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Protection de l’enfance : l’heure du bilan… et des revendications

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Au moment de l’anniversaire de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, les associations demandent aux candidats à la présidentielle de concevoir une politique nationale ambitieuse pour l’enfance et la jeunesse.

La loi du 5 mars 2007 a-t-elle amélioré la prise en charge des enfants confiés à la protection de l’enfance ? C’était le thème d’un « séminaire anniversaire » de la réforme organisé le 5 mars par le ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale. Grande absente de cet échange, alors que les conseils généraux sont désormais chefs de file du dispositif : l’Assemblée des départements de France (ADF), qui a décliné l’invitation. Un « couac » qui en dit long sur les tensions politiques en jeu. « Je ne puis que m’étonner du fait que le programme ait été bouclé et décidé sans aucune concertation avec l’ADF au préalable », a expliqué Claudy Lebreton, président de l’ADF, dans un courrier adressé à la ministre le 15 février. « Par ailleurs, je constate que ce séminaire est bâti autour d’un évitement systématique des “points noirs” de la réforme qui relèvent pourtant de la responsabilité de l’Etat », tels les moyens et les missions du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, la prise en charge des mineurs isolés étrangers ou l’absence de décret relatif à la définition de l’information préoccupante (1).

Améliorer les coopérations

Si le ministère a eu à cœur de présenter un bilan positif de la réforme, « l’enjeu est surtout de débattre sur la façon de continuer à progresser et d’améliorer les coopérations », souligne Patrick Martin, président de la commission « Enfance, jeunesse, famille » de l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux). Aussi regrette-t-il que les débats aient manqué « d’accroche politique, socio-économique, juridique et financière ». La concertation des acteurs – Etat, conseils généraux, juridictions, associations – reste notamment à renforcer. Le contexte n’est pas non plus favorable aux marges de manœuvre promues par la réforme : « Tandis qu’elle nous tire vers le haut, la loi “hôpital, patients, santé et territoires” et la révision générale des politiques publiques nous tirent vers le bas », relève Patrick Martin.

Certes, le stade de l’appropriation est dépassé et les pratiques s’adaptent pro­gressivement à l’esprit de la loi. « Le centre de gravité bouge vers plus d’amont et la recherche de nouvelles réponses », convient Fabienne Quiriau, directrice générale de la CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant), qui pilote le groupe d’appui à la réforme. Mais les dispositions sur la prévention – la diversification des modes d’accueil ou l’accompagnement des familles, le projet pour l’enfant ou encore les observatoires départementaux – restent trop inégalement appliquées dans les territoires. Il y a « toujours un problème de réactivité en termes de places et d’assouplissement des réponses, qui sont encore très judiciarisées, précise-t-elle. On est passé d’un taux de 85 % de judiciarisation à 75-80 %. Cela a à peine bougé, c’est une vraie question. » Quant aux procédures relatives à l’information préoccupante, « il reste un écart entre ce qui relève de l’organisation, qui a permis de clarifier qui fait quoi, et les effets concrets sur les situations ». Autre point faible : « l’évaluation pluridisciplinaire, qui rejoint le sujet de la formation commune ».

Au final, les premiers bilans « révèlent un résultat très en deçà des attentes », résume la CNAPE dans sa plateforme de revendications pour l’élection présidentielle. Elle y demande une « pleine application de la loi », ce qui passe par une forte implication de l’Etat. Dans le prolongement de la réforme, qui tend à placer les besoins des enfants et de leurs familles au cœur des dispositifs, elle propose l’élaboration « de toute urgence d’une politique nationale, cohérente et ambitieuse » en direction de l’enfance et la jeunesse et la rédaction d’un code unique rassemblant l’ensemble des dispositions sociales, médico-sociales, éducatives, culturelles, sanitaires, judiciaires (un moratoire législatif serait décidé en matière pénale) les concernant. Cette politique serait portée par « un grand ministère d’Etat compétent pour toutes les questions relatives à l’enfance et à la jeunesse ».

Cette dernière revendication est également mise en avant dans le « manifeste » d’Unicef France, qui tente d’en faire un thème de campagne, à l’appui d’un sondage que l’association a fait réaliser par TNS-Sofres (2). Selon ce dernier, 79 % des adultes interrogés estiment cette proposition « utile, voire prioritaire face à l’urgence de la situation des enfants et adolescents, jugée préoccupante par 89 % des Français ».

Une prévention « prévenante »

De son côté, DEI (Défense des enfants International)-France, qui défend depuis 2008 l’idée d’une « loi d’orientation pour promouvoir le bien-être des enfants » et faire progresser leurs droits, invite les candidats à élaborer « une grande utopie humaniste » en faveur de l’enfance. Le collectif « Pas de zéro de conduite » interpelle pour sa part les candidats sur les conditions d’une prévention « prévenante », « hors de toute dérive sécuritaire et ­prédictive ». La Fédération nationale de la médiation et des espaces familiaux enfonce le clou en les alertant, dans un courrier du 1er mars, sur les risques financiers qui pèsent sur les associations et sur les « dérives des dispositifs de prévention vers des objectifs de contrôle et de sanction ».

Notes

(1) Cette définition devrait être intégrée dans l’actualisation du guide sur la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation.

(2) Réalisé auprès d’un échantillon de 1 000 adultes et de 1 000 adolescents.

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