Il y a deux protagonistes : « le père », qui vit en unité de soins de longue durée, et « la fille », qui lui rend visite régulièrement. La narratrice, quant à elle, est extérieure et relate ce qui se passe au long des cinq années d’institutionnalisation du vieil homme. Parfois, en maison de retraite, il y a des morts, une canicule, des résidents qui perdent leur pantalon en plein milieu de la salle à manger, des fêtes qui rythment les mois et les semaines. Mais, souvent, il n’y a rien. Le point mort. Aucun événement triste ou amusant. « On touche le point zéro, celui d’une attente collective, l’œil du cyclone, quand l’angoisse est réprimée chez chacun, quand toutes les plaintes sans écho se sont tues, quand il n’y a plus rien à dire, qu’à se réfugier dans un silence fracassant. Même les fourchettes ne cliquettent plus. » Dans ces 35 saynètes tantôt crues tantôt tendres, chaque résident de « Saint-Christophe » est égal devant la décrépitude. L’auteure, Anne-Marie Merle-Béral, psychiatre, psychanalyste, parle avec justesse des corps « flétris, abîmés, douloureux, sans rang social ni statut professionnel », de la mort qui rôde et qui oblige à vivre chaque instant d’un présent sans avenir. Elle écrit sans censure – vomi, excréments, escarres font bel et bien partie de la réalité de la maison de retraite. C’est précis, et forcément vécu, les mots sont pesés, le rythme est mesuré. La fin du temps est un livre beau et triste.
La fin du temps. Vivre et mourir en unité de soins de longue durée – Anne-Marie Merle-Béral – Ed. érès – 9 €