Saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a jugé, le 4 mai, que l’article 222-33 du code pénal définissant le délit de harcèlement sexuel était contraire à la Constitution.
Selon cette disposition, le harcèlement sexuel se définit comme le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle. Une définition « réduite à sa plus simple expression », souligne le Conseil constitutionnel dans un Commentaire aux cahiers (1). En cela, explique-t-il, le code pénal permet que ce délit soit « punissable sans que les éléments constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis ». La définition du délit de harcèlement sexuel n’est en effet « pas subordonnée à l’insertion de précisions relatives à la fois à la nature, aux modalités et aux circonstances des agissements réprimés, souligne la Haute Juridiction dans son Commentaire aux cahiers. A tout le moins une de ces précisions serait nécessaire pour que la définition de ce délit satisfasse à l’exigence de précision de la loi pénale » (2). Dans ce cadre, le Conseil constitutionnel considère que la définition actuelle du harcèlement sexuel méconnaît le principe de légalité des délits et des peines et est donc contraire à la Constitution. Il abroge ainsi l’article 222-33 du code pénal à compter du 5 mai (3), une abrogation qui s’applique à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.
Et c’est là que le bât blesse ! Dans un communiqué du 4 mai, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat déplore en effet – comme notamment les associations de défense des droits des femmes (voir ce numéro, page 22) – les conséquences de l’abrogation de cette disposition qui a pour effet de « faire tomber toutes les affaires de harcèlement en cours devant les juridictions pénales ». Selon le porte-parole de la chancellerie, une circulaire sur les conséquences de cette décision devrait être « rapidement » adressée aux parquets, circulaire qui devrait opérer une distinction « entre les procédures au stade de l’enquête et celles dont les tribunaux sont déjà saisis ».
De son côté, le candidat socialiste à l’élection présidentielle, François Hollande, a fait savoir dans un communiqué du même jour que, s’il était élu, il s’engagerait à ce qu’une nouvelle loi sur le harcèlement sexuel soit rédigée et inscrite « le plus rapidement possible à l’agenda parlementaire ». Une loi, a-t-il précisé, qui devra s’appuyer sur la définition européenne du harcèlement sexuel (4), comme le demandent depuis longtemps les associations féministes. D’ailleurs, la délégation aux droits des femmes a annoncé qu’elle allait engager une réflexion en vue de préparer la future loi. Signalons que François Hollande a également indiqué que « la lutte contre ces violences sera […] l’une des priorités du ministère des Droits des femmes », ministère qu’il entend donc créer.
(1) Disponible sur
(2) Pour autant, le Conseil constitutionnel n’impose pas un retour à une précédente définition posée par la loi du 22 juillet 1992 sur la répression des crimes et des délits contre les personnes, qui stipulait que le délit de harcèlement sexuel était défini comme le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
(3) Date de publication de la décision au Journal officiel.
(4) Dans le droit communautaire, le harcèlement sexuel se définit comme « tout comportement à connotation sexuelle non désiré par la personne à l’égard de laquelle il s’exerce et ayant pour but ou pour effet de l’atteindre dans sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, offensant ou embarrassant ».