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Nationaliser les associations ?

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Le conseil des ministres du 3 avril dernier a fait le point sur la vie associative. Il recense, pour 2011, environ 1,2 million d’associations en activité, dans lesquelles travaillent 1,8 million de salariés. Il rappelle, en outre, qu’un Haut Conseil à la vie associative a été installé, tandis qu’un Fonds de développement de la vie associative a été créé. Un site Internet officiel, www.associations.gouv.fr, se veut désormais porte d’entrée sur la gestion de l’univers associatif. Et le conseil des ministres de souligner que ce site permet de créer une association et de demander une subvention. C’est sur ce thème de la sollicitation de subventions que se termine la communication officielle. Si l’essence des associations n’est probablement pas là, une telle conclusion est cependant bien le signe de ce que sont devenues les associations, du moins certaines d’entre elles, notamment dans le secteur médico-social, et tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’opérateurs de lutte contre la pauvreté.

Pour provoquer, on soutiendra ici une proposition de réforme structurelle : l’intégration de ces associations à la sphère publique, par nationalisation, départementalisation ou municipalisation. L’idée est simple : il pourrait être moins coûteux et plus performant d’intégrer aux logiques et fonctions publiques les moyens affectés à un secteur associatif qui apparaît, c’est selon, démembrement ou délégation du service public. Une telle proposition aurait, au moins, l’avantage de ne plus conduire certains organes et responsables associatifs à la schizophrénie, avec dans une main une sébile à subventions et dans l’autre un cocktail Molotov de contestations.

Développons l’argumentaire. On peut, en matière de lutte contre la pauvreté, dégager trois types d’associations. En premier lieu, celles que tout le monde connaît, Emmaüs, le Secours catholique, ATD quart monde, les Restos du cœur et bien d’autres, qui fonctionnent de façon principalement privée. Ensuite, les associations militantes indépendantes, comme Droit au logement ou les Enfants de Don Quichotte, dont la fonction est d’alerter ou d’alimenter le débat public (c’est aussi le cas de la Fondation Abbé-Pierre). Un troisième type associatif est intégralement financé sur fonds publics et gère toutes sortes de services pour les démunis. Or l’identité de cette partie singulière du secteur associatif est moins claire. S’il y a toujours eu du bénévolat dans leurs fondements associatifs, lorsque ces structures deviennent entièrement gestionnaires de politiques publiques, elles ne ressemblent plus vraiment à des associations. Et leur personnel peut tout à fait s’apparenter à une cinquième fonction publique (la quatrième étant la sécurité sociale).

Le comptable public regroupe, dans le pourtour de l’administration publique, outre l’Etat, les collectivités territoriales et les régimes de sécurité sociale, des organismes divers d’administration centrale (ODAC) ou locale (ODAL). Le critère de classement d’un établissement est moins son statut juridique que la composition de ses comptes, les recettes marchandes devant financer plus de la moitié des dépenses courantes pour l’exclure du champ des ODAC ou des ODAL. Nombre d’associations relèvent exactement de cette approche. On pourrait dès lors suggérer que les associations dont les financements sont – disons – à 99 % publics se voient proposer l’intégration de leurs personnels à une fonction publique dont l’ambition et la responsabilité – sous le contrôle du juge et de l’électeur – consistent à servir l’intérêt général.

Cette proposition sera sans doute lue comme une attaque. Il faut cependant s’interroger sur la qualité du contrat d’association reliant des personnes au sein de conseils d’administration qui, souvent, ne font que discuter des politiques publiques et des moyens sur lesquels ils n’ont pas de prise. L’incorporation à la sphère publique gommerait ces ambiguïtés et placerait les opérateurs sous la responsabilité unique et directe des élus et des administrations. On rétorquera que les associations sont, par nature, plus souples que les administrations. C’est bien pour cela que les pouvoirs publics se sont appuyés sur elles à partir du début des années 1980, quand a commencé à se mettre en place, à l’échelle nationale, une politique explicite de lutte contre la pauvreté. Mais aujourd’hui, il n’est pas du tout certain que cette souplesse soit encore une garantie.

Du point de vue des arguments positifs, on peut relever qu’il y aurait, avec une telle orientation, reconnaissance éminente de ce que les associations ont contribué à faire émerger : une organisation stable de la priorité donnée à la lutte contre la pauvreté. Dans une certaine mesure, la nationalisation de services associatifs – ce qui, soit dit en passant, leur assurerait cette « pérennité » qu’ils cherchent tant – pourrait se comprendre comme une victoire des associations.

Cette suggestion aura probablement peu de chance de dépasser le stade du sourire complice ou de la réaction outrée. Elle devrait toutefois permettre de réviser un certain romantisme associatif.

Le point de vue de…

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