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Pourquoi il faut former des évaluateurs externes

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Pour que l’évaluation externe ne se réduise pas à un exercice de mise en conformité et constitue une réelle opportunité de progrès pour les établissements comme pour les usagers, la question de la formation des évaluateurs est cruciale, soutiennent François Charleux, directeur de RH Organisation, organisme de formation et de conseil, et François Noble, directeur de l’Andesi (Association nationale des cadres du social).

« La récente circulaire de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) (1) vient nous rappeler, s’il en était besoin, les échéances de l’évaluation et les modalités de sa mise en œuvre. Ces dispositions ont été fixées pour l’essentiel par le décret n° 2007-975 du 15 mai 2007 (2). Ce texte est à la fois complexe et ambitieux. Complexe, parce que les références théoriques y sont multiples et imbriquées : management de la qualité, méthodologie d’évaluation des politiques publiques, démarche de prévention des risques, etc. Ambitieux, dans la mesure où ces références conduisent à une évaluation “des activités et de la qualité des prestations” à la fois normative et formative, donnant ainsi un caractère inédit à l’évaluation sociale et médico-sociale.

Corrélativement, l’évaluation exige des évaluateurs externes des compétences singulières que les organismes qui s’engagent à les former doivent avoir identifiées. C’est sur cette base seulement que peut être défini un parcours pédagogique pertinent, et identifiées les indispensables conditions ou prérequis à son accès.

La conception d’une formation d’évaluateurs externes doit se fonder sur la représentation la plus juste du processus évaluatif conçu par le législateur. La complexité du décret de référence implique toutefois quelques clarifications préalables.

L’évaluation est fondamentalement, pour un premier aspect au moins, une appréciation des moyens que l’établissement ou le service met en place pour garantir le respect des droits et des libertés de la personne accueillie : principe de non-discrimination, droit à l’information, droit à l’expression, droit à la personnalisation de l’accompagnement, etc. (3). Mais, par ailleurs, l’évaluation est aussi “appréciation sur l’atteinte des objectifs, la production des effets attendus et d’effets non prévus, positifs ou négatifs” (4). Par cette référence formelle à la notion d’“effets” et à celle d’“objectifs en adéquation aux missions imparties à l’établissement”, le législateur donne à l’évaluation une dimension “formative”. La question n’est plus de savoir si le fonctionnement de l’établissement ou service social ou médico-social (ESSMS) est en conformité avec quelques savoir-faire professionnels ou prérequis réglementaires, garants des droits et libertés de la personne accueillies, mais de connaître en profondeur les processus en jeu et leurs impacts. Sous cet aspect, l’évaluation sociale et médico-sociale est une invitation pour l’ESSMS à réinterroger, à travers l’examen des effets obtenus, l’adéquation des moyens aux objectifs de son projet.

Une dimension stratégique de première importance

Dans un contexte financier qui conduit à ne juger des projets qu’à l’aune des économies réalisables, ce second volet de l’évaluation prend une dimension stratégique de première importance ! L’évaluation externe devient un moyen unique pour défendre, à l’échelle de l’établissement ou du service, les ressources nécessaires à l’accompagnement des usagers. A cet effet, toute formation d’évaluateurs externes se doit de promouvoir, en cohérence avec les dispositions réglementaires, une évaluation tournée vers la mesure de l’efficience des projets et la “mise en valeur” des ressources utilisées.

La singularité du dispositif évaluatif conçu par le législateur devrait impacter toute formation sur deux plans au moins. Sur celui de son contenu pédagogique d’abord qui, au-delà des techniques évaluatives proprement dites, devra accorder la première place à l’étude des politiques sociales ; sur le plan des méthodes pédagogiques ensuite qui devront être plus “réflexives” que “normatives”.

La connaissance du décret n° 2007-975 est sans doute nécessaire au futur évaluateur, mais pas suffisante ! Ce texte serait d’un piètre secours pour qui ne maîtriserait pas par ailleurs les politiques sociales s’appliquant à la catégorie d’établissements à laquelle appartient la structure qu’il évalue. Le champ est large : il couvre les grandes lois d’orientation sociale et médico-sociale aussi bien que les décrets plus spécifiques organisant le fonctionnement de tel ou tel type d’établissement ou service. L’enjeu ici est d’importance : comment saisir la pertinence d’un projet, apprécier son efficience sans référence à ce cadre légal et réglementaire ? Comment porter un jugement éclairé sur un dispositif d’action sociale sans une connaissance fine des obligations et des enjeux auxquels est soumis l’établissement évalué ?

