Ces derniers mois, la Cour de cassation et le Conseil d’Etat ont été amenés à se prononcer sur plusieurs litiges concernant les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Parmi les arrêts rendus par ces deux Hautes Juridictions, nous en avons retenu deux ayant trait à la responsabilité civile et pénale de ces structures avec, en question de fond, leur obligation de surveillance des résidents. Une troisième décision se penche sur l’éligibilité des EHPAD à l’exonération de charges sociales « aide à domicile » prévue à l’article L. 240-10 du code de la sécurité sociale. Enfin, les deux dernières précisent les règles de calcul des tarifs « dépendance » et « soins ».
Lieu d’accueil de personnes en situation de fragilité, les résidences pour personnes âgées sont malheureusement souvent le théâtre d’accidents plus ou moins graves. Dans quelle mesure peuvent-elles en être tenues pour responsable lorsque, par exemple, un résident se brûle sous sa douche ou qu’une personne âgée en agresse une autre ? Deux décisions d’octobre et de décembre 2011 illustrent l’étendue de l’obligation de surveillance de ces structures.
Une maison de retraite peut-elle être tenue pour responsable pénalement du décès de l’une de ses résidentes, atteinte de la maladie d’Alzheimer, des suites de brûlures dues à la température trop élevée de l’eau de sa douche ? C’est la question qui était posée à la chambre criminelle de la Cour de cassation dans une décision du 4 octobre 2011 (cass. crim., 4 octobre 2011, requête n° 11-81699) (1).
Dans cette affaire, la famille de la personne âgée a porté plainte au pénal à l’encontre de l’établissement d’hébergement, lui reprochant une installation de robinetterie inadaptée et non conforme, l’absence de système d’alarme efficace et, d’une façon générale, le manque de surveillance des résidents, en particulier la nuit. Saisi du dossier, le juge d’instruction prononce toutefois une ordonnance de non-lieu, ordonnance par la suite confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel, selon laquelle il n’y a pas lieu de poursuivre pour délit d’homicide involontaire.
En matière pénale, la responsabilité peut être recherchée dans le cadre d’un délit intentionnel, ce qui n’était ici évidemment pas le cas. Cette responsabilité peut également être retenue en présence d’un délit non intentionnel. La chambre de l’instruction rappelle, à cet égard, la teneur de l’article 121-3 du code pénal selon lequel « la responsabilité pénale peut être recherchée en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de sa mission ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». Dans ce cas, l’intéressé est responsable pénalement s’il est établi qu’il a soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer. En l’espèce, la chambre de l’instruction de la cour d’appel a considéré que cette responsabilité ne pouvait être retenue.
Elle relève d’abord que, « compte tenu de la date d’installation des appareils [de robinetterie], les dispositions de l’arrêté du 30 novembre 2005 destinées à éviter les risques de brûlures et imposant une température de l’eau inférieure à 50 °C aux points de puisage n’étaient pas applicables ; qu’ainsi, il n’existe pas de manquement à une obligation de sécurité résultant d’une disposition réglementaire ». Ensuite, s’agissant du reproche portant sur « la discontinuité dans la surveillance de nuit », la chambre de l’instruction de la cour d’appel observe que, « au moment de l’accident vers 19 heures, des infirmières, tant libérales que salariées, étaient présentes, outre la surveillance de nuit, [et] que trois personnes se sont portées au secours de l’intéressée, lui ont prodigué les premiers soins et ont appelé les secours. Ainsi, selon elle, le problème de la présence d’un seul veilleur de nuit entre 19 heures et 21 h 45 n’a eu aucune incidence. » La chambre de l’instruction écarte également l’accusation de « surveillance insuffisante, notamment à l’étage où se trouvait la chambre » de la résidente décédée, jugeant qu’une surveillance permanente n’est pas possible. D’après elle, « la nécessité d’assurer la sécurité et la protection des personnes dépendantes se heurte […] à l’impératif tout aussi légitime de préserver leur dignité et leur intimité ». Dès lors, elle retient l’argument de la direction de l’établissement selon lequel il n’est pas « envisageable de laisser les portes des chambres ouvertes car la chambre représente en quelque sorte le domicile des pensionnaires qui doivent se sentir comme chez eux [et] que ni une surveillance permanente ni encore moins des moyens de contention ne sont envisageables […]. Le fait que chaque chambre soit équipée de sanitaires et d’une douche constitue non seulement un progrès mais surtout une obligation pour l’établissement et ne peut lui être reproché », conclut la juridiction.
