LIVRE

PARENTALITÉ INFANTILISÉE. Axe fort de l’action sociale et éducative auprès des familles depuis une vingtaine d’années, le soutien à la parentalité a beaucoup évolué au fil du temps. Initialement, les interventions d’aide aux parents avaient une visée de réassurance et d’émancipation des intéressés. Elles ont pris ensuite un tour nettement plus moralisateur et culpabilisant, voire répressif, notamment à partir des réformes concomitantes du 5 mars 2007 relatives à la protection de l’enfance et à la prévention de la délinquance. Telle est la thèse défendue de façon très nourrie et argumentée par Manuel Boucher, président de l’Association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociales (Acofis), en collaboration avec Mohamed Belqasmi, Mélina Eloi, Candice Martinez et Marie-Laure Pouchadon, également membres de l’Acofis. Pour étudier les transformations des modalités d’accompagnement des familles de milieux populaires, les sociologues ont mené l’enquête dans trois départements (Seine-Maritime, Gironde et Puy-de-Dôme) auprès des divers protagonistes concernés : acteurs politico-institutionnels, travailleurs sociaux et parents. De leur passionnante plongée dans la « nébuleuse » que représente le champ du soutien à la parentalité, Manuel Boucher et ses coauteurs dégagent une typologie des actions menées. Expression de trois manières principales de considérer les parents – fragilisés, en difficultés déjà identifiées, à risques avérés –, celles-ci vont des moins contraignantes aux plus coercitives. Pointant tout particulièrement le développement de modèles sécuritaires d’intervention « au sein desquels l’objectif principal n’est plus l’aide aux familles mais leur resocialisation et la protection de la société », les chercheurs mettent en cause « une forme de gouvernement des “bons” comportements parentaux ». Cette dernière infantilise les parents sommés de collaborer sous peine d’être sanctionnés, minimise l’impact des problèmes socio-économiques sur leur rôle d’éducateurs et contribue, ce faisant, à dépolitiser la question sociale.