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Participation des personnes précaires : un processus à relancer

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La France fait figure de mauvais élève pour la participation des personnes en situation de pauvreté ou d’exclusion à la définition des politiques publiques. Frilosité des élus, manque de mobilisation des travailleurs sociaux, sentiment d’inutilité de la part des habitants ou des usagers, les freins sont nombreux. Pour autant, l’échec des politiques de lutte contre la pauvreté pourrait relancer la machine.

« Si nous ne revivifions pas notre démocratie en y ajoutant ceux qui n’y ont pas part, alors les difficultés devant lesquelles nous sommes vont aller en s’aggravant et il est clair qu’une crise ne pourra qu’advenir », prévient Hamou Bouakkaz, adjoint au maire de Paris chargé de la démocratie locale et de la vie associative (1). Cette alerte résume le bilan assez désabusé que dressent les acteurs engagés dans la participation des personnes en situation de pauvreté ou d’exclusion à l’élaboration des politiques publiques.

Depuis le traité de Lisbonne, en 2000, qui assigne aux politiques d’inclusion sociale des Etats de l’Union européenne l’objectif d’associer l’ensemble des publics concernés, la France continue d’apparaître comme le mauvais élève. Les appels à la participation des usagers des services ou des habitants des quartiers défavorisés, repris depuis 2000 dans certaines lois, n’ont que très marginalement fait évoluer la situation. Pour la branche française de l’Association internationale pour la participation publique (AIP2-France) (2), « les processus de participation du public montrent tous, à quelques exceptions notables près, le même défaut : les participants sont toujours les mêmes ». Le problème touche d’abord à l’identité sociale des exclus, ceux-là même que la participation est censée concerner. Rares en effet sont les personnes qui acceptent de s’identifier à une catégorie aussi stigmatisante. Résultat : des dispositifs souvent accusés de manquer de légitimité à force de ne concerner qu’une minorité et de se couper de la richesse de nombreux points de vue. « Si nous n’y prenons pas garde, le risque avec la multiplication des scènes de dialogue, qu’il s’agisse de débats publics ou de processus de concertation, serait de déboucher sur un paradoxe mortel : plus il y aurait de participation, moins les “exclus” seraient présents dans la définition des politiques ou des services publics », souligne Gilles-Laurent Rayssac, président d’AIP2-France.

A cela s’ajoute une réalité politique têtue. « La France s’est construite comme une institution aux décisions descendantes et à l’administration cloisonnée. A partir du moment où on questionne les destinataires des politiques publiques, nous sommes déstabilisés », explique Patrick Norynberg, directeur général adjoint des services de la ville du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis). Dans cette municipalité, qui a fait de la concertation un outil de gestion locale, une vingtaine d’espaces de rencontre permettent aux résidents des quartiers défavorisés et aux élus de croiser les regards sur des sujets du quotidien. « L’action publique ne peut plus se limiter à offrir des services, mais doit désormais co-produire les projets dont les habitants sont les auteurs », affirme Patrick Norynberg.

Les efforts déployés dans cette municipalité en disent long sur la difficulté de l’exercice. « Il s’agit d’aller au-devant des gens, dans les cages d’escalier, devant les écoles, les centres commerciaux, voire en faisant du porte-à-porte, pour les faire venir dans les ateliers. » La méthode, initiée lors de la préparation des contrats de ville 2000-2006, a fait ses preuves. Certains ateliers préparatoires ont réuni jusqu’à une centaine d’habitants en présence de travailleurs sociaux, d’animateurs et de spécialistes de l’urbanisme et du logement. « Dans le cadre de l’ouverture d’une maison pour tous, six ans de concertation ont été nécessaires. Durant ces six années, nous avons soutenu les habitants qui portaient les actions pour qu’ils aillent expliquer le projet dans leur quartier en sollicitant des avis. Ces points sont essentiels pour aller au-delà de la méfiance envers les institutions », assure Patrick Norynberg.

