Mauvaise passe

Bilel, dit « Békame » pour ses talents de footballeur, est un jeune Berbère très débrouillard. Il arrive clandestinement en France, seul, pour tenter de retrouver son frère Ahmed, qui y réside depuis deux ans. D’après lui, celui-ci l’attend pour partir en Angleterre. A Sangatte, Békame échappe aux passeurs, erre dans les rues, fait de bonnes et de mauvaises rencontres. Un entraîneur de football, lui-même issu d’une famille d’immigrés, le prendra sous son aile et l’aidera dans la quête d’Ahmed. Mais les retrouvailles ne sont pas à la hauteur de ses espérances… Dans cette bande dessinée, il est surtout question de trafic d’humains et des conditions effroyables de ces personnes qui quittent la misère de leur pays pour en trouver une nouvelle forme en Occident. Les auteurs se sont documentés pour coller le plus possible à la réalité. Rien n’est édulcoré : le dessinateur Jeff Pourquié a su donner une impression pesante à l’album en utilisant des couleurs grisonnantes ; le scénario, écrit par Aurélien Ducoudray, est tiré de sa propre expérience. Ancien photographe de presse, il a réalisé, au début des années 2000, de nombreux reportages sur les réfugiés politiques et les sans-papiers. « Nombre d’entre eux, témoigne-t-il, m’ont parlé de leur passé, des méthodes de traversée, de la galère en arrivant en France pour manger, dormir, faire les demandes nécessaires, tous les petits trucs de débrouille pour s’en sortir… Békame est né de l’envie de faire vivre tous ces témoignages, invisibles dans mes photos. » Cet opus est la première partie d’un diptyque (à paraître d’ici un an). Ici, on s’attache au jeune clandestin, touchant par sa passion pour les vignettes Panini, par son maillot de foot au nom de David Beckham auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux, par sa curiosité pour la société française. On s’inquiète pour lui. Mais alors que le garçon retrouve son frère, le risque est qu’il change de camp, passant de victime à mafieux. Alors, est-ce qu’on aimera toujours Békame ?