Dans une affaire opposant un couple de femmes homosexuelles à la France, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a jugé, le 15 mars, que le refus d’accorder à une femme le droit d’adopter l’enfant de sa compagne n’était pas discriminatoire dans la mesure où les couples hétérosexuels liés par un pacte civil de solidarité (PACS) se voient eux aussi refuser les adoptions simples.
En l’espèce, une femme vivant en concubinage avec une autre femme a demandé à pouvoir adopter l’enfant de sa compagne conçu par procréation médicalement assistée avec donneur anonyme. Le 4 juillet 2006, le tribunal de grande instance de Nanterre a refusé cette demande d’adoption simple aux motifs que celle-ci aurait des « conséquences légales contraires à l’intention des requérantes et à l’intérêt de l’enfant », à savoir priver la mère biologique de tout droit sur son enfant. Le code civil français (article 360 et suivants) distingue en effet deux types d’adoption : l’adoption plénière et l’adoption simple. L’adoption plénière, qui confère à l’enfant adopté une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine, peut être demandée par des conjoints mariés ou par une personne célibataire. L’adoption simple, qui crée un lien de filiation supplémentaire, a pour effet d’investir l’adoptant de tous les droits d’autorité parentale – dont le père ou la mère de l’enfant se trouve dès lors dessaisi – lorsque l’enfant est mineur, sauf lorsque l’adoption simple est réalisée par le conjoint marié du père ou de la mère de l’enfant adopté. N’étant pas mariées, les deux requérantes n’ont pas pu bénéficier de cette exception ce qui, selon elles, a porté atteinte à leur droit à la vie privée et familiale de façon discriminatoire, en violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
Dans son arrêt, la CEDH rappelle que, selon sa jurisprudence constante, il y a discrimination dans le cas où « le traitement différent de personnes étant dans des situations comparables ne poursuit pas un but légitime ou ne montre pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens et le but visé ». Partant, elle estime qu’on ne saurait considérer que les requérantes se trouvent dans une situation juridique comparable à celle des couples mariés lorsqu’il est question d’adoption par le second parent. La Cour rappelle en effet que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme n’impose pas aux gouvernements des Etats membres d’ouvrir le mariage aux couples homosexuels, et que, lorsqu’ils décident de leur offrir un autre mode de reconnaissance juridique, ils bénéficient d’une marge d’appréciation quant à la nature exacte du statut conféré. Concernant les couples non mariés d’autre part, la Cour souligne que des couples hétérosexuels ayant conclu un PACS se voient également refuser l’adoption simple. Elle ne relève donc pas de différence de traitement basée sur l’orientation sexuelle des requérantes. Répondant à l’argumentation selon laquelle les couples hétérosexuels pacsés peuvent échapper à cette interdiction en se mariant, la CEDH réitère ses conclusions concernant l’ouverture du mariage aux couples homosexuels et conclut, en conséquence, qu’il n’y a pas eu violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.