Acteurs centraux du rapprochement de l’offre et de la demande d’hébergement et de logement transitoire créés dans le cadre de la « refondation » du dispositif d’accueil des sans-abri et d’accès au logement lancée en novembre 2009, les services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO) doivent entrer cette année « dans une phase de pleine et forte activité ». Problème : selon l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), seuls 20 % des départements ont à l’heure actuelle un SIAO pleinement opérationnel à la fois sur l’urgence et l’insertion. Et malgré des « avancées encourageantes », des « freins » et des « réticences » persistent dans leur mise en œuvre. Ce constat, fait par l’inspection dans son rapport d’évaluation du dispositif (voir encadré, page 6), a poussé le ministre chargé du logement à réagir dans une circulaire qui vise à améliorer le fonctionnement de ces plateformes… et à pallier ce qu’il considère comme les principales faiblesses pointées par l’IGAS. Benoist Apparu demande ainsi aux préfets de « faire porter prioritairement les efforts sur trois axes » : la gouvernance et le pilotage de l’Etat ; « l’opérationnalité » des SIAO ; les outils de connaissance des publics et de leurs besoins.
Pointant les difficultés de l’Etat pour assurer un pilotage efficace de la mise en place des SIAO, l’IGAS déplore, dans son rapport, le choix d’avoir délégué une mission régalienne de l’Etat à des opérateurs sans avoir parallèlement doté les pouvoirs publics des moyens permettant de les contrôler. « Le pilotage, le reporting et la culture de l’évaluation sont très faibles voire inexistants », regrette l’inspection. Une critique entendue par Benoist Apparu qui estime nécessaire que, « en tout état de cause, après concertation, chaque SIAO reçoive de l’Etat une lettre de mission fixant clairement des objectifs opérationnels précis, et un calendrier à suivre pour les atteindre ».
Le ministre rebondit encore sur un autre constat dressé par l’IGAS : les difficultés liées au changement de culture et de pratiques induit par la mise en place des SIAO (défaut d’articulation entre les SIAO et les différents acteurs concernés, existence de résistances tant du côté des travailleurs sociaux – « qui doivent apprendre à travailler de façon plus collective » – que de certains centres d’hébergement – « qui acceptent difficilement les orientations des SIAO et, le cas échéant, une remise en cause de leur projet social »…). Benoist Apparu demande ainsi aux préfets d’aider les SIAO dans le développement de partenariats avec les collectivités locales (départements, établissements publics de coopération intercommunales, communes…), les bailleurs sociaux, les acteurs du logement d’insertion, les opérateurs de l’accompagnement social, les secteurs de la santé, de l’administration pénitentiaire et du droit d’asile. « En particulier, le niveau régional pourra s’impliquer dans la formalisation des relations entre les SIAO et les plateformes régionales du service de l’asile, les ARS [agences régionales de santé] » ou bien encore les services pénitentiaires d’insertion et de probation. « Au besoin, écrit le ministre, vous organiserez des réunions auprès des partenaires, afin de valoriser l’action des SIAO, et la plus-value d’une telle mise en réseau. »
Par ailleurs, « la formation des coordinateurs des SIAO et des travailleurs sociaux sur l’appropriation du sens de la refondation, sur l’importance de l’évaluation sociale et enfin sur l’intérêt de l’usage des systèmes d’information » devra être « encouragée ». A cet effet, les préfets devront, dans le courant du deuxième semestre 2012, organiser des formations de proximité, indique la circulaire.
Les SIAO ont été créés afin d’améliorer l’accueil, l’évaluation, l’orientation et la prise en charge des personnes sans abri ou risquant de l’être, mais aussi de veiller à la continuité des parcours d’insertion. Pour ce faire, ils ont vocation à disposer d’une connaissance exhaustive du parc d’hébergement et de logement adapté et des disponibilités de places en temps réel, à recevoir toutes les demandes de prise en charge et à orienter les personnes concernées vers la solution la plus adaptée à leur situation. Benoist Apparu délivre plusieurs consignes visant à aider les SIAO dans ces missions. Il demande ainsi aux préfets de s’assurer que les gestionnaires de places, que ce soit d’urgence, de stabilisation ou d’insertion, avec ou sans statut CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale), informent le SIAO de toutes les places vacantes (ou, lorsque c’est possible, susceptibles de l’être prochainement), afin qu’il puisse désigner la personne ou famille qui devra y être accueillie. « Les dérogations à ce principe doivent rester exceptionnelles. » En outre, précise le ministre, elles « doivent se faire dans le cadre d’un accord explicite et formalisé du gestionnaire avec le SIAO et les services de l’Etat » et « ne peuvent en aucun cas exonérer le gestionnaire de places d’hébergement de transmettre au SIAO en temps réel les informations élémentaires sur les publics accueillis ». Ces principes devront être intégrés dans le cadre des conventions et autorisations, dès lors qu’il y a un financement des structures par l’Etat. La non-application de ces principes pourra entraîner, à terme, et dans le respect de la réglementation, une remise en question du financement de l’Etat de la structure concernée.