La chambre de l’instruction de la cour d’appel met également de côté la critique sur l’absence d’un système d’alarme, considérant notamment que, pour être efficace, un tel système suppose que la personne âgée soit en état de le comprendre, « ce qui n’est pas évident pour des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ».
Tous ces arguments sont entendus par la Cour de cassation qui donne ainsi raison à la cour d’appel et refuse de retenir la responsabilité pénale de la maison de retraite.
Dans une affaire au civil cette fois, la Cour de cassation a rendu, le 15 décembre 2011, un arrêt sur la responsabilité de l’établissement pour personnes âgées en cas d’agression d’un résident par un autre, tous deux atteints de la maladie d’Alzheimer (cass. civ. 1re, 15 décembre 2011, requête n° 10-25740).
En l’espèce, un pensionnaire d’une maison de retraite a été frappé, au cours de déambulations nocturnes, par un autre pensionnaire et a succombé à ses blessures. La famille du défunt invoque la responsabilité de la résidence et réclame des dommages et intérêts. Elle obtient gain de cause en première instance, mais pas en appel où la cour décide de condamner non pas l’établissement d’hébergement mais la famille de l’agresseur – entre-temps décédé – et son assureur. Se pourvoyant en cassation, ce dernier invoque à la fois :
la responsabilité délictuelle de l’établissement au titre de l’article 1384 du code civil (voir encadré page 42), considérant que la maison de retraite médicalisée accueillant des patients atteints de la maladie d’Alzheimer soumis à un régime comportant une liberté de circulation doit être considérée comme ayant accepté la charge d’organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de ses pensionnaires et doit répondre des dommages qu’ils ont causés ;
la responsabilité contractuelle au titre de l’article 1147 du code civil (voir encadré page 42). A ce titre, l’assureur estime que la maison de retraite aurait engagé sa responsabilité du fait d’une organisation défectueuse du service de surveillance et d’un manquement à son obligation de sécurité. Pour preuve, il relève, d’une part, que le résident « agresseur » avait séjourné dans un centre hospitalier spécialisé en psychiatrie pour un état d’agitation et des problèmes d’agressivité à la suite de violences commises sur la personne de son épouse, ce dont la maison de retraite était informée et, d’autre part, que le directeur de celle-ci avait lui-même reconnu que les travaux pour accueillir les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer n’étaient pas terminés. En outre, la maison de retraite n’avait effectué que 3 rondes sur les 5 prévues par le protocole, l’accident étant survenu dans l’heure suivant la troisième ronde.
En réponse, la Cour de cassation refuse, en premier lieu, de se placer sur le plan de la responsabilité délictuelle visée à l’article 1384 du code civil. Selon elle, c’est la responsabilité contractuelle qui doit jouer dans la mesure où l’auteur des coups mortels était hébergé à la maison de retraite en vertu d’un contrat.
Puis, dans le cadre de cette responsabilité contractuelle, la Haute Juridiction va rechercher si la structure a failli à son obligation de sécurité. Ne jugeant qu’en droit, elle reprend les arguments de la cour d’appel qui, rappelle-t-elle, a apprécié souverainement les faits de l’espèce. Or celle-ci a considéré que :
si l’auteur des coups avait été hospitalisé auparavant à la suite de problèmes d’agressivité, « il n’était pas établi qu’il eût présenté un tel comportement à l’égard des autres pensionnaires depuis son arrivée » ;
« l’établissement était apte à recevoir des personnes atteintes des pathologies dont souffraient l’auteur et la victime » ;
« si un “protocole” interne prévoyait 5 rondes par nuit alors que 3 seulement avaient été effectuées la nuit en question, rien n’indiquait que les faits se fussent déroulés aux heures auxquelles elles auraient dû avoir lieu, puisque, lors de la dernière ronde entre 4 et 5 heures du matin, [le défunt] prenait une collation dans sa chambre tandis que [l’agresseur] dormait dans la sienne ».
Pour la Cour de cassation, la cour d’appel a donc eu raison d’en déduire que, si la résidence pour personnes âgées était bien « tenue d’une obligation de surveiller les pensionnaires qui lui étaient confiés pour éviter qu’ils ne s’exposent à des dangers ou y exposent autrui, [elle] n’avait commis aucune faute ayant joué un rôle causal dans la survenance du dommage ». La responsabilité contractuelle de l’établissement n’est donc pas retenue.
