des collectivités locales engagée par Nicolas Sarkozy et supprimer le conseiller territorial qui devait se substituer à partir de 2014 aux conseillers généraux et régionaux.

LES GRANDS AXES DE LA RÉFORME FISCALE

Le président de la République, qui vise l’équilibre budgétaire d’ici à 2017, prévoit de financer sa politique de croissance par une réforme de la fiscalité qu’il souhaite plus redistributive. Il envisage ainsi d’affecter 20 milliards d’euros de dépenses nouvelles (soutien aux PME, emploi, Education nationale…) financées par 20 milliards de recettes nouvelles ou d’économies, auxquelles doivent s’ajouter 29 milliards de recettes pour combler les déficits. Au programme, pour les ménages, de la loi de finances rectificative pour 2012 qui devrait être préparée au cours de la session extraordinaire du Parlement de cet été (de même que le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques) :

 l’imposition des revenus du capital comme ceux du travail ;

 la création d’une tranche d’imposition à 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 € annuels et d’une tranche marginale à 75 % au-dessus de 1 million d’euros ;

 le plafonnement des « niches fiscales » à 10 000 € de diminution d’impôts par an ;

 le rétablissement de l’ancien barème de l’impôt sur la fortune.

« A terme », est prévue la fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée dans le cadre d’un « prélèvement simplifié sur le revenu ». Une part de cet impôt serait affectée aux organismes de sécurité sociale.

Le nouveau chef de l’Etat a également annoncé son intention de revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires et la « TVA sociale » (voir page 8).

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