Une nouvelle note du collectif « Autres chiffres du chômage » (ACDC) (1) actualise, à partir des statistiques issues de l’enquête Emploi de l’INSEE, ses estimations sur la dégradation de la situation de l’emploi en France (2). A côté du chômage, qui en constitue « le symptôme le plus visible et le plus aigu », elle passe au crible « quatre types de situations socialement inacceptables et économiquement injustifiées » constituant une vaste catégorie d’emplois « inadéquats » au sens du BIT (Bureau international du travail). En comptabilisant les personnes concernées par les bas salaires, un contrat précaire, le « sous-emploi » et le déclassement professionnel, ou bien encore des conditions de travail nuisibles à la santé, le collectif recense (en éliminant les doubles comptes) plus de dix millions de personnes se trouvant dans cette situation en 2010. « Si on y ajoute les chômeurs (toujours au sens du BIT), 12,7 millions de personnes sont touchées par le chômage total ou l’emploi inadéquat, soit près de 45 % (44,9 %) de la population active. » Cette proportion, qui était de 43,3 % il y a cinq ans, a « poursuivi sa hausse entre 2007 et 2010, atteignant cette année-là un niveau record ».
Les emplois à bas salaires sont définis comme étant inférieurs aux deux tiers du salaire net médian (1 525 €), soit 1 016 € (96 % du SMIC net mensuel en 2010). Entre 2007 et 2010, le nombre de salariés concernés par ce seuil a continué d’augmenter (200 000 de plus) pour atteindre, selon le collectif, 3,8 millions, soit 13,4 % de la population active et environ un salarié sur six. Autre catégorie d’emplois « inadéquats » : les contrats précaires – à durée déterminée, aidés, en intérim, saisonniers… Selon ACDC, 2,7 millions de salariés sont touchés, soit près de 10 % de la population active. La moitié de ces précaires sont jeunes (entre 15 et 29 ans), ce qu’illustre aussi le CEREQ (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) dans l’édition 2012 de son enquête « Génération » réalisée en 2010 auprès de jeunes sortis de formation initiale en 2006-2007. Elle montre que les deux tiers des premières embauches se font en contrat « précaire » : 16 % sur des missions d’intérim, 12 % en contrat aidé et 37 % en contrat à durée déterminée.
Le « sous-emploi » observé par ACDC recouvre quant à lui à la fois une notion liée à la durée du travail (plus de 1,5 million de personnes) et plus globalement toutes les situations où les capacités des salariés sont sous-utilisées, notamment en raison de l’inadéquation de leur poste avec leurs qualifications professionnelles. Au total, il concernerait 4,7 millions de salariés, soit un actif sur six.
Enfin, 1,9 million de salariés, soit environ 7 % de la population active, « subissent des conditions de travail nuisibles pour la santé ». Une évaluation qui sous-estime largement l’ampleur du phénomène, puisque l’enquête Emploi ne fournit aucune donnée sur les conditions de travail dangereuses. Elle permet simplement de repérer que 1,6 million de salariés travaillent la nuit et que plus de 0,3 million travaillent plus de 44 heures par semaine. « Au-delà des fluctuations du chômage, plus marquées par la conjoncture, la montée de l’emploi inadéquat apparaît comme un phénomène structurel lourdement ancré dans la réalité du monde du travail », conclut ACDC. Cette insécurité touche d’abord les moins qualifiés, les jeunes, les plus âgés et les femmes travaillant à temps partiel. Elle est d’autant plus préoccupante qu’elle constitue également un obstacle à d’autres droits, comme le logement ou l’accès au crédit.
(1)
(2) Voir ASH n° 2502 du 6-04-07, p. 42 et n° 2700 du 11-03-11, p. 38.