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Dix ans après, la suspension de peine toujours mal appliquée

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La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité de système de santé a instauré une procédure de suspension de peine pour raison médicale, dans le cas d’un pronostic vital engagé ou d’un état de santé durablement incompatible avec la détention. Or les obstacles à l’application du texte, censé permettre aux détenus atteints de pathologies graves d’être soignés et de mourir dans la dignité, se sont accumulés en dix ans, dénonce l’Observatoire international des prisons (OIP) dans une tribune également signée par Bernard Kouchner, ancien ministre de la Santé. « Entre 600 et 700 personnes ont bénéficié d’une suspension de peine médicale depuis 2002, tandis que plus de 1 200 autres décédaient encore de mort naturelle en détention. »

Alors que, selon l’administration pénitentiaire, 108 décisions ont été prononcées en 2010, dont 90 accords et 18 rejets, solliciter cette mesure « relève du parcours du combattant », explique l’OIP. A tel point que « de nombreuses personnes détenues décèdent avant que le juge ne se soit prononcé sur leur demande ». Dans un arrêt condamnant la France le 21 décembre 2010 pour ne pas avoir permis à une détenue malade et anorexique d’être soignée dans une structure adaptée, la Cour européenne des droits de l’Homme a d’ailleurs relevé que la demande de suspension de peine n’avait obtenu une réponse définitive qu’au bout d’un an et demi.

L’OIP rappelle que deux expertises médicales aux conclusions concordantes sont demandées par les services d’application des peines pour prononcer la mesure. Une condition qui bute sur le manque de disponibilité des experts et leur connaissance insuffisante du milieu carcéral. Si la loi pénitentiaire de 2009 a allégé la procédure en cas de pronostic vital engagé en permettant aux magistrats de se prononcer sur la base d’un certificat médical, ces derniers « demeurent globalement réticents » à se passer des deux expertises, pointe l’association. Sans compter que les conditions d’octroi ont évolué depuis le vote de la loi, un arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2005 exigeant par exemple que le pronostic vital soit engagé « à court terme ».

Autre réalité : « pour les personnes détenues atteintes de cancers, d’insuffisance respiratoire, porteuses du VIH ou dont l’état de santé nécessite plusieurs séances de dialyse par semaine, les experts concluent fréquemment à la compatibilité de l’état de santé avec une hospitalisation en unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) ». Un « dérivatif » à la suspen­sion de peine ? Après que le contrôleur général des lieux de privation de liberté a, dans un rapport de 2009 sur l’UHSI ? de Marseille, relevé que le service avait connu 21 décès en deux ans, le ministère lui répondait pourtant que « la création de lits de soins palliatifs dédiés aux personnes détenues n’a jamais été prévue » en UHSI et que les détenus en fin de vie doivent « bénéficier d’une prise en charge médicale dans le cadre d’une suspension de peine ». Souvent, c’est aussi l’impossibilité de trouver un hébergement adapté pour la personne, isolée et dépendante, qui obère la procédure.

De leur côté, les associations du « groupe prisons » du collectif TRT-5 (1) déplorent les difficultés d’application de la loi pour les personnes atteintes par le VIH. Ce malgré le rapport de 2010 du groupe d’experts chargé par le ministère de la Santé d’élaborer des recommandations en matière de prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH (2). Selon ce dernier « l’état de santé d’une personne séropositive incarcérée peut être considéré comme durablement incompatible avec la détention ». Une conclusion justifiée par « les difficultés de prise en charge somatique et psychique, celle-ci ne pouvant être équivalente au milieu libre ». Le groupe interassociatif souhaite que les autorités judiciaires et sanitaires analysent les obstacles à l’application de la mesure – dont « le manque de définition claire des conditions d’octroi » – afin d’y remédier. Il souhaite, par ailleurs, que soit engagé « un travail avec le milieu associatif et les coordinations régionales de lutte contre le VIH pour proposer une nouvelle politique publique en matière de promotion de la santé, de coordination et de continuité des soins et de réduction des risques dans les lieux privatifs de liberté ».

Notes

(1) Groupe interassociatif Traitements et recherche thérapeutique 5, collectif de neuf associations de lutte contre le VIH/sida impliquées sur les questions thérapeutiques et de recherche.

(2) Disponible sur www.sante.gouv.fr.

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