Trois jurisprudences récentes se sont prononcées sur les modalités d’application aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de certains dispositifs.
La première s’interroge sur la possibilité de faire jouer ou non au sein de ces structures le mécanisme d’exonération de charges « aide à domicile » prévu par le code de la sécurité sociale. La deuxième apporte un éclairage nouveau sur le mode de calcul du tarif « dépendance ». Et la dernière précise les contours du tarif « soins » pour le cas où l’EHPAD décide de recourir à des infirmiers salariés.
Dans une décision du 22 septembre 2011, la Cour de cassation s’est penchée sur la question de savoir si les EHPAD pouvaient bénéficier de l’exonération de charges sociales prévue à l’article L. 240-10, III du code de la sécurité sociale pour les rémunérations versées aux aides à domicile employées pour remplacer les salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu (cass. civ. 2e, 22 septembre 2011, requête n° 10-19954).
Pour mémoire, l’article L. 241-10, I du code de la sécurité sociale prévoit une exonération totale de cotisations patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales pour les rémunérations des aides à domicile employées au service personnel de certaines personnes âgées dépendantes ou handicapées, à leur domicile ou chez des membres de leur famille. Le III de ce même article stipule également que « sont exonérées de cotisations patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales les rémunérations versées aux aides à domicile employées sous contrat à durée indéterminée ou sous contrat à durée déterminée pour remplacer les salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu » notamment par « les organismes habilités au titre de l’aide sociale ou ayant passé convention avec un organisme de sécurité sociale ». S’agissant de cette dernière disposition, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 est venue préciser que l’exonération de charges est applicable aux rémunérations versées en contrepartie des tâches effectuées au « domicile à usage privatif » des personnes âgées ou des personnes handicapées (2). Cette précision exclut ainsi explicitement les structures d’hébergement collectif de personnes âgées ou de personnes handicapées du bénéfice de cette exonération de charges sociales. Saisi de la conformité à la Constitution de cet ajout, le Conseil constitutionnel a considéré, à l’époque, que ce dispositif tendait « à favoriser le maintien chez elles de personnes dépendantes » et que « l’attribution du bénéfice de cette exonération en fonction du caractère privatif du domicile de la personne bénéficiaire de l’aide [était] en lien direct avec l’objet de cet article ». En conclusion, il a jugé que l’article L. 240-10, III du code de la sécurité sociale, tel que modifié par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, ne méconnaissait pas le principe d’égalité devant la loi.
Le cas soumis à la Cour de cassation semblait donc, a priori, ne pas poser de problème. Les faits étaient en effet les suivants : un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes réclamait à l’Urssaf le remboursement de la part « employeur » des cotisations de sécurité sociale réglées de mai 2005 à avril 2008 pour ses salariés en faisant valoir qu’ils assuraient auprès des pensionnaires de l’établissement les prestations d’aide à domicile visées à l’article L. 241-10, III du code de la sécurité sociale. Mais l’intérêt de l’affaire réside dans le fait qu’elle est antérieure à la modification de cet article par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. La question était donc de savoir si, avant la réforme, les EHPAD pouvaient bénéficier de l’exonération de cotisations sociales « aide à domicile ».
Dans un premier temps, les juges du fond ont considéré que les personnes âgées accueillies dans l’établissement ne pouvaient être considérées comme ayant leur domicile dans une maison de retraite, ce qu’a contesté l’hôpital local gestionnaire de l’EHPAD. Mais la Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel.
La Haute Juridiction retient ainsi que « l’article L. 241-10, III du code de la sécurité sociale dispose que sont exonérées des cotisations patronales pour la fraction versée en contrepartie des tâches effectuées chez les personnes [dépendantes] les rémunérations des aides à domicile employées dans les conditions prévues par ce texte » et que, en conséquence, « l’exonération ne pouvait s’appliquer qu’aux rémunérations des salariés intervenant au domicile privatif de la personne âgée ». Autrement dit, la chambre du résident d’une maison de retraite ne peut constituer « le domicile privatif » dans le champ des exonérations « aide à domicile ».
