Alors que la loi du 11 février 2005 sur les droits des personnes handicapées vient de fêter son septième anniversaire, le deuxième rapport du gouvernement sur la politique du handicap – élaboré à la suite de la Conférence nationale du handicap du 8 juin 2011 (1) – se félicite « d’une mobilisation sans précédent de chaque acteur pour que soit prise en compte la thématique du handicap dans toutes les composantes de la société » (2). Il relève en outre que, malgré la situation économique actuelle, les dépenses publiques dans le champ du handicap ont progressé de 22 % (en neutralisant l’inflation) entre 2005 et 2010, représentant 37,2 milliards d’euros durant cette période. Un constat que le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), dans un avis adopté le 22 février dernier (3), approuve de manière mesurée, donnant certes acte aux « réels progrès » réalisés mais insistant aussi sur les « chantiers encore inachevés et sur les risques qui pèsent sur l’effectivité de la loi du 11 février 2005 ». L’instance regrette en outre que le document ne concerne que les sujets abordés lors de la dernière Conférence nationale du handicap. Et qu’il fasse l’impasse sur des thèmes comme « la question des métiers au service des personnes handicapées » et du dispositif de formation qui va de pair, ou encore sur « la dimension tant humaine qu’éthique des questions relatives à la vie affective et sexuelle des personnes handicapées », sans oublier « la situation des personnes en grand déficit d’autonomie, la question de l’accès aux soins au logement […], et plus généralement la question de la vie à leur domicile ».
Jugé par le gouvernement « encourageant dans un contexte économique difficile », le bilan de la politique de l’emploi des travailleurs handicapés n’emporte toutefois pas tous les suffrages du CNCPH. Certes, l’instance se réjouit notamment de la signature du Pacte pour l’emploi des travailleurs handicapés des entreprises adaptées, conclu fin 2011 (4), mais elle constate avec dépit que ces structures sont oubliées du chapitre du rapport gouvernemental consacré à l’emploi.
Par ailleurs, si le rapport rappelle que la loi du 28 juillet 2011 tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées tend à renforcer le pilotage de cette politique (5), cela ne semble pas convaincre le conseil qui relève que « le rapport ne traite ni de l’insuffisance du pilotage de l’emploi des travailleurs handicapés, ni des conséquences des multiples transferts de compétences, dont certains sans contrepartie financière ». Sont notamment visés ceux de l’Etat vers l’Agefiph et le Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique. Enfin, alors que 120 000 personnes sont licenciées chaque année pour inaptitude, la question centrale du maintien et de l’évolution dans l’emploi est occultée, dénonce l’instance.
Du côté des ressources des personnes handicapées, le CNCPH constate avec satisfaction que, en dépit de la tension qui pèse sur les finances publiques, la revalorisation de 25 % de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) programmée depuis 2008 se poursuit. Pour autant, le tableau dressé par le gouvernement lui semble incomplet : rien n’est dit, par exemple, sur les ressources tant des personnes hébergées et accompagnées en établissements médico-sociaux que des aidants ou des titulaires d’une pension d’invalidité.
« Quatre ans après sa mise en œuvre, la prestation de compensation du handicap [PCH] a considérablement amélioré la couverture des besoins de compensation », se réjouit de son côté le gouvernement, qui rappelle que, parallèlement, il a décidé d’abonder de 11 millions d’euros sur trois ans les fonds départementaux de compensation chargés d’aider les intéressés à faire face aux frais restant à leur charge. Des éléments accueillis favorablement pas le CNCPH, qui regrette néanmoins au passage que « la compensation soit traitée, au risque de se trouver diluée, dans la partie du rapport consacrée à l’emploi et aux ressources ». L’instance souligne en outre le silence du rapport sur certaines insuffisances du dispositif de compensation telles que la question des restes à charge résultant des différences de tarifs et de plafonds des différentes composantes de la PCH ou celle du maintien des distinctions d’âge.