On mesure ici toute l’importance qu’il y a à respecter cette disposition du décret qui, s’agissant des compétences attendues, précise que les évaluateurs devront justifier d’“une expérience professionnelle dans le champ social ou médico-social” et de “connaissances actualisées et spécifiques dans le domaine de l’action sociale, portant sur les recommandations de bonnes pratiques professionnelles validées, sur les orientations générales des politiques de l’action sociale et sur les dispositifs”. On peut à cet égard s’interroger sur la légitimité d’un évaluateur dont la fonction par ailleurs ne l’amènerait pas à se confronter régulièrement à ces contraintes sectorielles… Dans tous les cas, la formation des évaluateurs externes doit non seulement rappeler ces textes fondamentaux, mais établir également, point par point, les liens nécessaires entre ceux-ci et les objectifs de l’évaluation externe.

Des références théoriques multiples

Il n’existe pour le moment pas une, mais bien des évaluations externes. Conséquence d’un texte aux références théoriques multiples, la complexité ne peut se réduire en formation à la présentation d’un modèle unifié. L’approche doit ici transcender les clivages entre les différentes méthodes d’évaluation : démarche qualité, méthode d’évaluation des politiques publiques… L’approche sera donc “réflexive”. Une formation d’évaluateurs externes doit retracer les différentes étapes qui ont conduit au modèle évaluatif actuel. Il conviendra d’expliquer comment un article de loi qui posait l’obligation d’une évaluation “au regard de procédures, références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles” s’est traduit en un décret où le premier objectif assigné à l’évaluateur externe consiste à porter une appréciation sur “l’atteinte des objectifs” et sur les “impacts produits”. La formation doit éviter ici le piège d’une présentation de recettes toutes faites ou de techniques évaluatives coupées de leur modèle théorique. Le débat sur les méthodes est ouvert, et il est essentiel que les évaluateurs externes y participent en connaissance de cause. La singularité du processus évaluatif qui s’est élaboré dans le champ social et médico-social entre 2002 et aujourd’hui impose cette ouverture pédagogique. Si, dans le droit-fil du décret n° 2007-975, la formation doit nécessairement porter sur les méthodes évaluatives “existant en matière d’évaluation des politiques publiques et comportant une méthodologie d’analyse pluridimensionnelle, globale, utilisant différents supports”, elle abordera également les méthodes propres à la certification. Sur ce dernier point, le décret n° 2012-147 du 30 janvier dernier confirme en effet l’existence d’une correspondance, au moins pour partie, entre l’évaluation sociale et médico-sociale et la certification (5).

En donnant à l’évaluation ce caractère multiréférentiel, le législateur ouvre la porte à une probable hétérogénéité des rapports évaluatifs. Face au risque, dans ce contexte, d’une évaluation réduite à un exercice de mise en conformité, pour que l’évaluation au contraire soit une opportunité de progrès pour les ESSMS et les personnes accompagnées, il est essentiel que le secteur se saisisse de la formation de ses évaluateurs (6). Les dispositifs pédagogiques à promouvoir devront alors garantir impérativement une approche de l’évaluation fondée sur la compréhension des projets dans leur singularité. »

Notes

(1) Circulaire n° DGCS/SD5C/2011/398 du 21 octobre 2011 relative à l’évaluation des activités et de la qualité des prestations délivrées dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux – Voir ASH n° 2733 du 18-11-11, p. 7.

(2) Décret n° 2007-975 du 15 mai 2007 « fixant le contenu du cahier des charges pour l’évaluation des activités et de la qualité des prestations des établissements et services sociaux et médico-sociaux » – Voir ASH n° 2509 du 25-05-07, p. 15.

(3) Voir l’arrêté du 8 septembre 2003 relatif à la charte des droits et libertés de la personne accueillie et l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles. Tous ces droits sont repris dans le troisième objectif assigné par décret à l’évaluateur externe (Annexe 3-10, chapitre II, section 3 : « Examiner certaines thématiques et des registres spécifiques »).

(4) Annexe 3-10, chapitre II, section 1 : « Porter une appréciation globale ».

(5) Voir ASH n° 2745 du 3-02-12, p. 11.

(6) C’est dans cet esprit que RH Organisation, Andesi (Paris), Arafdes (Lyon), ESTES (Strasbourg) et Erasme (Toulouse) réalisent, chacun dans sa région, la formation « Devenez évaluateur externe certifié ».

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