Relevons à l’inverse que, dans le cadre de la protection des droits des usagers, et notamment s’agissant du respect de leur vie privée, il est admis qu’une chambre d’hôpital soit considérée comme un domicile privatif et protégé (3). En outre, de nombreuses recommandations de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux accordent une place particulière à l’espace privatif qu’est la chambre (respect de l’intimité…). Mais, dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, il ne s’agissait pas de garantir la protection des résidents mais d’appliquer ou non un dispositif d’exonération de cotisations sociales…
Comment les charges de personnels afférentes aux agents de service et aux agents des services hospitaliers sont-elles intégrées dans le tarif « dépendance » des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ? C’est cette question qui était posée au Conseil d’Etat, qui y a répondu dans un arrêt du 30 septembre 2011 (Conseil d’Etat, 30 septembre 2011, requête n° 331685).
Dans cette affaire, l’Association de résidences pour personnes âgées dépendantes (ARPAD), qui gère 17 structures, demande au tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale l’annulation d’un arrêté du président du conseil général fixant les tarifs journaliers « dépendance » d’une de ses résidences. Le contentieux se déroule sur la période 2002-2003, pendant la phase transitoire de tarification des EHPAD qu’a prévue la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées dans l’attente de la conclusion par les établissements de leur convention pluriannuelle tripartite avec l’Etat et le département. Etait applicable au litige un décret du 26 avril 1999 qui précisait les modalités de calcul de ces tarifs, notamment dans le cadre d’un tableau figurant à l’annexe IV-1 de ce texte (4). Selon ce document, les charges de personnels afférentes aux agents de service et aux agents des services hospitaliers sont prises en compte, pour le calcul du tarif « dépendance », au titre des fonctions de blanchissage, de nettoyage et de service des repas et à hauteur de 30 % (les 70 % restant étant affectés au tarif « hébergement »).
En se fondant sur ces dispositions réglementaires, le président du conseil général a calculé le tarif sur la base d’un effectif d’agents de service estimé à 15 équivalents temps plein. L’ARPAD, elle, considérait que l’effectif à retenir s’établissait à 30,77 équivalents temps plein. Le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale donne raison à l’association gestionnaire de l’établissement. Le conseil général saisit alors la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale, qui annule le jugement du tribunal interrégional. L’ARPAD se pourvoit ensuite en cassation, mais n’obtient pas gain de cause.
En effet, comme la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale, le Conseil d’Etat estime qu’un EHPAD ne peut utilement opposer à l’autorité de tarification – le président du conseil général – la circonstance que la situation des résidents requérait un nombre d’agents de service et d’agents des services hospitaliers excédant les besoins correspondant aux fonctions de blanchissage, de nettoyage et de service des repas. Selon la Haute Juridiction, c’est donc à tort que le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale « s’était fondé sur les besoins globaux de fonctionnement de la résidence ».
Autrement dit, le tarif « dépendance » doit être calculé sur la base d’un effectif d’agents de service nécessaire uniquement à l’accomplissement de trois fonctions : le blanchissage, le nettoyage et le service des repas. Il ne doit pas être tenu compte des besoins globaux de fonctionnement de la résidence, ni des fonctions d’accompagnement ou de surveillance auxquelles sont pourtant souvent tenus ces personnels en pratique.
Cette lecture du tableau IV-1 du décret du 26 avril 1999 – qui a, selon le Conseil d’Etat, la même valeur réglementaire que ses autres dispositions – semble très restrictive eu égard à la définition donnée par l’article 3 de ce même décret (5), selon laquelle « le tarif afférent à la dépendance recouvre l’ensemble des prestations d’aide et de surveillance nécessaires à l’accomplissement des actes essentiels de la vie, qui ne sont pas liées aux soins que la personne âgée est susceptible de recevoir. Ces prestations correspondent aux surcoûts hôteliers directement liés à l’état de dépendance des personnes hébergées, qu’il s’agisse des interventions relationnelles, d’animation et d’aide à la vie quotidienne et sociale ou des prestations de services hôtelières et fournitures diverses concourant directement à la prise en charge de cet état de dépendance. »
Le tarif « soins » versé par l’assurance maladie à un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes inclut-il l’intervention d’infirmiers libéraux dans cette structure si cette dernière a décidé, dans le cadre de sa convention tripartite, d’employer des infirmiers salariés pour dispenser les soins ? Non, répond la Cour de cassation dans un arrêt du 15 mars 2012 (cass. civ. 2e, 15 mars 2012, requête n° 10-28058).
