En Loire-Atlantique, une commune rurale s’attaque à la prévention du suicide, en partenariat avec un centre hospitalier et une compagnie de théâtre. Une autre, dans le Nord, tente de retisser du lien social, en soutenant un circuit de troc de meubles. Bien plus au sud, à Saint-Pierre de la Réunion, on lutte contre la précarité énergétique en aidant les foyers à s’équiper de chauffe-eau solaires. Dans l’Hexagone comme en outre-mer, des centres communaux d’action sociale (CCAS) multiplient les initiatives originales pour coller aux besoins du territoire. Autant d’actions recensées par l’Union nationale des CCAS (Unccas), à l’origine d’un prix de l’innovation sociale depuis 2004 (1). « L’objectif, c’est de prendre connaissance de ces initiatives que les CCAS n’ont pas forcément le réflexe de faire partager », explique Daniel Zielinski, délégué général de l’Unccas. Et sans doute, d’inciter les autres communes à entreprendre de telles démarches.
Aujourd’hui, l’innovation sociale serait « non seulement possible mais absolument nécessaire », défend-il. L’émergence de nouvelles précarités (travailleurs ou retraités pauvres, par exemple) et l’aggravation de la crise économique, conjuguées à la contraction des finances publiques, obligent les CCAS à démultiplier les interventions pour répondre à l’explosion des besoins. « Auparavant, on pouvait se contenter d’un dispositif assez généraliste, poursuit Daniel Zielinski. Désormais, il faut se montrer beaucoup plus efficace en direction de publics spécifiques. » Par exemple, plutôt qu’une diminution globale du tarif des cantines scolaires pour tous les habitants d’une commune, il lui semble préférable de cibler les familles les plus en difficulté et de leur octroyer une aide plus importante. « De la même manière, plutôt qu’une aide générique de 50 € pour régler une facture de chauffage, ne vaut-il pas mieux diminuer le nombre de personnes concernées et octroyer 250 € à celles qui en ont le plus besoin ? »
Si les CCAS n’ont pas attendu la crise pour innover, la recherche de dispositifs adaptés aux besoins du territoire, permettant de sortir du seul registre de l’assistance, semble plus que jamais d’actualité. D’autant que « les CCAS sont probablement les mieux placés pour innover », affirme Olivier Noblecourt, directeur du CCAS de Grenoble, considéré par beaucoup comme un laboratoire d’innovations sociales (voir page 31). « Non seulement nous sommes en première ligne pour analyser la demande sociale, mais en plus nous avons beaucoup moins de contraintes que les départements en matière d’action sociale. Ce qui nous permet de coller au terrain. »
A l’inverse du département, « le cadre réglementaire et législatif auquel obéit l’échelon communal est très peu contraint », rappelle Alexis Baron, docteur en administration publique et directeur adjoint de la santé et de l’autonomie au conseil général de l’Ardèche (2). Seules obligations assignées aux CCAS : la domiciliation des personnes sans résidence stable, la participation à l’instruction des dossiers de demande d’aide sociale légale et l’analyse des besoins sociaux. Pour le reste, ces établissements publics peuvent s’engager dans la gestion d’équipements ou de services dans des domaines divers (enfance, insertion, hébergement des personnes âgées ou handicapées, centres sociaux, etc.). Ils peuvent aussi développer une aide sociale facultative dont les critères d’attribution ou d’éligibilité ne sont pas prédéfinis. « Le législateur place donc les CCAS et les CIAS [centres intercommunaux d’action sociale] en situation d’animation d’une politique de développement social à l’échelle communale ou intercommunale, analyse Alexis Baron. La marge de manœuvre et d’intervention des élus est considérable. »
L’analyse des besoins sociaux, obligatoire pour les CCAS, peut constituer un préalable à l’instauration de dispositifs innovants. « Comme tout diagnostic de territoire, elle constitue un exercice essentiel de partenariat et doit s’envisager comme un processus d’animation d’un réseau local autour de l’analyse de la situation sociale, au sens large, d’un territoire », estime Alexis Baron. C’est dans cette logique que s’est engagé, à partir de 2009, le CCAS de Saint-Flour, commune du Cantal de 7 000 habitants. La municipalité a mis en œuvre un « contrat social », destiné à élaborer un diagnostic partagé du territoire permettant d’aboutir à des actions concrètes. Tout a commencé en 2007 par une journée réunissant 120 partenaires autour des forces et des faiblesses de l’action sociale dans la commune. « On a organisé ces rencontres car on avait du mal à avoir une vision d’ensemble sur ce thème », explique Pierre Jarlier, maire de Saint-Flour. Cinq groupes thématiques ont alors été mis en place : accès aux biens de première nécessité, accès au logement, accès aux services et aux soins, accès aux loisirs et à la culture, accès à l’éducation, à la formation et à l’emploi.
