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Cinq organisations dénoncent la déconstruction de la justice des mineurs

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Personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, magistrats et avocats réclament « une véritable politique de l’enfance » et le maintien d’une juridiction spécialisée pour les mineurs.

Le SNPES (Syndicat national des personnels de l’éducation et du social)-PJJ-FSU, la CGT-PJJ, l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF), le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France ont de nouveau, le 6 avril, dénoncé le démantèlement de la justice des mineurs, au tribunal de grande instance de Paris. Une date et un lieu symboliques, puisque dans la matinée se tenait la première audience dans la capitale du tribunal correctionnel pour mineurs, instauré par la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice. Cette juridiction, compétente pour juger les plus de 16 ans en état de récidive et encourant une peine d’au moins trois ans, s’est déjà réunie dans plusieurs autres villes depuis le mois de janvier.

Un siècle en arrière

Sa création est « emblématique de la volon­té d’aligner la justice des mineurs sur celle des majeurs », explique Maria Inès, co-secrétaire nationale du SNPES-PJJ-FSU, soulignant que le tribunal correctionnel pour enfants « n’est plus une juridiction spécialisée, en contradiction avec les textes internationaux » ratifiés par la France. Alors que le tribunal pour enfants est composé d’un juge des enfants, entouré de deux assesseurs citoyens ayant une expérience des questions liées à l’enfance, au tribunal correctionnel pour mineurs siègent à ses côtés deux magistrats non spécialisés, et dans certaines affaires deux assesseurs citoyens tirés au sort. Revenir un siècle en arrière – les tribunaux pour enfants sont nés de la loi du 22 juillet 1912 – « révèle l’inculture juridique et historique des partisans de la réforme », appuie Pierre Joxe, ancien ministre socialiste de l’Intérieur et de la Défense, aujourd’hui avocat pour mineurs au barreau de Paris et venu apporter son soutien aux organisations professionnelles. C’est un paradoxe d’écarter ce qui permettait « un échevinage social, une combinaison d’expertises, au profit de personnes non spécialisées », ajoute-t-il.

Catherine Sultan, présidente de l’AFMJF, déplore que « les mineurs qui ont le plus besoin d’une justice personnalisée en seront privés ». Pour des raisons d’organisation, « le juge des enfants siégeant au tribunal correctionnel pour mineurs n’est pas toujours celui qui suit le jeune ». L’association de magistrats regrette qu’il soit minoritaire dans la composition du tribunal, devenant ainsi « une caution formelle » qui « ne garantit pas une approche spécialisée ». Tandis que la chancellerie insiste sur la primauté de l’éducatif, l’AFMJF constate un glissement du traitement judiciaire qui néglige le « sur-mesure » pour se concentrer sur l’acte commis, ce qui induit forcément des réponses plus répressives. « C’est ainsi qu’un jeune homme de 16 ans est cité devant le tribunal correctionnel pour mineurs suite à un vol de préservatif pour lequel il encourt une peine-plancher ! »

« Une justice apaisée »

Pour l’association de magistrats, il est urgent de supprimer cette nouvelle juridiction ainsi que les peines-planchers. Elle demande aussi que soient renforcées les mesures de prévention et reconstruite « une justice réactive et apaisée par une confrontation rapide du mineur auteur d’un délit à son juge, une exécution sans délai des mesures éducatives et un jugement au moment juste : suffisamment long pour sanctionner l’évolution d’un parcours éducatif, suffisamment court pour éviter les temps morts d’une justice débordée ». Cette orientation nécessite des moyens, abonde Maria Inès, selon qui « les services de la PJJ sont dans une situation de quasi-rupture ». Même si la loi sur l’exécution des peines ? prévoit de réduire à cinq jours le délai de prise en charge des mineurs, et de créer dans cet objectif 120 équivalents temps plein d’éducateurs d’ici à 2014, « nous n’avons absolument aucune garantie de pouvoir rendre effective cette disposition. La suppression de postes se poursuit à la PJJ, les services de milieu ouvert sont démantelés, nous n’avons presque plus d’assistants sociaux pour travailler avec les familles », ajoute-t-elle. Le SNPES, qui, comme la CGT-PJJ, appelait à la grève le 6 avril pour dénoncer les conditions de travail des personnels, organisait le même jour un forum à la Bourse du travail, à Paris, en présence de représentants du Front de gauche et de Lutte ouvrière. L’organisation syndicale devait rencontrer l’équipe de François Hollande le 11 avril.

Dans un texte commun, le SNPES, la CGT-PJJ, l’AFMJF, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France (1) appellent les candidats à la présidentielle à faire le pari de l’éducatif en élaborant « une véritable politique de l’enfance ». Ils insistent en particulier sur le maintien du double rôle du juge des enfants, historiquement chargé de la protection de l’enfant en danger et de la sanction du mineur délinquant. Parmi ses huit propositions pour la justice présentées le 31 mars, Nicolas Sarkozy veut créer un code de la justice pénale des mineurs « adapté à une délinquance de plus en plus précoce et violente » et confier les deux missions des juges des enfants à des magistrats différents.

Autre attente des organisations : le maintien d’une connaissance approfondie du mineur par le juge, tout en conciliant les exigences d’impartialité posées par la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011 (2). « Cette question ne peut être réglée, comme le gouvernement actuel tente de le faire croire, par la mutualisation des tribunaux pour enfants d’une même cour d’appel, aboutissant à envoyer des juges des enfants d’un tribunal juger ceux de l’autre juridiction. » Ils souhaitent par ailleurs remettre en cause l’existence des établissements pénitentiaires pour mineurs et les moyens dé­ployés au profit des centres éducatifs fermés, dont le candidat socialiste souhaite doubler le nombre.

Notes

(1) Avec d’autres organisations réunies au sein du Collectif unitaire justice, ils demandent, dans une lettre ouverte aux candidats, un « plan d’urgence » pour la justice, passant par l’allocation d’un budget « à la hauteur des autres démocraties européennes » et l’augmentation des moyens accordés à l’accès au droit.

(2) Voir ASH n° 2718 du 15-07-11, p. 6.

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