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LA TRANSPARENCE DU « NI-NI ». Contrairement à d’autres, il n’est pas arrivé en France sur un rafiot, à la merci des passeurs, mais avec un visa de tourisme en bonne et due forme. Mohamed Kemigue avait alors 25 ans, la conviction qu’une « bonne étoile » guiderait son séjour et, dans la tête, les images de ces parents, proches ou lointains, devenus « des Messieurs », rentrant en Côte d’Ivoire avec « de beaux habits, de beaux enfants et des cadeaux plein les bras ». « Je n’imaginais pas alors que je deviendrais un jour transparent, écrit-il, ni même qu’on puisse jamais le devenir. » Bercé de rêves et d’illusions, plongé dans un monde inconnu, Mohamed Kemigue découvre pourtant très vite le lot quotidien des sans-papiers, à la merci des marchands de sommeil, des exploiteurs qui disparaissent sans verser de salaire ou des compatriotes qui profitent de la crédulité du nouveau venu. Et le glissement insidieux dans cette transparence qui fait de lui un sous-homme, un humain que personne ne voit – sauf les policiers soucieux d’atteindre les quotas d’expulsions. « Non, je ne suis pas un sans-papiers, enrage-t-il.Je suis, certes, sans titre de séjour ni visa valides, mais j’ai des papiers. J’ai un passeport, j’ai une nationalité, je ne viens pas de nulle part, je n’appartiens pas à nulle part. J’ai des racines, j’ai des ancêtres, j’ai une famille. J’ai un nom. » Un nom qu’il n’a pas osé transmettre à sa première fille, demandant à un ami en situation régulière de la reconnaître pour lui procurer un passeport français. « Ce jour-là, j’ai su, en le ressentant dans toutes les fibres de mon corps, ce que signifie être inondé par le chagrin », témoigne-t-il. Près de quinze ans après son premier pas sur le sol français, Mohamed Kemigue, père de deux enfants nés ici, se trouve désormais dans la catégorie des « ni-ni » : ni régularisable faute de preuves suffisantes de son séjour, ni expulsable compte tenu de ses attaches familiales. Une situation paradoxale qui ne le rend que plus combatif, poursuivant ses démarches de régularisation. « Mes enfants vivront dans ce pays qui ne veut pas de moi – mais qui ne semble pas vraiment vouloir se débarrasser de moi », résume-t-il.

Moi, Mohamed, esclave moderne – Mohamed Kemigue, avec Djénane Kareh Tager – Ed. Plon – 18 €

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