« Soustrait à l’application du droit commun, le travail carcéral s’exerce dans des conditions dignes du XIXe siècle. » A l’occasion de la journée du 1er mai – marquée par l’échéance du scrutin présidentiel –, ce fut le cri d’alarme, moins attendu, lancé par l’Observatoire international des prisons (OIP). L’association, qui plaide pour la reconnaissance des droits des travailleurs détenus, rappelle que ces derniers ne font pas l’objet d’un contrat de travail, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 s’étant limitée à instituer un « acte d’engagement » établi par l’administration pénitentiaire. Ils ne bénéficient donc pas du statut de salarié et des droits qui en découlent, « sauf pour les règles d’hygiène et de sécurité ». Le salaire minimum ne s’appliquant pas aux détenus, « leurs rémunérations mensuelles nettes en 2010 n’ont pas dépassé, en moyenne, 318 € par mois pour un équivalent temps plein ». En février dernier, le contrôleur général des lieux de privation de liberté avait d’ailleurs déploré que le cadre fixé par la loi pénitentiaire, selon laquelle la rémunération en prison ne pouvait être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le SMIC, soit encore inappliqué (1).
En dépit des conditions dans lesquelles il s’exerce (tâches répétitives, sans valeur ajoutée ni lien avec le marché de l’emploi…), le travail carcéral est cependant « très prisé par les détenus » car il représente souvent leur seule source de revenus, ajoute l’OIP. Reste qu’en 2010, le taux d’emploi en prison plafonnait à 24 %. Au final, la loi pénitentiaire a « été l’occasion d’un nouveau renoncement à satisfaire aux exigences de l’Organisation internationale du travail d’offrir aux personnes détenues des garanties similaires aux travailleurs libres », notamment en termes de rémunération et de protection sociale. Ce qui constitue une contradiction avec l’objectif de favoriser la réinsertion.
Une semaine après la publication du rapport de visite du Comité européen de prévention de la torture (2), qui corrobore les conclusions de son dernier rapport (3), l’OIP a par ailleurs voulu interpeller les deux candidats à l’Elysée sur l’ensemble de la question carcérale. Dans un document titré La République n’aurait-elle plus honte de ses prisons ? reprenant les constats de l’instance européenne, l’association les interroge sur « la perspective d’une limitation du recours à l’emprisonnement », alors que la surpopulation carcérale atteint un niveau record (taux d’occupation de 117,3 % au 1er avril), « mais aussi du respect du droit à la dignité pour toute personne détenue ». Parmi les 11 sujets développés : « la contradiction entre une politique d’accroissement du parc carcéral et une politique de développement des aménagements de peine promue par la loi pénitentiaire de 2009 », les conditions de détention, la taille accrue des nouveaux établissements, désignée comme un facteur de déshumanisation et de violences, les difficultés d’accès aux activités mais aussi aux soins.
(2) Voir ASH n° 2757 du 27-04-12, p. 13.
(3) Voir ASH n° 2736 du 9-12-11, p. 27.