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Psychiatrie : première censure de la loi du 5 juillet 2011 par le Conseil constitutionnel

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La Haute Juridiction abroge, à compter du 1er octobre 2013, deux dispositions relatives à la levée de l’hospitalisation sans consentement des patients admis en unité pour malades difficiles ou déclarés pénalement irresponsables.

Les modalités de levée des soins psychiatriques sans consentement des patients réputés dangereux, prévues par la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (1), sont contraires à la Constitution. L’abrogation de ces dispositions ne sera effective qu’à partir du 1er octobre 2013 pour permettre au législateur de remédier à l’inconstitutionnalité (2). C’est ce qu’a décidé le Conseil constitutionnel le 20 avril, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité portée par l’association Cercle de réflexion et de propositions d’actions sur la psychiatrie (sur les réactions du secteur, voir ce numéro page 16). Il a par ailleurs jugé deux autres dispositions conformes à la Constitution. Soulignons que c’est la première fois qu’il se prononce sur la réforme depuis son entrée en vigueur le 1er août 2011, après quatre décisions sur le régime antérieur (3).

Garanties légales insuffisantes pour l’admission en UMD

Les dispositions contestées – paragraphe II de l’article L. 3211-12 et article L. 3213-8 du code de la santé publique – prévoient des conditions plus strictes de levée de l’hospitalisation pour les personnes qui ont été admises en unité pour malades difficiles (UMD) ou qui ont commis des infractions pénales en état de trouble mental. Selon ces textes, le juge des libertés et de la détention et le préfet ne peuvent lever la mesure qu’après avoir recueilli l’avis d’un collège de soignants et deux expertises établies par des psychiatres. En premier lieu, le Conseil constitutionnel estime que, « en raison de la spécificité de la situation des personnes ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental ou qui présentent, au cours de leur hospitalisation, une particulière dangerosité, le législateur pouvait assortir de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans consentement dont ces personnes font l’objet ». Toutefois, il relève aussi qu’il appartient au législateur d’adopter des garanties légales contre le risque d’arbitraire dans la mise en œuvre de ce régime particulier. Pour lui, ces garanties légales sont actuellement insuffisantes en ce qui concerne les modalités d’entrée dans les soins sans consentement des patients réputés dangereux.

En effet, en application de l’article L. 3222-3 du code de la santé publique, les personnes soumises par le préfet à des soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète peuvent être prises en charge dans une UMD lorsqu’elles présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique. Ni cet article ni aucune autre disposition législative n’encadrent les formes et ne précisent les conditions dans lesquelles une telle décision est prise par l’autorité administrative, indique le Conseil constitutionnel. C’est un décret du 18 juillet 2011 qui fixe les conditions d’admission en UMD (4), « dont les principes directeurs auraient mérité de figurer dans la loi », souligne-t-il dans un Commentaire aux Cahiers (5). Pour lui, les dispositions contestées ne sont donc pas conformes à l’article 66 de la Constitution relatif à la liberté individuelle.

Procédure inadaptée pour les malades pénalement irresponsables

Par ailleurs, en application de l’article L. 3213-7 du code de la santé publique, lorsque les autorités judiciaires estiment que l’état mental d’une personne qui a bénéficié d’un classement sans suite ou d’une déclaration d’irresponsabilité pénale nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l’ordre public, elles avisent immédiatement le préfet qui peut prononcer une mesure d’admission en soins psychiatriques après avoir ordonné la production d’un certificat médical sur l’état du malade. Or, souligne le Conseil constitutionnel, d’une part, la transmission au préfet par l’autorité judiciaire est possible quelles que soient la gravité et la nature de l’infraction commise en état de trouble mental et, d’autre part, les dispositions contestées ne prévoient pas d’information préalable de la personne. Faute de prise en compte des infractions et d’une procédure adaptée, les articles L. 3211-12, II et L. 3213-8 du code de la santé publique font ainsi découler de la décision de transmission, sans garanties légales suffisantes, des règles plus rigoureuses que celles qui sont applicables aux autres personnes soumises à une obligation de soins psychiatriques, notamment en ce qui concerne la levée de ces soins. Elles sont donc contraires aux mêmes exigences constitutionnelles.

Pas de contrainte physique en dehors de l’hospitalisation complète

Est en revanche déclaré conforme à la Constitution l’article L. 3211-2-1 du code de la santé publique qui prévoit la possibilité de soins sans consentement sous une autre forme que l’hospitalisation complète. Ce régime, qui inclut des soins ambulatoires pouvant comporter des soins à domicile et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement, n’est pas contrôlé de façon systématique par le juge, contrairement à l’hospitalisation complète. Mais ces dispositions ne conduisent pas à une privation de la liberté individuelle puisqu’elles n’autorisent pas l’exécution de l’obligation de soins sous la contrainte physique, explique le Conseil constitutionnel dans son Commentaire aux Cahiers. « Ces personnes ne sauraient se voir administrer des soins de manière coercitive ni être conduites ou maintenues de force pour accomplir les séjours en établissements prévus par le programme de soins », affirme-t-il dans sa décision. Ainsi, aucune mesure de contrainte ne peut être mise en œuvre sans que la prise en charge n’ait été transformée en hospitalisation complète. En outre, rappelle la Haute Juridiction, le juge peut être saisi à tout moment afin d’ordonner la mainlevée de la mesure de soins sans consentement.

Conformité du délai de six mois pour le réexamen de décisions judiciaires

Le 3° du paragraphe I de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique prévoit que le juge des libertés et de la détention réexamine, avant l’expiration d’un délai de six mois, les mesures d’hospitalisation complète ordonnées par une juridiction judiciaire ou sur lesquelles il s’est déjà prononcé. L’association requérante dénonçait un contrôle insuffisant dans ce cas par rapport à celui qui est exercé pour les mesures d’hospitalisation complète décidées par une autorité administrative, qui sont examinées par le juge dans un délai de 15 jours. Mais pour le Conseil constitutionnel, le délai de six mois est conforme à la Constitution. Le législateur a assuré une conciliation entre les exigences de l’article 66 de la Constitution et l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice « qui n’est pas déséquilibrée » puisqu’une juridiction judiciaire s’est déjà prononcée et que le juge peut être saisi à tout moment pour ordonner la mainlevée immédiate de la mesure, justifie-t-il.

[Décision n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012, NOR : CSCX1221370S, J.O. du 21-04-12]
Notes

(1) Pour une présentation détaillée de la réforme, voir le numéro juridique des ASH, Les soins psychiatriques sans consentement – Mars 2012.

(2) Les décisions prises avant cette date en application des dispositions abrogées ne peuvent pas être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité, a précisé le Conseil constitutionnel.

(3) Voir en dernier lieu ASH n° 2730 du 28-10-11, p. 13.

(4) Voir ASH n° 2719-2720 du 22-07-11, p. 5.

(5) Disp. sur www.conseil-constitutionnel.fr.

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