La première année du « contrat social » a permis d’aboutir à un constat partagé. « Il fallait élaborer un diagnostic consensuel pour agir ensuite efficacement », commente Pierre Jarlier. Au final, une quinzaine d’actions concrètes ont émergé des différents groupes de travail, validées par un comité de pilotage. Parmi elles figurait la création d’une épicerie sociale et solidaire, en lieu et place de l’aide alimentaire précédemment proposée. « Les bons alimentaires plaçaient le CCAS dans une logique de guichet, sans aucun accompagnement social, explique Patrice Solier, chargé de mission « développement social » à Saint-Flour. Cette forme d’aide qui s’apparentait à du saupoudrage ne touchait pas forcément les plus démunis et ne répondait plus aux besoins. » La nouvelle épicerie sociale, qui fonctionne avec des bénévoles d’associations caritatives, propose des produits alimentaires à 10 % de leur prix réel. En contrepartie, les bénéficiaires signent un contrat d’accompagnement social d’une durée de trois mois, renouvelable une fois.
« Avant, on donnait simplement un bon, note Patrice Solier. Maintenant, on incite les gens à lancer des démarches administratives, professionnelles, à rembourser leurs dettes… » Et le résultat semble positif. Ouverte depuis un an et demi, l’épicerie sociale a permis d’aider une centaine de familles, soit 250 personnes, quand les bons alimentaires ne concernaient qu’une centaine de personnes. D’autre part, parmi les 50 contrats d’accompagnement social arrivés à leur terme en janvier dernier, 37 se sont soldés par une issue positive. « On reçoit des gens qui n’osaient pas demander de bons alors qu’ils sont dans une misère sociale terrible, constate Patrice Solier. Maintenant, on touche aussi des jeunes de moins de 20 ans. » Surtout, le nouveau dispositif ne coûte pas plus cher que le précédent, soit 20 000 € par an pour les frais de fonctionnement et l’embauche d’un conseiller en économie sociale familiale à mi-temps, dont la moitié est financée par des partenaires publics et privés (3). « On est passé d’une logique de CCAS distributeur d’aides sociales à un outil de proximité au service de la population », se réjouit Patrice Solier.
Le « contrat social » de Saint-Flour a également permis d’élaborer des actions en « coproduction avec les acteurs locaux », ajoute le chargé de mission, estimant qu’il « faut trouver les synergies pour être plus efficace à moyens constants ». Ainsi, l’aide au permis de conduire pour les jeunes est pilotée par la mission locale, tandis que l’association Emmaüs a choisi d’installer une antenne dans la commune (4).
Comme le rappelle Daniel Zielinski, l’action sociale du CCAS se loge dans les interstices, là où les autres acteurs sociaux ne peuvent être présents : « Le CCAS est là pour répondre aux carences repérées sur le territoire. C’est à lui de coordonner les actions sur le territoire plutôt que de faire à la place des autres. Même si c’est plus difficile en territoire rural car il est souvent seul. » En Loire-Atlantique, la commune de Châteaubriant a bien intégré cette notion de partenariat. Très impliqué dans les actions de prévention en matière de santé publique (sécurité routière, accidents domestiques, alcool, obésité, etc.), le CCAS mène, depuis fin 2009, une réflexion sur la prévention du suicide ; « un travail au long cours et non une action ponctuelle », précise Marie-Jo Havard, adjointe aux affaires sociales. Les Pays-de-la-Loire font en effet partie des 12 régions françaises les plus concernées par ce phénomène.
Entre 2010 et 2011, des actions pour le grand public comme pour les professionnels ont été conduites, en lien avec de nombreux partenaires (associations, praticiens, troupe de théâtre). Une nouvelle journée de formation des professionnels de tous bords est prévue le 15 mars prochain. « Elle portera sur le soutien des personnes ayant vécu une tentative ou un suicide dans leur entourage », précise Marie-Jo Havard. Pour cela, le CCAS travaille avec le centre hospitalier local. Il conduit parallèlement une réflexion avec des caisses de retraite pour la prévention des risques suicidaires chez les personnes âgées. Reste à trouver le moyen d’évoquer cette thématique au sein des établissements scolaires. « On a déjà fait des choses avec eux autour de l’alcool, en mobilisant une troupe de théâtre de Châteaubriant, explique Marie-Jo Havard. Pour le suicide, on réfléchit encore. »
Pour l’élue, la capacité à innover dépend fortement de la volonté politique de la commune. « Ce n’est pas parce qu’un petit CCAS a peu de moyens qu’il ne peut rien faire, estime Daniel Zielinski. Chacun doit prendre ses responsabilités à la hauteur de ses moyens. Quel que soit le problème, de l’isolement des personnes âgées aux addictions en passant par les personnes sans domicile, le fait de réfléchir et de se poser des questions peut apporter une solution. » Alexis Baron constate que certains CCAS ne profitent pas suffisamment de la souplesse que représente l’aide sociale facultative. « Cela renvoie à la conception de certains élus de l’action sociale : une vision un peu misérabiliste où l’on répond à la demande. » Plutôt qu’une aide au coup par coup, il préconise des politiques d’aide ciblées et innovantes, comme le microcrédit personnel (voir encadré ci-dessous) ou la création d’une allocation communale spécifique. « Des dispositifs comme le revenu minimum d’insertion et la couverture maladie universelle sont d’abord nés dans des villes comme Besançon et Angers », rappelle Daniel Zielinski.