Absence de bilan chiffré et d’état des lieux général, défaut de plans stratégiques et de définition des moyens pour respecter l’échéance de 2015, implication variable des divers acteurs. Voici les principales critiques du CNCPH relative à la politique d’accessibilité. Si le rapport gouvernemental fait état des nombreuses avancées bien réelles en ce domaine, beaucoup reste encore à accomplir, juge l’instance qui s’inquiète du respect de la date butoir de 2015. Certes, certains acteurs – ministères de la Culture et des Sports en tête – font preuve d’un réel dynamisme, mais tous ne « progressent pas au même rythme – faute de pilotage, de coordination et de moyens suffisants, notamment financiers », constate le conseil. Il regrette également que le rapport ne mette pas en perspective les bénéfices de l’accessibilité pour une population plus large en tant qu’outil de prévention de la perte d’autonomie. L’instance s’impatiente également de l’absence de publication des règles d’accessibilité des lieux de travail neufs. Un texte qui serait « en cours de publication, de consultation ou d’examen », selon le gouvernement. Enfin, le CNCPH réitère sa demande de création d’une agence nationale à l’accessibilité universelle.
Avec une moyenne de plus de 10 000 enfants handicapés supplémentaires scolarisés chaque année – soit une progression de près de 60 % depuis 2004-2005 – et près de 62 000 jeunes accompagnés par un auxiliaire de vie scolaire individuel en 2010-2011 (contre près de 19 000 cinq ans plus tôt), le bilan dressé par le gouvernement en matière de scolarisation est positif. Le CNCPH s’en félicite d’ailleurs, de même qu’il note avec satisfaction la place accordée dans le rapport à l’enseignement supérieur, emblématique d’une mobilisation nouvelle en ce domaine. Pour autant, il déplore « l’insuffisance de formations initiale et continue des enseignants [et] de l’ensemble des personnels en ce qui concerne l’accueil, l’accompagnement et l’adaptation pédagogique » de ces jeunes.
Certaines données font en outre défaut, selon l’instance : qu’advient-il des enfants sans solutions éducatives ? Et comment se répartissent les scolarisations à temps partiel ou complet ? Des interrogations qui révèlent le « caractère très imparfait du dispositif de remontées statistiques », estime-t-elle. Surtout, le conseil s’inquiète du fait que le décret sur la coopération entre le secteur médico-social et l’Education nationale ne soit pas appliqué, une application qu’il appelle de ses vœux au plus tard pour la fin 2013. Un point auquel le gouvernement affirme également donner la « priorité » et qui devrait se traduire par une « implication plus forte des agences régionales de santé et des rectorats », explique-t-il dans son rapport.
Cette semaine, nos lecteurs reçoivent, dans le cadre de leur abonnement, un numéro juridique ayant pour thème « Les soins psychiatriques sans consentement » (1).
En vigueur depuis le 1er août 2011, la loi du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, a profondément modifié le régime applicable depuis 1990. Sur le plan terminologique tout d’abord, le législateur a substitué à la notion d’« hospitalisation » celle plus large de « soins ». Sur le fond ensuite, les principales innovations consistent, notamment, en l’instauration d’une période initiale d’observation et de soins de 72 heures avant toute décision sur la forme de la prise en charge, la création d’une nouvelle modalité d’admission en soins psychiatriques sans consentement en l’absence de tiers en faisant la demande, dès lors qu’existe un « péril imminent pour la santé de la personne » ou encore la mise en place des formes de prise en charge diversifiées dans le cadre d’un programme de soins et un contrôle judiciaire systématique après 15 jours d’hospitalisation complète. Très contestée dès son élaboration tant par les soignants que par les représentants du monde judiciaire ou des usagers, la réforme de 2011 continue de faire polémique six mois après son entrée en vigueur. Et le feuilleton judiciaire n’est pas clos, le Conseil constitutionnel devant se prononcer en avril prochain sur la constitutionnalité de plusieurs articles dont celui sur les programmes de soins.
C’est à une analyse à la fois juridique et pratique du nouveau régime et de ses enjeux que se livrent les auteurs de ce numéro juridique – un psychiatre et un juge des libertés et de la détention. Après avoir présenté les principales caractéristiques de la maladie mentale, ils exposent les différentes modalités d’admission et de prise en charge en soins psychiatriques ainsi que le contrôle du juge des libertés et de la détention sur la procédure.
(2) Disponible sur
(3) L’avis du CNCPH est publié à la fin du rapport du gouvernement.
(1) Il est possible de se procurer des exemplaires supplémentaires au prix de 15,50 € (+ 5 € de frais d’envoi) auprès du service VPC : case postale 701 – 1, rue Eugène-et-Armand-Peugeot – 92856 Rueil-Malmaison cedex – Tél. 01 76 73 30 82 ou directement via le site des ASH (