Un « avis citoyen »

A Nantes, une des rares municipalités françaises dotées d’une charte de la participation, le choix a été fait de partir d’un atelier citoyen, mis en place en mai 2010, puis de remonter à travers les différentes strates décisionnelles de la ville. Un petit groupe composé de dix bénéficiaires du RSA (revenu de solidarité active) et de dix professionnels d’associations s’est réuni pendant cinq journées pour travailler sur le thème de la participation des personnes précaires au débat public. Leurs préconisations ont ensuite été discutées lors d’une journée publique ayant réuni 200 habitants. De cette première phase est sorti un « avis citoyen », qui a été remis aux élus nantais, comportant 25 propositions relatives notamment à la communication ville-usagers, aux mesures permettant de valoriser la participation ou encore au changement des relations entre usagers des services et professionnels sociaux. Là encore, le principal obstacle a été la « défiance généralisée » des participants vis-à-vis de l’ensemble des institutions, explique Pascal Bolo, adjoint au maire de Nantes chargé des finances, de l’évaluation des politiques publiques et du dialogue citoyen. « C’est seulement une fois la confiance instaurée que le travail de coproduction a pu débuter, même si quelques participants ont continué à suspecter une action de communication de la municipalité », témoigne-t-il. La seconde étape consistera donc, selon lui, à « prouver au citoyen qu’on le prend en compte ». A cette fin, huit directions sont impliquées pour répondre aux préconisations du groupe de travail.

Reste que la route d’une véritable ouverture des services à l’expertise des usagers précaires est encore longue. « La question va au-delà de la formation des agents : tout travailleur social, individuellement, est prêt à faire ce qu’il faut, assure Michel Lorant, directeur de l’action sociale et de l’insertion au CCAS de Nantes. Ce sont les missions que les institutions donnent aux travailleurs sociaux qu’il s’agit d’interroger. Et tant que les logiques quantitatives primeront, comment ces professionnels pourront-ils dégager du temps pour aller discuter des projets de la ville ou pour participer aux conseils de quartier ? »

Dans un rapport sur la participation rendu en octobre 2011 (3), le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) pointait un autre obstacle. Selon lui, la tentative de solliciter l’avis des personnes en situation d’exclusion représenterait « une forme de contradiction avec cette attention quasi exclusive pour l’accompagnement individualisé » qui fonde le travail social. « Nous sommes certainement dans un moment charnière de l’histoire du travail social, où l’on passe de la perception de l’accompagnement individuel comme moyen ­privilégié de la réinsertion sociale à l’intégration d’une nouvelle approche, complémentaire, qui vise à favoriser la production par des collectifs d’usagers de projets et de propositions. Le travail social est en train de se reconnecter avec la mission de promotion collective qui était une de ses caractéristiques, progressivement oubliée », assure le CNLE.

Les collectifs qui se structurent aujourd’hui dans les quartiers illustrent le vide ressenti par les habitants. Ainsi le réseau K’ose toujours, qui regroupe une quinzaine d’associations et de collectifs en Rhône-Alpes, s’est fait une spécialité de « porter la parole des sans-voix jusqu’aux sans-oreilles ». « Il s’agit de faire reconnaître par la classe politique et les classes dominantes l’utilité sociale des plus marginalisés et des plus pauvres et d’installer les conditions d’une réelle relation permettant la co-construction et la codécision, déclare Sylvie Chevalier, coordinatrice de K’ose toujours. Pour cela, le réseau s’efforce de former les habitants à la prise de parole et multiplie les interpellations et les débats contradictoires sur la construction des politiques publiques. Les projets partent des préoccupations des personnes, sont mûris entre pairs avec l’aide d’un médiateur, puis sont co-construits avec les élus locaux dans des groupes mixtes. Fruit de cette méthode, une université populaire sur le décrochage scolaire dans les quartiers a été organisée à Lyon, en 2008, qui a permis aux parents de croiser leurs réflexions sur la parentalité avec des professionnels et des élus. Depuis 2009, K’ose toujours s’est également engagé dans une réflexion sur la reconnaissance du travail des « habitants-experts », à travers notamment la mise en place d’une rémunération. Le chantier nécessite néanmoins beaucoup d’explications, reconnaît Sylvie Chevalier. « Le problème est celui du statut et de la légitimité des personnes. La seule action légitime qu’on reconnaît à un bénéficiaire du RSA est la recherche de travail. En revanche, son implication et sa formation dans un collectif comme K’Ose toujours, elle, n’est jamais prise en compte. »

