Journalistes atypiques

Connaissez-vous Le Papotin, ce journal rédigé depuis vingt ans par des jeunes autistes suivis en établissement et service d’aide par le travail, en foyer de vie, en institut médico-éducatif ou en hôpital de jour (1) ? Imprimé à 3 000 exemplaires et publié à intervalles irréguliers – « quand les articles sont terminés » –, Le Papotin comprend des interviews de gens que ces « journalistes atypiques » aiment, des poèmes, des billets d’humeur. Ils racontent des riens, papotent, flânent, font des merveilles avec les mots. Il ne s’agit pas d’une thérapie mais d’une démarche culturelle et d’intégration, destinée à leur offrir une ouverture sur le monde. Les réunions du comité de rédaction, chaque mercredi, sont des moments uniques. Le metteur en scène Eric Petitjean s’en est inspiré pour proposer Les Papotins ou la tâche de Mariotte. Il a créé quatre personnages, interprétés par des acteurs professionnels qui s’approprient les textes de la revue : Nathanaël aime faire des catégories, Carole raconte des blagues, Arnaud ne s’intéresse qu’aux voitures et aux chatouilles sous les pieds des filles, et Thomas, le plus discret, étonne par ses connaissances en mathématiques. Tous leurs propos ont été prononcés ou écrits par les personnes qui les ont inspirés. Ce qui est frappant, c’est leur rapport au langage : leur parole, brute, sincère, n’admet pas les faux-semblants ni les idées reçues. Ils débattent de sujets qui nous concernent tous : politique, amour, vie de tous les jours. Ils réinterprètent sous nos yeux les interviews de Jacques Chirac, de Ségolène Royal, de Claude Allègre. Et posent à ces personnalités toutes les questions que l’on n’aurait jamais osé leur poser, et bien d’autres, de « Comment tu t’appelles ? » à « Qu’est-ce que la solitude ? ». Chaque journaliste a sa spécialité, son style, ses formules, valorisés par une mise en scène dynamique et un mur vidéo diffusant des jeux de lumière fascinants.