En l’espèce, à l’occasion de la négociation de sa convention tripartite imposée par la réforme de la législation en 2002, l’association gestionnaire d’un EHPAD a décidé d’opter pour le tarif partiel de soins et donc de prendre en charge l’offre de soins offerte à ses résidents en embauchant du personnel salarié infirmier. Elle informe alors ses pensionnaires par courrier qu’ils conservent leur liberté de choix des auxiliaires médicaux mais que toute intervention d’un(e) infirmier(e) libéral(e) ne sera plus remboursée par la sécurité sociale et restera par conséquent à leur charge. Conséquence : l’infirmière libérale qui intervenait dans l’établissement perd toute la clientèle des résidents de l’établissement. Elle demande alors réparation pour le préjudice qu’elle estime avoir subi.
La cour d’appel lui donne raison. Selon elle, le courrier envoyé aux pensionnaires par l’EHPAD a entraîné une « présentation tronquée et erronée des conséquences de la nouvelle organisation sur les droits à prestation des patients », les « résidents étant naturellement amenés à privilégier la formule qui pouvait leur paraître la plus intéressante financièrement ». Elle condamne dès lors l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes à des dommages et intérêts. Pour les juges du fond, « s’il est hors de doute que l’établissement pouvait intégrer dans son projet le choix du salariat pour les soins infirmiers, il ne pouvait affirmer faussement que cette option induisait un refus de prise en charge des prestations prodiguées par les infirmières libérales, quelle que soit par ailleurs l’option tarifaire chargée choisie (tarif global ou tarif partiel), conformément au principe de libre choix et aux dispositions explicites de l’article R. 314-167 du code de l’action sociale et des familles, qui stipulent, en substance, que sont prises en charge dans l’un et l’autre cas les rémunérations et charges du personnel relatives aux infirmiers libéraux ».
Mais la Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement, tout en s’appuyant pourtant sur la même disposition selon laquelle « le tarif journalier partiel en faveur duquel un établissement peut opter lors de la signature d’une convention tripartite comprend les rémunérations versées aux infirmières ou infirmiers libéraux ». Pour la Haute Juridiction, dans l’hypothèse où l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes choisit de recourir à des infirmiers salariés, « le versement à l’établissement du forfait de soins [exclut] que les caisses primaires d’assurance maladie puissent prendre en charge en sus de ce forfait [dans le cadre des soins de ville] les soins prodigués par les praticiens libéraux intervenant à la demande des personnes hébergées ».
Responsabilité pénale. En cas de décès accidentel d’un résident dû aux installations de l’établissement, la responsabilité pénale de ce dernier n’est pas automatique.
Responsabilité civile. Lorsqu’une personne âgée hébergée en vertu d’un contrat est victime d’un dommage, c’est la responsabilité contractuelle de l’établissement qui doit être recherchée. Responsabilité qui ne joue que si ce dernier a commis une faute.
Exonération de charges. Les EHPAD n’ont jamais été éligibles à l’exonération de charges sociales « aide à domicile » prévue à l’article L. 240-10 du code de la sécurité sociale.
Tarif « dépendance ». Il doit être calculé sur la base d’un effectif d’agents de service nécessaire uniquement à l’accomplissement du blanchissage, du nettoyage et du service des repas, et ne peut tenir compte de la fonction d’aide et d’accompagnement de ces personnels.
Tarif « soins ». Lorsqu’un EHPAD choisit de recourir à des infirmiers salariés, son forfait « soins » ne peut pas prendre en charge les soins prodigués par des infirmiers libéraux intervenant à la demande des résidents.
En droit civil, la responsabilité est l’obligation de réparer le préjudice résultant :
soit de l’inexécution ou du retard dans l’exécution d’un contrat. On parle alors de responsabilité contractuelle (code civil, art. 1147) ;
soit du dommage causé à autrui par son fait personnel (code civil, art. 1382), du fait des choses dont on a la garde (responsabilité du fait des choses) ou encore du fait des personnes dont on répond (responsabilité du fait d’autrui) (code civil, art. 1384). Il s’agit alors d’une responsabilité dite délictuelle en cas de faute intentionnelle ou quasi délictuelle en cas de faute non intentionnelle.
(1) Les arrêts présentés dans ce dossier sont disponibles sur
(3) Cour d’appel de Paris, 17 mars 1986, arrêt « Nobel ». Pour plus de détails sur le respect de la vie privée des usagers, voir le numéro juridique des ASH, Les droits des usagers des structures sociales et médico-sociales – Décembre 2011.
(4) Devenu depuis l’annexe 3-2 du code de l’action sociale et des familles.
(5) Aujourd’hui codifié à l’article R. 314-160 du code de l’action sociale et de familles.