Le ministre souhaite également la mobilisation du secteur du logement accompagné (1), l’offre en la matière étant souvent méconnue et insuffisamment intégrée aux SIAO. Il demande par conséquent aux préfets d’aider les plateformes à mobiliser cette offre en les incitant à passer pour cela des conventions avec tous les gestionnaires et réservataires de tels logements. Au passage, la circulaire rappelle que la mission des SIAO porte aussi sur l’aide à l’accès au logement ordinaire, en s’appuyant sur les dispositifs existants.
L’IGAS l’a indiqué dans son rapport : la mission d’observation sociale des SIAO, qui représente un enjeu majeur, n’est pas mise en œuvre. Selon l’inspection, sa bonne réalisation « dépend de la montée en charge d’un système d’information commun et de la capacité des acteurs locaux à l’alimenter de façon homogène ». Or « la coexistence de plusieurs systèmes d’informations handicape aujourd’hui la mise en place d’une base de données d’observation sociale commune ». Rebondissant sur ce constat, Benoist Apparu indique qu’une démarche de convergence entre les différents systèmes d’information (SI) utilisés par les SIAO vers un SI unique est maintenant actée. Cet outil unique, développé à partir du logiciel créé par l’Etat (le « SI SIAO »), « facilitera la gestion interdépartementale des demandes, limitera les doublons et enfin autorisera la mise en place d’interfaces avec les applications des structures d’hébergement et de logement accompagné dont l’absence handicape aujourd’hui l’utilisation du logiciel du SIAO par ces structures ». Dans cette perspective, le ministre demande aux préfets d’inviter les SIAO n’ayant pas encore opté pour un logiciel à utiliser le « SI SIAO ». Le ministre signale par ailleurs que la direction générale de la cohésion sociale continuera d’organiser des sessions de formation à l’utilisation du « SI SIAO » et proposera, pour l’ensemble des utilisateurs, un accompagnement par un prestataire pour la prise en main de l’outil informatique et du développement du logiciel. Benoist Apparu attire également l’attention des préfets sur « la nécessaire implication des acteurs locaux dans l’alimentation de ce SI à travers la saisie de l’ensemble des places et des demandes d’hébergement et de logement adapté afin de pouvoir disposer d’une base de données pour une observation sociale significative ». En effet, dès 2012, une base nationale de données d’observation sociale va être mise en place. Elle constituera un entrepôt de données alimenté par les informations recueillies par les différents systèmes d’information.
Où en est-on de la mise en place des services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO) sur les territoires ? A-t-elle permis des progrès au regard des objectifs poursuivis ? Après avoir procédé pendant plusieurs mois à une évaluation du dispositif, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) estime leur mise en œuvre partielle et inachevée. Selon elle, seuls 20 % des départements – représentant 21 % de l’offre d’hébergement – ont à l’heure actuelle un SIAO pleinement opérationnel à la fois sur l’urgence et l’insertion. C’est en fait la partie « urgence » des SIAO qui est la mieux mise en œuvre, constate le rapport, « car elle s’est appuyée sur les 115 qui existaient préalablement ». Ainsi, près de la moitié des services sont, pour cette partie, véritablement en place. Ce qui signifie, selon les critères de l’inspection, qu’ils ont à la fois intégré le 115 et défini voire réorganisé la régulation des places d’urgence. En revanche, s’agissant de la partie « insertion » – qui, note le rapport, « concentre plus d’enjeux et implique des changements culturels et institutionnels profonds » –, « seuls 40 % des SIAO sont véritablement opérationnels ». Ce qui signifie, en clair, qu’ils ont mis en place, a minima, la centralisation des demandes d’hébergement mais aussi qu’ils disposent d’une grille unique d’évaluation des demandes et d’une ou de plusieurs commissions partenariales d’examen des demandes et d’orientation. Pour autant, le tableau dressé par l’IGAS n’est pas entièrement sombre. Elle constate en effet « de réelles avancées sur le terrain malgré les délais très contraints de mise en œuvre ». Le SIAO « apparaît sur le principe légitime aux acteurs ». Dans le secteur de l’urgence, la dynamique est « avérée », fondée sur les 115. Et dans le secteur de l’insertion et du logement adapté, les commissions de régulation des orientations – mises en place dans 70 % des SIAO, note l’IGAS – ont permis d’atteindre plusieurs objectifs : la création d’un point d’entrée unique, une harmonisation des diagnostics sociaux, un traitement plus équitable des demandes, un « début de prise en compte des attentes des usagers », une offre d’hébergement plus visible ou bien encore « l’amorce » d’une coordination des acteurs sur le plan local.
Mais toutes ces avancées demeurent « très inégales selon les territoires » et nécessitent d’être « consolidées ».
OLIVIER SONGORO
(1) Formes de logements intermédiaires ou d’insertion associant de manière intégrée un logement et des prestations de service (accompagnement, animation, gestion adaptée) et permettant d’être accueilli de manière temporaire ou durable.