Examinée en urgence, la loi de programmation relative à l’exécution des peines pour la période 2013-2017 a été définitivement adoptée par les députés le 29 février. Ce, après un parcours législatif chaotique (1). Au final, le texte comporte peu de dispositions, l’essentiel des intentions du gouvernement figurant dans une annexe. Tour d’horizon des mesures phares de la loi – dont la philosophie a été fortement critiquée (2) –, qui entreront en vigueur sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel, saisi par les députés de l’opposition.
A la suite du viol et du meurtre d’une jeune fille au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) par un adolescent placé sous contrôle judiciaire pour avoir déjà commis un viol sur une mineure un an auparavant, les parlementaires ont décidé de renforcer le suivi des délinquants sexuels mineurs dans le but de prévenir la récidive. Lorsqu’un mineur sera mis en examen ou placé sous contrôle judiciaire pour avoir commis un crime ou une infraction de nature sexuelle prévue à l’article 706-47 du code de procédure pénale et qu’il sera scolarisé ou aura vocation à poursuivre sa scolarité dans un établissement scolaire public ou privé, le juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention ou le juge de l’application des peines (JAP) transmettront la copie de leur décision à l’autorité académique et, le cas échéant, au chef de l’établissement scolaire. Cette information pourra aussi être donnée aux personnels chargés de la sécurité et de l’ordre dans l’établissement et, le cas échéant, dans les structures hébergeant les élèves ainsi qu’aux professionnels, soumis au secret professionnel, qui sont responsables du suivi social et sanitaire des élèves (3). Dans tous les cas, précise la loi, il appartiendra à l’autorité académique de désigner un établissement scolaire public dans lequel le mineur sera accueilli, sauf si ce dernier est placé dans un établissement privé ou instruit en famille ou par le recours au service public de l’enseignement à distance.
Au-delà, 20 centres éducatifs fermés (CEF) supplémentaires seront créés par transformation de foyers d’hébergement existants. Afin d’en accélérer l’ouverture, la loi dispense de recourir à la procédure de l’appel à projet prévue à l’article L. 313-1-1 du code de l’action sociale et des familles requise pour la création, la transformation ou l’extension des établissements et des services sociaux et médico-sociaux publics. Seront programmés à ce titre 90 emplois d’éducateurs, dont 60 sur le budget 2012. En outre, 25 autres CEF (contre 13 jusqu’à présent) pourront bénéficier de permanences de pédopsychiatres. A ce titre, 37,5 emplois équivalents temps plein seront créés.
Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2014, lorsqu’une peine d’emprisonnement ferme ou une mesure ou une sanction éducatives de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante seront prononcées, il sera remis au mineur et à ses représentants légaux, à l’issue de leur audition ou de l’audience, un avis de convocation à comparaître dans un délai maximal de cinq jours devant le service de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) chargé de mettre en œuvre la mesure. Si l’intéressé ne se présente pas à la date fixée, le juge des enfants ou le juge d’instruction le convoquera devant lui s’il le juge utile ou, dans un délai de dix jours, devant le service de la PJJ. Selon l’annexe de la loi, cette disposition, qui réduit les délais de prise en charge, est censée « renforcer l’efficacité de la réponse pénale apportée à la délinquance des mineurs » et « prévenir la récidive ». Pour en permettre la mise en œuvre, 120 emplois d’éducateurs seront créés en 2013.
La loi de programmation consacre un volet à la prévention de la récidive. Certaines de ses dispositions concernent les délinquants sexuels, dispositions qui se sont, entre autres, inspirées d’un rapport parlementaire portant exclusivement sur cette problématique (voir encadré, page 6). Ainsi, le texte prévoit que le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention pourront, d’office ou à la demande du procureur de la République, transmettre une copie de leur décision à la personne chez qui l’auteur de l’infraction établit sa résidence. En cas de placement sous contrôle judiciaire, le JAP pourra en faire de même et ordonner qu’une copie de la décision de condamnation ou de la décision d’aménagement de la peine, de libération conditionnelle, de surveillance judiciaire ou de surveillance de sûreté soit transmise.
De façon plus générale, la loi renforce également l’effectivité des soins en milieu fermé. Désormais, le médecin traitant du condamné devra lui délivrer, au moins une fois par trimestre, des attestations indiquant s’il suit ou non de façon régulière le traitement proposé par le JAP. Attestations que l’intéressé devra remettre au magistrat afin qu’il puisse se prononcer sur le retrait des réductions de peine, l’octroi de réductions de peine supplémentaires ou d’une libération conditionnelle.
Au-delà, l’annexe de la loi rappelle que, pour mieux évaluer le profil des personnes condamnées, le diagnostic à visée criminologique – qui doit être généralisé au cours du mois de mars – et le suivi différencié mis en œuvre par les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) doivent désormais être utilisés (4). Elle confirme en outre la création de trois nouvelles structures nationales d’évaluation – en plus de celles de Fresnes (Val-de-Marne) et de Réau (Seine-et-Marne) – et de 50 emplois supplémentaires. Afin d’« appréhender l’ensemble des facteurs, psychologiques, environnementaux et contextuels, susceptibles de favoriser le passage à l’acte », souligne l’annexe, l’évaluation de la dangerosité criminologique des personnes condamnées à de longues peines doit aussi s’inscrire dans une « approche résolument pluridisciplinaire ». Aussi la loi prévoit-elle que, lorsque la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ou lorsqu’elle a été condamnée soit à une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à 15 ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, soit à une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à dix ans pour une infraction pouvant conduire à une rétention de sûreté, la libération conditionnelle ne pourra être accordée que sur expertise de deux médecins psychiatres ou – c’est la nouveauté – d’un psychiatre et d’un psychologue.
