La Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion sont peuplées de 1,9 million d’habitants, soit 2,9 % de la population française. La population de ces quatre départements d’outre-mer (DOM) s’accroît néanmoins plus vite que celle de la métropole : avec 2,4 enfants par femme contre 2,1 en métropole, le taux de natalité ultramarin est plus élevé. Les femmes y font aussi des enfants beaucoup plus tôt, fréquemment avant 20 ans pour le premier. Elles ont aussi recours à l’intervention volontaire de grossesse beaucoup plus souvent : une par femme en moyenne contre 0,53 dans l’Hexagone. « Les habitants ont une bonne connaissance des moyens de contraception, mais les mettent peu en pratique », note Franck Temporal, chercheur à l’INED (Institut national d’études démographiques), qui vient de dévoiler une large étude comparative entre la population de la France métropolitaine et celle des DOM (1).
Celle-ci a notamment permis d’examiner l’insertion professionnelle des jeunes ultramarins, nombreux à quitter leur département pour la métropole. Qui part et qui revient ? Quel est le rôle du diplôme dans le parcours migratoire ? En moyenne, un natif des DOM sur 5 vit en métropole. Cette proportion varie en fonction du département, de l’âge, du sexe, du niveau de diplôme et de la situation professionnelle de ces individus. C’est la tranche des 18-34 ans qui a plus souvent quitté le département ultramarin. Après 30 ans, les retours deviennent plus nombreux que les départs. Dans le départ de ces jeunes, l’emploi et les études ont toujours constitué un motif important – même si 57,5 % d’entre eux conditionnent le départ à la possibilité de revenir. L’élévation générale du niveau d’instruction dans les DOM a eu pour effet positif l’augmentation continue des jeunes natifs poursuivant des études supérieures.
Si localement l’offre universitaire s’est considérablement développée, elle reste limitée le plus souvent aux premiers cycles. Du coup, les plus diplômés et les actifs ayant un emploi sont proportionnellement plus nombreux à s’installer et à résider durablement en métropole que les natifs peu ou pas qualifiés et/ou sans emploi. Le développement des dispositifs couvrant tout ou partie des frais (départ et retour) favorise sans nul doute cette dynamique. En 2007, 38 % des natifs des DOM diplômés du supérieur vivaient en métropole contre seulement 15 % des peu ou pas diplômés. Parmi les 18-34 ans, la sélection est encore plus nette : 43 % des diplômés du supérieur résident en métropole et seulement 14 % des moins diplômés. Plus significatif encore, à cet âge, les diplômés du supérieur guadeloupéens, martiniquais et guyanais sont aussi nombreux en métropole que dans leur département de naissance.
Cette migration s’apparente à une fuite des cerveaux vers l’Hexagone et à un retour des chômeurs vers leur DOM d’origine, ce qui gonfle intrinsèquement les chiffres du chômage dans ces départements. Le chômage ne touche que 11,5 % des natifs des DOM en métropole contre 31 % de ceux qui vivent dans leur département d’origine (à comparer avec les 11 % de moyenne métropolitaine). Ce qui prouve aussi que tous les migrants ne tirent pas avantage de leur migration : seuls ceux qui ont profité de leur séjour pour acquérir des diplômes et augmenter leur expérience professionnelle peuvent valoriser cet investissement à leur retour.
Les mouvements de ces jeunes adultes ont donc un impact important à long terme sur le marché d’emploi local, sur les perspectives de développement de ces départements et sur leur cohésion sociale.
(1) « Insertion professionnelle des jeunes ultramarins : DOM ou métropole » de Claude-Valentin Marie et Franck Temporal – A lire dans le document « Population », disp. sur