Brasser les savoirs

Autant de freins qu’étudie la mission régionale d’information sur l’exclusion (MRIE), à Lyon. Depuis sa création, en 1992, cette institution est devenue l’avant-poste de l’observation des dispositifs de participation. La mission recense et accompagne des expérimentations, intervient en soutien aux collectifs régionaux, et anime des groupes de professionnels et d’élus. Objectif : confronter les points de vue des uns et des autres et créer les conditions d’un brassage des savoirs utiles à l’élaboration des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. « Dans les postures habituelles, les professionnels et les élus sont face aux personnes en situation de précarité. Or l’expérience montre que c’est dans des groupes mixtes, réunissant élus, professionnels et usagers qui vivent la pauvreté ou l’exclusion, que l’on passe du face-à-face au côte à côte », explique Annaïg Abjean, chargée de mission à la MRIE.

Toute la difficulté tient au fait que ce changement de posture implique un déplacement des rôles. Du côté de l’usager, « il ne s’agit plus seulement de chercher des réponses à ses problèmes particuliers, mais d’être en capacité d’interroger, au côté des professionnels et des élus, ce qui fait le bien commun », observe la chargée de mission. Idem pour le professionnel ou l’élu, à qui on ne demande plus seulement d’être à l’écoute des besoins des personnes dans une logique d’accompagnement, « mais de se démarquer de son institution pour être en capacité d’interroger l’action publique dans son ensemble ». Il n’empêche que si les professionnels, souvent en recherche d’espaces de réflexion, parviennent à ­s’engager dans de tels groupes, la situation est très différente avec les élus, constate Annaïg Abjean. « Le pas de côté est plus difficile pour eux, car ils sont élus d’une démocratie représentative et en tirent leur légitimité. Et que devient la légitimité de l’élu s’il n’est plus dans un cadre de représentation ? Aujourd’hui encore, ces questions freinent la mobilisation. »

D’où la volonté d’avancer d’un nombre grandissant d’acteurs. Profession Banlieue, un centre de ressources destiné aux professionnels de la ville dans la Seine-Saint-Denis, pointe « l’importance d’expérimenter ou de développer de nouvelles formes de participation pour lutter contre l’isolement ou le décrochage de certains territoires ». L’association a entrepris de passer en revue les solutions alternatives d’implication des habitants, notamment en matière de développement communautaire et d’empowerment, afin de faire remonter, fin 2012, des propositions aux élus et aux professionnels. Une question centrale sera posée : les élus et autres représentants de l’institution sont-ils les plus légitimes pour animer le processus participatif ? Pas forcément selon Bénédicte Madelin, directrice de Profession Banlieue : « Toute l’histoire de la politique de la ville montre qu’une forme d’institutionnalisation de la participation a abouti à tuer les initiatives. Il s’agit de redonner confiance aux habitants dans la prise en compte de leur parole. »

