« C’est une victoire ! », s’enthousiasme André Bitton, président du Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA), au lendemain de la décision du Conseil constitutionnel qui a censuré deux articles de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement (voir ce numéro page 5). Les sages exigent que les conditions de sorties d’hospitalisation des malades placés en unités pour malades difficiles (UMD), ainsi que des patients ayant commis une infraction pénale mais jugés irresponsables, soient réformées au plus tard en octobre 2013. Ils considèrent que, dans la procédure actuelle, les droits fondamentaux de ces personnes ne sont pas garantis. « Depuis la loi du 5 juillet 2011, il faut cinq certificats médicaux concordants pour que ces personnes puissent sortir, ce qui s’apparente à de la résidence à perpétuité ! », rappelle André Bitton, qui se félicite de l’ouverture d’« une brèche obligeant une réforme partielle de la loi ». Même satisfaction de la part de Claude Louzoun, psychiatre et membre de l’Union syndicale de la psychiatrie (USP) : « Les refus de sorties vont devoir être davantage argumentés et donneront lieu à des recours plus fréquents et plus sérieux. » Egalement soulagée, Claude Finkelstein, présidente de la FNAPsy (Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie), relève par ailleurs que le Conseil constitutionnel souligne que les conditions d’admission en UMD ne sont pas suffisamment explicites. En effet, « dans la pratique, les entrées en UMD sont souvent arbitraires », assure-t-elle.
En revanche, les sages ont jugé conforme à la Constitution le fait qu’aucune intervention du juge des libertés ne soit prévue lors de la mise en place de soins sous contrainte à domicile via un programme de soins. Si cette décision déçoit, l’interprétation que font les sages de la notion d’obligation de soins à domicile est, pour les associations d’usagers et certains syndicats de psychiatres, porteuse d’espoir. Le Conseil constitutionnel précise en effet qu’« aucune mesure de contrainte à l’égard d’une personne prise en charge en ambulatoire ne peut être mise en œuvre pour imposer des soins ». Pour Angelo Poli, président du Syndicat des psychiatres d’exercice public (SPEP), « cela signifie que si le patient refuse de respecter son programme de soins, le psychiatre ne peut pas l’y obliger » mais peut, en dernier recours, le réhospitaliser. « C’est une confirmation de ce qu’on faisait avant la loi du 5 juillet 2011 dans le cadre des sorties d’essai : on négociait avec le patient le suivi qu’il devait respecter. Cela nous permettait de garder la relation. Cette interprétation nous ramène à une position soignante et non de contrôleur. » A travers ce commentaire, « le Conseil constitutionnel rappelle donc au gouvernement qu’il est impossible d’aller chez les patients et de les forcer à se soigner, note aussi Claude Finkelstein. Il rappelle que ces soins obligatoires font néanmoins l’objet d’un contrat entre soignants et soignés. »
A l’inverse, l’USP juge, quant à elle, « perfide » l’interprétation du Conseil constitutionnel puisque « la menace d’une réhospitalisation complète en cas d’inobservance du traitement ne serait pas une contrainte. On ne force personne, mais quiconque ne respecte pas son programme de soins sera enfermé ! Cette psychiatrie a beau être déclarée conforme à la Constitution, elle constitue un sacré marché de dupes ! ».
Dans ce contexte, il y a peu de chance que le projet de décret relatif à l’insertion sociale des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques qui organise les soins sous contrainte à domicile, très contesté par le secteur (1), soit publié. La FNAPSy, comme la plupart des acteurs – notamment le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire –, espère que cette décision permettra de lancer une réforme d’ensemble sur la psychiatrie et la santé mentale dans laquelle seraient intégrés les soins sous contrainte.
(1) Voir ASH n° 2741-2742 du 13-10-12, p. 25.