Le 1er mars, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi de la députée (UMP) des Alpes-Maritimes, Michèle Tabarot, sur l’enfance délaissée et l’adoption. Principale mesure : remplacer la notion de « désintérêt manifeste » par celle de « délaissement parental » dans la procédure de déclaration judiciaire d’abandon prévue par le code civil. L’objectif de ce texte est de donner à l’enfant le statut protecteur de pupille de l’Etat et de faciliter son adoption dans un but de protection de l’enfance, explique son exposé des motifs. Pour mémoire, cette réforme était préconisée dès 2008 par le rapport « Colombani », puis en 2010 par l’inspection générale des affaires sociales (1). Elle était au cœur du projet de loi réformant l’adoption, présenté en conseil des ministres en avril 2009 (2), qui n’a jamais pu être inscrit à l’ordre du jour du Parlement. La proposition de loi en reprend aujourd’hui les mesures (3).
La proposition de loi abroge l’article 350 du code civil selon lequel l’enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance (ASE), dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration d’abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance. Les parents concernés étant ceux qui n’ont pas entretenu les relations nécessaires au maintien de liens affectifs avec leur enfant. « Cette notion de “désintérêt manifeste” apparaît floue » et aboutit à « à peine quelques dizaines de prononcés par an [alors que] la déclaration judiciaire d’abandon pourrait concerner plus d’enfants », selon l’exposé des motifs. C’est pourquoi la proposition de loi lui substitue la notion de « délaissement parental », « plus objective » et qui « centre la déclaration judiciaire d’abandon sur l’intérêt de l’enfant ». Insérant deux nouveaux articles dans le code civil (articles 381-1 et 381-2), elle prévoit qu’un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n’ont contribué par aucun acte à son éducation ou à son développement pendant une durée de un an. Tout enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l’ASE délaissé par ses parents pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration d’abandon doit alors être déclaré abandonné par le tribunal de grande instance. La demande doit être transmise par le particulier, l’établissement ou le service de l’ASE qui a recueilli l’enfant. Nouveauté : elle peut également être présentée par le ministère public agissant d’office ou sur proposition du juge des enfants.
La proposition de loi aménage les dispositions relatives au rapport annuel sur la situation de l’enfant qui doit être établi par les services de l’aide sociale à l’enfance. Elle prévoit que les auteurs du document doivent s’interroger sur l’existence d’une situation de délaissement parental et décrire les mesures de soutien et d’accompagnement dont ont pu bénéficier les parents de l’enfant. Le rapport doit également porter sur le projet de vie de l’enfant et analyser sa santé physique ou psychique, son développement, sa scolarité, sa vie sociale ainsi que ses relations avec sa famille. A noter : lorsque l’enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative est âgé de moins de 2 ans, le rapport est élaboré à l’échéance des six premiers mois, puis de la première année de sa prise en charge.
La proposition de loi améliore le suivi des agréments pour l’adoption pour remédier à la disproportion entre le nombre de familles qui en sont dotées et le nombre d’enfants adoptés par an (environ 30 000 titulaires d’un agrément pour 3 000 enfants adoptés en 2007-2008). Elle précise tout d’abord que l’agrément est délivré dans l’intérêt de l’enfant en attente d’une adoption afin de veiller notamment à ce que la personne agréée soit en capacité de répondre à ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs. L’agrément reste délivré pour une durée de cinq ans par le président du conseil général. Délivrance qui doit intervenir dans un délai de neuf mois à compter de la réception de la demande, le demandeur étant tenu de confirmer sa demande durant ce délai. De plus, toute personne agréée doit chaque année confirmer qu’elle maintient son projet d’adoption sous peine de caducité de l’agrément. La proposition de loi prévoit par ailleurs que l’agrément peut être prorogé par le président du conseil général, pour un an renouvelable une fois, dès lors qu’il existe une proposition d’enfant. Et ce, sous réserve d’une évaluation de la situation à la date de la prorogation et de son éventuel renouvellement. Elle indique également que l’agrément est caduc en cas de modification de la situation matrimoniale de la personne agréée (4). Les modalités d’application de ces mesures doivent être fixées par décret.
La proposition de loi autorise les conseils généraux volontaires à instaurer, pour une période maximale de trois ans, un dispositif visant à renforcer l’information et la préparation des candidats à l’agrément en vue de l’adoption. Les conditions de mise en œuvre de cette mesure doivent être définies par un décret prévoyant un cycle de modules obligatoires préalables à la délivrance de l’agrément. Autre mesure : l’établissement de référentiels permettant l’évaluation des candidats à l’agrément et la rédaction des rapports d’enquête psychologique et sociale. Des référentiels qui doivent être réalisés en concertation avec l’ensemble des professionnels concernés, est-il précisé.
Les missions de l’Agence française de l’adoption (AFA) sont également renforcées puisque le texte la charge d’informer et de conseiller les candidats à l’adoption, notamment sur les pays qui répondent le mieux à leur projet. Il lui donne en outre une habilitation générale en tant qu’intermédiaire pour l’adoption des mineurs étrangers de 15 ans alors qu’elle est actuellement limitée aux Etats parties à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.
A noter également : la proposition de loi modifie la composition du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles avec l’ajout d’un représentant des organismes autorisés pour l’adoption.
(3) Ces mesures sont contestées par ATD quart monde et la Convention nationale des associations de protection de l’enfant – Voir ASH n° 2604 du 10-04-09, p. 27 et n° 2699 du 4-03-11, p. 24.
(4) « Aujourd’hui, explique l’exposé des motifs, un divorce ou un décès conduit à un retrait d’agrément dont la conséquence est l’impossibilité de redéposer une demande pendant 30 mois. » Remplacer le retrait de l’agrément par la caducité permet à la personne concernée de « redéposer immédiatement une demande ».