« La réforme du droit au séjour pour soins s’inscrit dans un contexte extrêmement difficile pour tous les étrangers », observe Elodie Redouani, juriste à l’ARCAT (Association de recherche, de communication et d’action pour l’accès aux traitements). En première ligne : les risques nouveaux encourus en cas de convocation en préfecture. Depuis le vote de la loi Besson, le danger, pour un étranger se présentant à la préfecture, de se voir interpellé et placé en détention est accru, alors même que le délai de recours en cas de refus de séjour peut être considérablement réduit, passant de un mois à 48 heures. Pour les intéressés, qui cumulent souvent précarité sociale et non-maîtrise de la langue, ce délai est extrêmement difficile à respecter. D’autant qu’il peut courir d’un vendredi 15 heures à un dimanche 15 heures ! « C’est une mesure qui écarte le contrôle des juges de la procédure », explique Elodie Redouani. Une mesure d’autant plus sévère qu’avant la loi, la moitié des recours effectués par des personnes qui s’étaient vu refuser leur carte de séjour pour soins alors qu’elles remplissaient les conditions médicales aboutissait.
Autre motif d’inquiétude : en cas de rejet d’une demande d’admission au séjour, y compris pour raison médicale, le patient étranger s’expose non seulement à être placé en rétention s’il est interpellé – comme c’était déjà le cas – mais il peut également être interdit de retour (sur tout le territoire de l’espace Schengen) pour une durée de deux à cinq ans. Conséquence : après un refus pour un titre de séjour lambda, les démarches pour solliciter un titre de séjour pour raison médicale cette fois – en cas de découverte d’une pathologie grave par exemple – deviennent particulièrement risquées. Bien que les textes d’application concernant les régularisations pour soins se révèlent finalement plutôt favorables, « tout va devenir plus compliqué au niveau des procédures », s’inquiète Benjamin Demagny, juriste au Comede (Comité médical pour les exilés). Cas concret : un demandeur d’asile débouté par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) qui découvre qu’il est atteint d’une pathologie grave en France ne pourra plus faire valoir son état de santé pour obtenir une carte de séjour pour soins car il sera sous la coupe d’une interdiction de retour du territoire français (IRTF): toute nouvelle démarche préfectorale sera dangereuse et juridiquement complexe. « Pour l’instant, ce ne sont que des projections mais les travailleurs sociaux vont très vite être confrontés à des personnes frappées d’une IRTF et dans des situations inextricables, explique Benjamin Demagny. La logique qui prévalait avant auprès des travailleurs sociaux – en gros : demandons un titre de séjour car il n’y a rien à perdre – est terminée. Désormais, s’engager dans une démarche de régularisation peut avoir des conséquences extrêmement lourdes ; il faut donc mûrement y réfléchir… » Cette complexité, doublée d’une responsabilité plus lourde pour les travailleurs sociaux, lui laisse craindre que ces derniers se défaussent. D’où l’urgence à mettre en place une information et une formation des travailleurs sociaux qui prennent en charge les migrants en situation administrative précaire.
Autre crainte : l’augmentation très rapide du coût et de l’assiette des taxes de séjour. Si les étrangers malades demeurent exemptés de la taxe de primo-délivrance d’un titre de séjour, dite taxe OFII (pour Office français de l’immigration et de l’intégration, d’un montant variable pouvant aller jusqu’à 349 €), ils doivent, en revanche, s’acquitter, depuis octobre dernier, du nouveau droit de timbre sur les cartes de séjour d’un montant de 19 €, ainsi que d’un visa de régularisation de 340 €, dont 110 € à payer lors du dépôt de la demande (non remboursé en cas de refus). « Une somme que beaucoup n’ont pas », précise Benjamin Demagny.