« Cache-misère. » C’est ainsi que l’Assemblée des départements de France (ADF) qualifie la proposition de l’Etat censée marquer l’implication de ce dernier dans la prise en charge des mineurs isolés étrangers. Après la solution obtenue par le conseil général de Seine-Saint-Denis, consistant à soulager le département en renvoyant neuf mineurs sur dix vers une vingtaine de départements du grand bassin parisien (1), le garde des Sceaux avait annoncé la mise en place d’un groupe de travail avec l’ADF. La délégation conduite par son président, Claudy Lebreton, lors de la troisième et dernière réunion, le 7 mars, espérait des annonces concrètes. Or la rencontre s’est achevée, selon l’assemblée, « sur un constat de désaccord ». S’appuyant sur les conclusions des rapports du préfet Landrieu, en 2004, et de la sénatrice Isabelle Debré, en 2010, les départements souhaitaient que l’Etat assume sa responsabilité juridique et financière entre le moment où le mineur arrive sur le territoire et sa décision de placement. Si le ministère a eu le mérite d’ouvrir la discussion, « il pensait être arrivé à un compromis en proposant de financer 50 % de la prise en charge correspondant à l’accueil et à l’évaluation des mineurs, pendant quatre jours, explique Jean-Pierre Hardy, responsable des politiques sociales à l’ADF. Or la décision de placement peut durer quatre mois ! Le ministère propose ainsi 3,5 millions d’euros, alors que la prise en charge des 4 000 mineurs isolés présents en France métropolitaine représente 200 millions d’euros. »
L’ADF a donc considéré que les négociations n’avaient pas abouti et a de nouveau réclamé le recours au Fonds national de financement de la protection de l’enfance. Au-delà d’un calcul erroné, « le problème est que l’Etat ne semble vouloir se concentrer que sur les jeunes qui vont arriver, ajoute Romain Lévy, adjoint au maire de Paris chargé de la protection de l’enfance. Or le coût de la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance des jeunes déjà présents est passé à Paris de 40 millions d’euros en 2009 à 85 millions d’euros ! Nous demandons, conformément aux préconisations des rapports publics sur le sujet, que la solidarité nationale soit appliquée et qu’il y ait une meilleure répartition géographique des mineurs par des plateformes interrégionales d’orientation. Puisque le ministère nous dit que c’est impossible à droit constant, nous attendons, pour répondre à la situation d’urgence, un système de compensation financière pour les départements les plus impactés. » Alors que le département parisien accueille cette année 1 700 mineurs isolés, France terre d’asile confirme que la situation est très tendue : le 8 mars, « nos équipes qui assurent la maraude ont rencontré 75 jeunes nécessitant une mise à l’abri d’urgence, alors que seules 25 places d’hébergement financées par l’Etat sont disponibles ».
Parmi les départements particulièrement concernés, avec près de 400 mineurs isolés accueillis, l’Ille-et-Vilaine avait menacé, comme l’avait fait le conseil général de Seine-Saint-Denis, de suspendre l’accueil de ce public au mois de janvier. La somme consentie par l’Etat lui paraît également largement insuffisante, alors que « la prise en charge des mineurs isolés étrangers par le seul département d’Ille-et-Vilaine est de 15 millions d’euros par an ». Pour autant, la discussion ne lui semble pas fermée, puisque « le garde des Sceaux s’est engagé à examiner de manière spécifique la situation du département et à faire de nouvelles propositions dans les prochains jours ».
Au-delà du bras-de-fer financier, reste encore à construire « une solution de protection durable » pour ces mineurs, souligne France terre d’asile, qui appelle de ses vœux une table ronde associant l’Etat, les collectivités territoriales et les associations.
(1) Voir ASH n° 2728 du 14-10-11, p. 16.