Trois associations nationales, la Fondation Armée du Salut, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) et l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss) ont, de leur côté, entrepris d’accompagner le développement de la participation dans les structures d’hébergement, en créant, en mars 2010, un conseil consultatif des personnes accueillies (CCPA). Composée de deux tiers d’usagers des structures et d’un tiers d’intervenants sociaux, cette instance a reçu pour mission de nourrir la réflexion engagée par le gouvernement sur la refondation de la politique d’hébergement et d’accès au logement. « Chacune de ses recommandations incarne un consensus établi dans des groupes où travailleurs sociaux et usagers sont placés à égalité de parole », précise Geneviève Colinet, chargée de mission « participation et ­travail social » à la FNARS. Dix régions devraient cette année être dotées d’un conseil consultatif régional des personnes accueillies (CCRPA) (4). « L’objectif de cette déclinaison est de pouvoir travailler en partenariat avec les services régionaux et départementaux, non plus seulement sur la politique d’hébergement, mais sur l’ensemble des politiques publiques concernant la précarité ou l’exclusion », explique Geneviève Colinet. Les associations locales pourront présenter des personnes accompagnées dans chaque conseil consultatif régional afin de composer les groupes de travail. Aucune obligation de s’investir sur le long terme ne sera faite aux participants, les thèmes abordés dans les groupes de réflexion seront déterminés collégialement et les frais de transport, d’hébergement et de préparation seront pris en charge. De même, la question de la représentativité des personnes et des associations, posée invariablement aux dispositifs de participation, a été contournée. « Dans ces groupes, les participants ne sont représentatifs que de l’expertise acquise dans les collectifs dont ils peuvent faire partie. Et ce sont eux qui élisent leurs représentants, hors de toute appartenance associative ou de toute considération territoriale », indique Geneviève Colinet.

L’idée d’une représentation nationale des précaires et des exclus fait également son chemin. En mai prochain, le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale devrait expérimenter pendant une durée de un an un collège des représentants des personnes en situation de pauvreté et de ­précarité, qui viendra compléter les huit collèges techniques existants (5). Il sera composé de 8 membres titulaires et de leurs suppléants proposés par les associations, fédérations ou établissements publics retenus à la suite de l’appel à candidatures validé le 9 février dernier.

« C’est une vraie révolution dans nos pratiques et notre mode de fonctionnement. Personne n’est dupe des difficultés que cela va représenter », reconnaît Christiane el Hayek, secrétaire générale du CNLE. La principale inconnue réside dans la capacité des usagers à se prononcer sur des sujets très techniques revêtus d’une dimension nationale. « Il ne s’agit plus de parler de la vie quotidienne mais de la nation toute entière. C’est un changement d’échelle. Et il serait démagogique de penser que la présence d’un citoyen de base dans un débat national suffirait à elle seule pour pouvoir parler de participation. »

Si l’expérimentation, qui sera évaluée par un cabinet d’études, se révèle positive, les textes qui régissent le CNLE pourraient être modifiés afin de pérenniser ce collège. Pour Christiane el Hayek, la réussite de la greffe aurait un retentissement important sur le développement de la participation dans le champ social, « un secteur où l’administration conserve encore une mainmise archaïque et opaque ».

LE « COMMUNITY ORGANIZING »: UNE VOIE À SUIVRE ?

Face au faible pouvoir conféré aux habitants dans la plupart des dispositifs institutionnels de participation, on observe un intérêt grandissant pour un nouveau modèle d’action sociale et de participation politique : le community organizing. Venu des Etats-Unis, et après avoir conquis l’Angleterre et l’Europe du Nord, il est présenté comme un moyen innovant pour mobiliser des personnes qui d’ordinaire se tiennent en marge de l’espace public autour de problématiques telles que le logement, les salaires, l’emploi, la sécurité ou l’exclusion politique. La méthode consiste à imposer des intermédiaires, les community organizers, entre le groupe et les pouvoirs publics. Encadrés par ces médiateurs, les habitants façonnent alors leur propre agenda et demandent des comptes aux élus du territoire sur lequel ils s’organisent.

En France, cette forme de collectif suscite toutefois quelques appréhensions. Selon le sociologue Jacques Donzelot (6), enseignant à l’université Nanterre-Paris Ouest, d’importantes différences de contexte existent entre les Etats-Unis et la France. « Aux Etats-Unis, le community organizing nécessite de surmonter les différences dans des quartiers multiraciaux. L’acte premier d’un community organizing est en effet de monter un conseil d’administration rigoureusement représentatif du quartier dans un souci d’organiser la tolérance. En France, l’action de nombreuses organisations communautaires dans les quartiers vise au contraire au repli identitaire. »

Des collectifs créés sur cette base poseraient la question de la nature des intérêts politiques ou religieux qu’ils véhiculeraient.

