Un an et demi après sa création, l’Observatoire des étrangers malades, mis en place par Aides, a rendu son premier rapport (1). Celui-ci s’intéresse au parcours administratif et à la qualité de vie des personnes étrangères résidant en France, touchées par une pathologie grave qu’elles ne peuvent soigner dans leur pays d’origine : 155 personnes ont été suivies - 50 % sont des hommes, 45 % des femmes et 5 % des personnes transgenres. 81 % sont séropositives au VIH, 7 % au virus de l’hépatite C et 4,5 % à celui de l’hépatite B. 54 % sont dans une situation précaire ou très précaire en ce qui concerne le logement (6,5 % n’ont aucun logement).
Le rapport dresse un constat accablant de la réforme du droit au séjour pour soins, adoptée dans le cadre de la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 16 juin 2011 (2), qui « porte ses premiers fruits pourris ». « Traques, persécutions policières, humiliations administratives, dénis de droit et préfectures aux conditions d’accueil indignes ponctuent désormais le quotidien des étrangers gravement malades vivant sur notre territoire », estime Aides, à l’aune des résultats de son enquête. En effet, face à « un durcissement des règles et un excès de zèle de certaines préfectures », les étrangers malades se retrouvent « engloutis dans un dédale administratif semé d’embûches » lorsqu’ils effectuent des démarches dans les préfectures : files d’attente interminables (27 % des sondés ont fait plus de 5 heures de queue), demandes de pièces fantaisistes ou non prévues par la réglementation (comme un passeport en cours de validité ou un certificat médical « non descriptif »), conditions d’accès dégradantes (absence de toilettes, tutoiement…), rupture de confidentialité et du secret médical (33 % des personnes parlent de questions posées à voix haute, d’appels dans le hall à destination des « étrangers malades »…). Résultat, beaucoup sont découragés et seule la moitié des sans-papiers atteints d’une maladie grave finit par obtenir une carte de séjour temporaire. En outre, certaines personnes ont reçu des autorisations provisoires de séjour comportant la mention « pour soins », une mention « illégale » et « stigmatisante ».
« Ces dysfonctionnements ont un impact sur la vie des personnes concernées, leur moral, leur vie sociale et, bien entendu, leur santé », affirme Bruno Spire, président d’Aides. En effet, selon l’association, face aux lenteurs, difficultés et incertitudes au regard du droit au séjour, la santé n’est plus considérée comme une priorité pour des personnes en situation sociale précaire, même à un stade avancé de régularisation. Nombreuses sont celles qui se retrouvent alors en rupture de suivi médical. A partir du moment où ces personnes accèdent à des titres de séjour de un an ou plus, les données rendent compte d’une nette amélioration de la qualité de vie et, en particulier, du plein accès au système de soins. Néanmoins, Aides observe de nouvelles dégradations de l’état de santé des personnes dans plusieurs situations « anxiogènes » comme les demandes de regroupement familial et/ou de renouvellement de carte de résident.
Aides, qui accompagne la sortie de ce rapport d’un court-métrage (3), conclut par plusieurs recommandations. L’association exige notamment une couverture maladie « véritablement » universelle pour tous ceux qui résident habituellement en France avec une intégration de l’aide médicale d’Etat dans l’assurance maladie, des droits sociaux effectifs et égaux sur tout le territoire et un droit effectif au séjour pour les étrangers malades et leurs proches.
(1) Droit au séjour pour soins – Rapport de l’Observatoire étrangers malades – Disponible sur
(2) Sur l’analyse de la loi et de l’instruction du 11 novembre 2011 qui a suivi, voir ASH n° 2716 du 1-07-11, p. 15.
(3) A télécharger sur