La vie à « La Folie »

Près de 100 000 immigrés s’entassaient, dans les années 1960, dans les bidonvilles de la région parisienne. Laurent Maffre met en images, de sa plume noire de dessinateur, la vie que l’on menait dans ces lieux, en s’appuyant sur des photos, des plans, des documents inédits, des entretiens avec des témoins…

Depuis la fin des années 1950, Kader, le père de la famille de quatre personnes dont il a choisi de raconter les tribulations, est installé à « La Folie », à Nanterre, pour servir de main-d’œuvre bon marché aux industries du bâtiment et de l’automobile. Après son arrivée, il n’a jamais osé dire à sa femme, Soraya, qu’il vit dans des conditions insalubres. Sur les cartes postales qu’il envoie au pays, la place de l’Opéra… Leurs deux jeunes enfants en sont donc persuadés : en France, tous les bâtiments sont en or ! Alors, quand Soraya débarque avec eux à Orly, elle tombe de très haut. La vie dans le baraquement boueux et infesté de rats est un calvaire : un unique point d’eau pour 10 000 habitants, pas d’électricité ni de ramassage des ordures, et une seule adresse administrative pour tous – le 127, rue de la Garenne. Pour la jeune femme, le retour au pays devient une obsession. Très vite, en raison de l’environnement malsain, sa fille tombe malade. Kader se battra avec l’administration pour obtenir un logement social et « vivre comme les Français ». Reste qu’à La Folie, il y a aussi les amis, la solidarité, la vie en communauté qui leur est chère. Et les quelques habitants des environs qui les soutiennent. A travers les quatre années où nous suivons cette famille algérienne, son quotidien, ses conditions de vie, ses espoirs et ses désillusions, on assiste aux grands événements historiques comme la manifestation du 17 octobre 1961, à la montée de la xénophobie, à la transformation des banlieues parisiennes. La bande dessinée Demain, demain, témoignage historique à part entière, est complétée par un site Internet sur lequel on peut écouter des entretiens avec d’anciens habitants du bidonville, à travers une fresque interactive. Laurent Maffre a bénéficié du concours d’une militante hors norme, Monique Hervo, qui a vécu douze ans à La Folie, où elle aidait les habitants en tant qu’écrivain public.