Pour Jacques Donzelot, le community organizing tel qu’il se développe un peu partout en Europe n’est pas irréaliste en France, à ceci près qu’il nécessite que les communautés aient envie de se lancer à l’assaut des opportunités de la ville. « Cela suppose un mode d’organisation dans lequel les crédits seraient attribués à proportion des efforts produits par cette communauté pour promouvoir ses membres dans l’université ou les entreprises. »

Piste réaliste ou pas ? En tout cas, l’idée de reposer la question de la participation sous l’angle de la mobilisation citoyenne séduit. A l’image du collectif Pouvoir d’agir, émanation de 17 fédérations et associations, qui s’engage dans une promotion du community organizing à la française, en posant la question de son financement et du changement « des postures professionnelles et militantes » (7).

Des recommandations pour une « révolution culturelle »

En moins de cinq ans, les recommandations de bonnes pratiques participatives se sont multipliées. Un phénomène admis par tous qui tend à montrer que les esprits sont mûrs.

En l’espace de quelques années, les chartes de bonnes pratiques participatives se sont multipliées au sein des réseaux associatifs (voir encadré ci-dessous). Toutes procèdent du même constat : les dispositifs à destination des précaires et des exclus ne valent qu’avec l’expertise des intéressés. Pionnier en la matière, ATD quart monde estime que « faute d’une reconnaissance réelle de l’expertise des personnes en situation de pauvreté, les savoirs nécessaires à l’édification des politiques publiques restent ? incomplets et à terme inefficaces, voire même générateurs d’effets contraires à ceux qui sont en principes recherchés ». Sa « Charte du croisement des savoirs et des pratiques des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale », lancée en 2006, affirme que, « en aucun cas d’autres acteurs ne peuvent se substituer aux personnes, parler en leur nom, à leur place, en s’appuyant sur la connaissance ou la proximité qu’ils pourraient avoir du monde de la misère ».

Refus de la concertation alibi

Au delà des techniques et des recettes participatives, c’est aussi le refus de la concertation alibi qui est cherché. Le réseau européen de lutte contre la pauvreté EAPN (European Anti Poverty Network), observe que « quel que soit le niveau d’engagement, que la participation soit directe ou indirecte, qu’il y ait une méthodologie bien définie ou que l’expérience soit unique, peu importe, les personnes en situation de pauvreté reviennent toujours à la même question : quel est l’impact de ma participation ? » S’il y a un but assigné à la participation, c’est d’en faire « un instrument de renforcement des capacités d’action des personnes », estime par conséquent EAPN. Une tâche lourde, située aux antipodes de la simple consultation, et qui nécessite, « de la persévérance, des ressources et beaucoup de travail. Outre qu’une bonne infrastructure s’impose pour faciliter la participation, il convient également de ne pas négliger son impact psychologique et sociologique sur les personnes concernées. »

Pour arriver à ce résultat, les conditions politiques appropriées doivent être réunies, souligne le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) (1). Son rapport remis en octobre 2011 à Roselyne Bachelot, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, évoque « une impulsion forte et constante » pour mener à son terme cette « révolution culturelle ». Selon le CNLE, il s’agit pour les pouvoirs publics de passer « d’une logique d’aide et d’accompagnement à vocation verticale à une logique démocratique à vocation horizontale ». Ce renversement n’est possible qu’en co-construisant les politiques publiques à partir des allers et retours nés de la « confrontation des points de vue entre des expertises différentes ». Avant cela, un accompagnement et un soutien des pouvoirs publics est nécessaire. « Il faut des moyens pour mobiliser les personnes et les inciter à participer et des moyens pour évaluer les résultats de la participation », estime le CNLE. Et de prévenir sur la finalité d’une concertation entre pouvoirs publics et personnes en situation de pauvreté : le changement. « Les résultats doivent être valorisés. Il faut viser un produit final concret, créé collectivement et suivi d’effets. Il faut pouvoir mesurer l’impact de la participation, et montrer les réussites et les résultats concrets, même s’ils sont modestes », insiste le groupe de travail du CNLE.