Prévenir la récidive passe aussi par le renforcement et la réorganisation des SPIP. La loi stipule donc que, lorsque le procureur de la République voudra faire procéder à des enquêtes présentencielles sur la personnalité des personnes mises en examen ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale, il devra désormais les confier au secteur associatif habilité ou, en cas d’impossibilité matérielle, au SPIP. Cette mesure doit permettre aux conseillers d’insertion et de probation de se recentrer sur le suivi des personnes condamnées, souligne l’annexe. Ainsi, 130 emplois de conseillers pourront être dégagés et redéployés.
Pour assurer l’efficacité de la prévention de la récidive, l’annexe de la loi précise que seront élaborés un référentiel d’activité afin de préciser les missions des SPIP, un organigramme de référence et des indicateurs fiables de mesure de la charge de travail et des résultats. Des mesures suggérées par un récent rapport des inspections générales des finances et des services judiciaires (5). En outre, ces services pourront bientôt bénéficier du renfort d’équipes mobiles (88 emplois supplémentaires d’ici à 2013) en cas de pic d’activité.
Selon la chancellerie, 85 000 peines étaient en attente d’exécution en juin 2011. Afin de remédier à cette situation, la loi de programmation prévoit de renforcer les services de l’application et de l’exécution des peines, en créant 120 postes de magistrats et 89 emplois de greffiers.
Il conviendra en outre de généraliser les bureaux d’exécution des peines « à toutes les juridictions, y compris au sein des cours d’appel, et à toutes les audiences, en élargissant leurs plages horaires d’ouverture », précise l’annexe de la loi. Pour cela, 15,4 millions d’euros ont été programmés en loi de finances pour 2012 et devront notamment permettre de recruter 207 emplois supplémentaires de greffiers et de fonctionnaires.
Comme le stipule l’annexe de la loi, un peu plus de 24 000 places de prison supplémentaires devront être ouvertes d’ici à 2017, portant leur nombre total à 80 000 (6). Dans ce cadre notamment, des structures spécifiques pour les personnes condamnées à de courtes peines (7) – actuellement hébergées dans des maisons d’arrêt et confrontées à des codétenus aux profils parfois différents – seront construites. Objectif selon le texte : « rompre avec l’uniformité de la prise en charge et ne plus imposer aux personnes condamnées à de courtes peines des contraintes de sécurité conçus pour des profils plus dangereux. Ce faisant, le risque de désocialisation et de récidive sera amoindri ». Au final, la classification des établissements pénitentiaires devra donc être revue. Aujourd’hui, le code de procédure pénale distingue les maisons d’arrêt des établissements pénitentiaires (centres de détention et maisons centrales). La loi de programmation propose donc une nouvelle typologie, pour parler d’établissements à sécurité renforcée, intermédiaire, adaptée et allégée.
Dans un rapport rendu public le 29 février, le député (UMP) de l’Ain, Etienne Blanc, formule 33 recommandations pour améliorer l’évaluation et le suivi des auteurs d’infractions à caractère sexuel (1). Des recommandations censées pallier les faiblesses du dispositif de prise en charge. Pour l’élu, le manque de coordination – notamment entre les juges de l’application des peines (JAP) et les conseillers d’insertion et de probation – et de moyens humains et financiers nuisent à l’efficacité du suivi. S’ajoutent à cela « une offre de soins variable, peu structurée voire absente sur certains points du territoire », que ce soit en milieu fermé ou en milieu ouvert. Aussi Etienne Blanc propose-t-il notamment de « permettre au JAP de demander une évaluation de dangerosité non seulement avant une éventuelle libération conditionnelle mais aussi à tout moment au cours de la détention ». Il préconise aussi de créer une « cellule de suivi renforcé », qui réunirait le JAP, le procureur de la République, le conseiller d’insertion et de probation, la police ainsi que les autorités municipales et préfectorales « dans les cas où le risque de récidive apparaît particulièrement élevé ». Face à des « personnalités complexes », le député suggère de généraliser la possibilité de confier les dossiers à deux conseillers d’insertion et de probation. Du côté de l’organisation des soins, Etienne Blanc préconise de « mieux utiliser le temps carcéral » pour réduire les risques de récidive. Dans ce cadre, il recommande de poursuivre la spécialisation des établissements pénitentiaires et des équipes soignantes en milieu carcéral ou encore d’y mettre en place des programmes de soins intensifs à destination des condamnés volontaires. En outre, afin de favoriser la continuité des soins, il souhaite que les thérapeutes puissent continuer à suivre en milieu ouvert les patients qu’ils accompagnaient en détention. Autres propositions de l’élu : la création de « centres post-peines spécialisés afin de garantir le suivi médical, psychologique et psychiatrique des troubles de la personnalité et des pathologies les plus complexes » ou encore l’instauration d’un numéro d’écoute d’urgence, anonyme et gratuit, disponible 24 heures sur 24 pour « prévenir le passage à l’acte et orienter rapidement les personnes en demande de soins vers des structures d’accueil d’urgence ».
(1) Après le désaccord de la commission mixte paritaire réunie à la suite de son premier passage à l’Assemblée nationale et au Sénat, le texte a dû être de nouveau examiné par les deux chambres. Celles-ci n’étant pas parvenues à un texte de compromis, le dernier mot est donc revenu aux députés.
(3) La divulgation de ces informations sera sanctionnée d’une amende de 3 750 €.
(6) Au 1er octobre 2011, le parc pénitentiaire comptait 57 540 places pour 64 147 personnes incarcérées.
(7) Selon le garde des Sceaux, 50 % des peines en attente d’exécution sont inférieures ou égales à trois mois.
(1) Rapport d’information n° 4421 – Disponible sur