Avant la loi de 2007, la protection des majeurs s’était peu à peu écartée de ses finalités sous les effets du développement de la précarité et de l’exclusion : de plus en plus de mesures de protection étaient prononcées pour des raisons sociales, bien qu’elles impliquent une restriction des libertés. En les recentrant sur les personnes atteintes d’une altération de leurs facultés médicalement constatée, la nouvelle loi a tracé une frontière plus nette entre, d’une part, les situations qui relèvent de la protection juridique et, d’autre part, celles qui relèvent de l’action sociale.
Pour mieux répondre à ces dernières, la loi a tout d’abord créé la mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ) (1): prononcée par le juge des tutelles et mise en œuvre par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, elle prend la forme d’un accompagnement social et budgétaire pour rétablir l’autonomie des personnes dans la gestion de leurs prestations sociales. A la différence d’une mesure de protection juridique, obligatoirement liée à une cause médicale, la MAJ est prononcée en direction de personnes en grande difficulté sociale indépendamment de leur état de santé. Elle ne peut intervenir que lorsqu’une mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP) – administrative cette fois –, créée par la loi de 2007, a échoué. De nature contractuelle, la MASP est financée et mise en œuvre par le département (qui peut la déléguer à d’autres collectivités ou organismes) selon trois niveaux d’intervention : la MASP 1 apporte aux bénéficiaires de prestations sociales volontaires, dont la santé ou la sécurité est menacée par leurs difficultés financières, une aide à la gestion des prestations ainsi qu’un accompagnement social individualisé. Si cela ne suffit pas, la MASP 2 autorise les travailleurs sociaux à gérer directement un certain nombre de prestations sociales à la place des personnes. Enfin, la MASP 3 permet, sur décision du juge d’instance, d’affecter directement des aides aux bailleurs pour couvrir les frais de logement.
Or, contrairement aux prévisions, la « montée en puissance de la mesure d’accompagnement social personnalisé est nettement plus lente que prévu », constate le député Christophe Sirugue (PS) (2): environ 11 000 mesures seulement auraient été mises en œuvre en 2010 contre 22 000 anticipées, entraînant par un effet mécanique un très faible nombre de MAJ. En cause notamment : la mauvaise connaissance du nouveau dispositif par ses bénéficiaires potentiels, son positionnement « comme un élément complémentaire des politiques d’aide et d’action sociale que [les départements] mettaient déjà en œuvre, et non comme l’axe autour duquel s’organisent celles-ci » et la circonspection vis-à-vis d’une mesure qui associe « une intervention sociale basée sur l’adhésion de son bénéficiaire et sur la relation de confiance avec un travailleur social, et une menace de saisine du juge ». « La mise en place de la MASP 3 est difficilement réalisable car elle autorise un glissement d’une mesure administrative contractuelle, sur la base du volontariat de la personne, à une mesure judiciaire coercitive », confirme Jean-Louis Coquin, directeur du service MASP de l’association Enfance catalane, qui a reçu délégation du conseil général des Pyrénées-Orientales pour mettre en œuvre l’ensemble des MASP du département. La mesure, qui a fait la preuve de sa pertinence en permettant de faire émerger des situations extrêmement dégradées pour lesquelles il n’existait jusque-là aucune solution, n’a, là comme ailleurs, pas encore vraiment décollé. Malgré l’indéniable soutien du conseil général qui avait planifié le financement de 400 mesures en 2011, seules 160 ont été réalisées. « Dans le contexte actuel, le conseil général ne peut assumer cette mesure nouvelle alors qu’aucune compensation de l’Etat n’a été prévue », regrette Jean-Louis Coquin. D’autant plus que le coût initial d’une MASP a été largement sous-évalué : « Au lieu des 152 € annoncés, les dernières estimations montrent que la mesure atteindrait plutôt 580 € par mois… », relève Nathalie Alazard, chargée de mission à l’Assemblée des départements de France. La Cour des comptes a, quant à elle, constaté un « coût unitaire s’étalant entre 130 et 462 € » (3).
(1) Elle remplace l’ancienne tutelle aux prestations familiales (TPS).
(2) Dans un avis de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 – Disponible sur
(3) Dans son rapport sur la réforme juridique des majeurs protégés – Voir ASH n° 2746 du 10-02-12, p. 7.