Viser les publics les moins insérés

De son côté, la branche française de l’Association internationale pour la participation publique (AIP2-France) invite les élus à s’appuyer davantage sur leurs relais locaux, notamment associatifs, dans la mobilisation des personnes en situation de pauvreté ou d’exclusion. « Les processus de participation sont trop souvent organisés de façon descendante par les autorités publiques », fait-elle remarquer. Afin que les personnes les plus disponibles ne soient pas les seules concernées, AIP2-France recommande aux collectivités publiques d’inviter et d’aider les associations et les centres sociaux à préparer les publics les moins insérés aux processus de concertation qu’ils comptent organiser. « Ces acteurs peuvent ainsi aider à l’information, à la mobilisation et à la formation des participants en prenant en compte, dans des groupes hétérogènes, les différents niveaux d’information des personnes. »

Enfin, l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) encourage les associations à inscrire la participation comme « une volonté politique farouche » : « Alors que beaucoup n’ont plus confiance dans le système, il s’agit de faire confiance en la capacité de chacun à être acteur. » Pour l’Uniopss, relever ce défi suppose un engagement des institutions : « La participation n’est jamais spontanément organisée et se heurte souvent à de lourdes forces d’inertie. Au-delà, c’est aussi un état d’esprit, un ensemble de réflexes à mettre en œuvre en toute occasion, une manière de penser systématiquement avec toutes les personnes concernées. »

LES PRINCIPALES CHARTES

 « Charte du croisement des savoirs et des pratiques avec des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale » – ATD quart monde, 2006 – Disponible sur www.atd-quartmonde.org.

 « Petits pas, grands changements : Construire la participation des personnes en situation de pauvreté » – EAPN, janvier 2009 –Disponible sur www.cnle.gouv.fr.

 « La participation : une chance à saisir. Lançons-nous ! » – Les Cahiers de l’Uniopss, mai 2010.

 « La participation de tous : Pourquoi ? Comment ? » – AIP2-France, septembre 2011 –Disponible sur http://aip2france.wordpress.com.

 « Recommandations pour améliorer la participation des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques » – Rapport du groupe de travail du CNLE, octobre 2011 – Disponible sur www.cnle.gouv.fr (voir ASH n° 2730 du 28-10-11, page 7).

Notes

(1) Lors d’un séminaire organisé par AIP2-France, « La participation des exclus : Pourquoi ? Comment ? », à Paris, le 11 octobre 2010.

(2) Constituée en 2009, AIP2-France est une branche de l’International Association for Public Participation, présente dans 19 pays. L’association vise à « promouvoir la participation publique auprès de particuliers, de gouvernements, d’institutions et d’autres entités dont les activités touchent l’intérêt public ». AIP2-France : 206, rue La Fayette – 75010 Paris – Tél . 01 55 26 97 40 – http://aip2france.wordpress.com.

(3) « Recommandations pour améliorer la participation des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques » – Voir ASH n° 2730 du 28-10-11, p. 7.

(4) Bourgogne, Bretagne, Champagne-Ardenne, Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, PACA, Pays-de-la-Loire, Picardie, Rhône-Alpes.

(5) Voir ASH n° 2749 du 2-03-12, p. 11.

(6) Auteur de Faire société : La politique de la ville aux Etats-Unis et en France – Ed. du Seuil, 2003.

(7) Ses prochaines journées d’information seront organisées en partenariat avec l’Université de Lyon à Vaulx-en-Velin, les 14, 15 et 16 mars prochains : « Lecommunity organizing: développer le pouvoir des citoyens ? ».

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