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Usages de drogues en détention : une étude relève une « stratégie sanitaire déficitaire et inefficiente »

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« La prison concentre les usagers de drogue et elle ne constitue pas un outil répressif efficient de la réduction des risques », affirme Olivier Sannier, médecin au centre pénitentiaire de Liancourt (Oise), qui, dans une étude qu’il a dirigée, révèle l’ampleur de la consommation de drogue en milieu carcéral et l’insuffisance des réponses mises en place. Si ces travaux ne concernent que l’établissement de Liancourt, ils constituent la première enquête scientifique réalisée sur le sujet parmi des personnes détenues durant leur incarcération (1). Olivier Sannier part d’un constat : 60 % des 381 répondants à son questionnaire ont admis consommer au moins une drogue avant leur incarcération et 43,5 % en consomment durant leur incarcération. Plus grave, 7,5 % des personnes déclarent avoir commencé à consommer une nouvelle drogue alors qu’ils étaient sous écrou. Côté substances, 53 % des répondants s’adonnent au cannabis, 22 % à la cocaïne, 19 % à l’héroïne, 11 % aux amphétamines… Un usage qui constitue un risque sanitaire important : overdoses, abcès post-injection, perforation de la cloison nasale, transmission du VIH et des hépatites B et C, risque infectieux…

L’usage de drogue en prison est sanction­né par des jours de cellule disciplinaire, voire par une nouvelle condamnation pénale. « Ce cadre répressif carcéral ne paraît pas dissuasif », note Olivier Sannier, qui rappelle que la dépendance physique n’est pas le seul motif de poursuite de la consommation en milieu carcéral. « Ici, la drogue a aussi des usages anxiolytiques visant à compenser un univers carcéral apparaissant hostile, surpeuplé, violent, favorisant les situations de stress. » Le médecin s’interroge sur le manque de moyens sanitaires, très inférieurs à ceux disponibles en milieu libre. « L’intervention des travailleurs sociaux dédiés est très limitée ; il n’est pas prévu de poste d’addictologue sur les effectifs médicaux »… Il préconise de perfectionner le dépistage des infections chroniques contractées à la suite de l’usage de drogues – l’étude montre que la moitié des usagers (sniff ou injection) durant leur incarcération ignorait leur statut sérologique. « En portant ce statut à la connaissance des personnes à risque, on peut leur proposer une prise en charge ­thérapeutique adaptée. » La mise en place des test d’orientation et de dépistage rapide, en articulation avec le plan national de lutte contre le VIH et les infections sexuellement transmissibles 2010-2014 (2), « constituerait un progrès en améliorant l’offre de soins et en assurant au patient un rendu immédiat de son résultat ». Autre outil de prévention pertinent : les traitements de substitution aux opiacés. Seuls 11 % des répondants affirment recevoir de l’unité de consultations et de soins ambulatoires de Liancourt un traitement de substitution, « parce que les temps sanitaires disponibles ne permettent pas la mise en place d’un plan thérapeutique (suivi rapproché des personnes sous traitement de substitution, contrôle des effets de la prise) ».

Enfin, Olivier Sannier souligne que les programmes d’échange de seringues à destination des usagers de drogues intraveineux – « dont les bénéfices sur la transmission de VIH et des hépatites sont avérés » – n’ont pas été mis en place en France en milieu carcéral. Or 15 personnes disent avoir échangé leur matériel de sniff et 7 leur matériel d’injection. D’après l’étude, 10 % des répondants seraient intéressés par ce système.

Notes

(1) « Réduction des risques et usages de drogues en détention : une stratégie sanitaire déficitaire et inefficiente », Presse Med (2012), Olivier Sannier et al.

(2) Voir ASH n° 2635 du 4-12-09, p. 9.

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