Entrée en vigueur en mai 2011, la loi portant réforme du crédit à la consommation dite « Lagarde » vise notamment à protéger les consommateurs des abus et excès du crédit à la consommation pour prévenir les situations de surendettement (1). Elle prévoit plusieurs mesures afin d’assainir les pratiques des établissements offrant des crédits, comme l’obligation de proposer une offre alternative au crédit renouvelable (par exemple un crédit amortissable) pour les sommes supérieures à 1 000 € (2), de vérifier la solvabilité de l’emprunteur ou d’améliorer l’information sur les caractéristiques du crédit.
Un an après l’entrée en vigueur de la loi et alors que le surendettement ne cesse de grimper (+ 7 % en 2011 et + 10 % en mars et avril 2012), l’UFC-Que Choisir publie une enquête dont les résultats sont sans appel pour les distributeurs de crédits. Ces derniers ne respectent qu’en partie la loi et contribuent à « la fabrique du malendettement », affirme l’UFC. Comme lors de sa précédente enquête en 2009 (3), l’association a décrypté les pratiques de près de 1 000 magasins délivrant des crédits et testé 12 sites Internet d’établissements de crédit. Il en ressort que si le crédit renouvelable (ancien crédit revolving) apparaît moins souvent proposé au consommateur qu’en 2009 (36,6 % des établissements en 2012 contre 64 % en 2009), il l’est en fait de façon indirecte. Les vendeurs ne le nomment pas comme tel mais ont recours à des terminologies – « réserve d’argent » ou « panier » –, qui permettent « de masquer aux consommateurs la véritable nature du produit qu’ils souscrivent ». A cela s’ajoute le fait que 78 % des propositions de crédit renouvelable ne font l’objet d’aucune offre alternative de crédit amortissable, contrairement à ce qu’exige la loi. Par ailleurs, pour avoir accès à un crédit gratuit ou à un crédit amortissable, le consommateur doit s’équiper d’une carte de fidélité du magasin sur laquelle se trouve dans 75 % des cas… un crédit renouvelable. « Une fois qu’il a remboursé son crédit, on le recontacte pour lui rappeler qu’il dispose d’une réserve d’argent via sa carte de fidélité », explique Maxime Chipoy, chargé de mission à l’UFC-Que Choisir. Au final, « le client qui souscrit à un crédit gratuit ou amortissable ressort avec un crédit renouvelable dans 45 % des cas, contre 30 % il y a trois ans », extrapole l’UFC. S’il sont plus sains, ces types de crédits (amortissables ou gratuits) restent « les “Cheval de Troie” du crédit renouvelable car conditionnés systématiquement à la souscription d’une carte de fidélité », conclut l’UFC.
Autres reproches : dans 85 % des cas, la solvabilité du client n’est pas étudiée (contre 93 % en 2009) et 42 % des lieux de vente ne remettent pas le document récapitulatif du crédit contracté au client, contrairement à l’obligation légale. Enfin sur Internet, l’analyse des sites des établissements de crédit montre « une interprétation très restrictive de la loi “Lagarde” » puisqu’ils mettent en valeur le crédit renouvelable sans proposition alternative.
Face à ces constats, l’UFC-Que Choisir s’apprête à saisir la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour que la loi soit respectée et les infractions sanctionnées. Elle souhaite aussi intervenir auprès des parlementaires pour demander l’interdiction de proposer du crédit renouvelable sur le lieu de vente, « la déliaison totale » entre carte de fidélité et carte de crédit , la vérification de la solvabilité du consommateur corroborée par des pièces justificatives à partir de 1 000 € empruntés et l’interdiction du démarchage en matière de crédit. L’association a également déposé plainte au tribunal de grande instance de Paris contre cinq établissements de crédit. Cinq de ses antennes ont fait de même contre des magasins de la grande distribution pour « défaut d’offre alternative ».
(1) Voir ASH n° 2668-2669 du 16-07-10, p. 43.
(2) Le crédit renouvelable correspond à une somme d’argent mise à la disposition du client, qui peut être utilisée, moyennant des intérêts, en totalité ou en partie, aux dates et au choix du client et réutilisable au fur et à mesure des remboursements en capital. Le crédit amortissable est un prêt dont le montant, la durée et les remboursements périodiques sont déterminés à l’avance. Il est plus sain et facile à gérer que le crédit renouvelable.
(3) Voir ASH n° 2601 du 20-03-09, p. 22.