Le contexte de crise pousse cependant à faire bouger les lignes. « Cela force à être plus ingénieux qu’en période d’opulence, constate Alexis Baron. D’autant que cela ne coûte pas toujours plus cher et que certaines innovations permettent de prévenir d’autres dépenses. » Par exemple, « plus on utilise l’argent pour faire de la prévention, moins on a d’entrées en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et plus elles sont tardives », souligne Daniel Zielinski. D’autres champs seraient aussi, selon lui, à investir comme le partenariat avec d’autres collectivités locales, avec le monde de l’économie sociale et solidaire ou avec les entreprises, « à condition, dans ce dernier cas, d’être bien au clair sur la volonté de partenariat de chacun ». Ainsi, la ville de Saint-Flour a, dans le cadre de son contrat social, monté des partenariats public-privé avec ERDF (Electricité réseau distribution France) et la Caisse d’Epargne pour l’aménagement et le fonctionnement de son épicerie sociale.
Preuve que l’innovation peut parfois ne rien coûter, l’initiative prise par le CCAS d’Hellemmes (Nord), commune de 18000 habitants. Son dispositif « Systèm’ Récup’ » met en lien des personnes souhaitant se débarrasser de leurs meubles ou de leur électroménager avec d’autres aux faibles revenus ayant besoin d’équiper leur logement. « Il n’y pas d’enjeu financier, on sert seulement d’interface, explique Arnaud Taviaux, référent RSA (revenu de solidarité active) au sein du CCAS. Mais cela recrée des solidarités entre les différentes catégories sociales de la commune. » Une idée toute simple, qui favorise le lien social, a aussi été mise en œuvre non loin de là, à Râches. Dans cette commune du Nord de moins de 3 000 habitants, les 30 familles bénéficiaires des colis alimentaires sont invitées à s’investir bénévolement dans une opération originale : échanger des pots de confiture confectionnés au CCAS contre des denrées alimentaires. Une fois par mois, elles tiennent un stand dans un supermarché pour échanger ces confitures contre du café, des pâtes ou du riz. « C’est une manière de valoriser les bénéficiaires de l’aide alimentaire », estime Daniel Wattelet, adjoint aux affaires sociales à l’origine de ce projet, qui a déjà permis d’échanger 10 000 pots de confiture en trois ans (5).
« C’est une idée qui m’a longtemps trotté dans la tête, raconte-t-il. Au printemps et en été, on nous donnait beaucoup de fraises qui partaient à la poubelle. Alors pourquoi ne pas en faire de la confiture ? » Les fruits proviennent d’un primeur local, d’un supermarché, des vergers du CCAS entretenus par un chantier d’insertion et de dons de particuliers possédant des arbres fruitiers. Les pots de confiture sont récupérés au supermarché, et le sucre est troqué pendant les échanges. La récupération des fruits, le triage, le nettoyage, le stockage, la confection, la mise en pot, la tenue d’un stand et la gestion des denrées alimentaires sont assurés par les bénévoles. Si bien que l’opération ne coûte pas un centime à la commune. « Les produits que l’on récolte permettent d’augmenter la quantité et la qualité des colis alimentaires et d’être moins exigeants sur nos critères d’attribution », se félicite également Daniel Wattelet. Reste à motiver constamment les bénéficiaires de cette aide alimentaire, qui ont parfois tendance à se décourager.
Si, dans les petites communes, l’innovation se porte davantage sur le lien social et nécessite peu de moyens supplémentaires, elle peut cependant atteindre ses limites à plus grande échelle. « Ce n’est pas toujours évident de trouver les moyens de pérenniser une innovation, reconnaît Daniel Zielinski. Des initiatives peuvent tomber car elles n’ont pas été suffisamment évaluées. Il faut aussi donner du temps à l’expérimentation. » L’élaboration d’indicateurs d’évaluation, la rédaction d’un cahier des charges ou d’ingénierie de projet s’avèrent donc essentielles. « Là-dessus, plutôt que sur le fonctionnement de l’expérience, l’Etat ou les fonds européens peuvent soutenir les CCAS », précise Daniel Zielinski.
Par ailleurs, multiplier les initiatives n’est pas forcément conseillé. « Ce n’est pas parce que l’innovation est nécessaire qu’il faut innover dans tous les domaines, prévient le délégué général de l’Unccas. Les CCAS doivent aussi conduire des politiques lourdes et pas seulement faire du saupoudrage. » Alexis Baron pointe un autre revers : « L’action sociale communale, par son caractère hétérogène et extrêmement souple, génère de fortes inégalités entre les territoires. Ainsi, là où un cadrage national et réglementaire fixe pour les départements un socle minimum d’obligations et de standards dans l’action, l’action des CCAS est forcément génératrice d’iniquité de traitement selon les actions et les politiques volontaristes ou pas des communes et des critères d’éligibilité choisis. » D’où la nécessité de développer, selon lui, une plus grande coordination entre les acteurs départementaux, communaux et intercommunaux.
Le centre communal d’action sociale (CCAS) est l’héritier d’une longue histoire.
L’assistance aux plus démunis fut d’abord l’œuvre des paroisses, avant de devenir celle des communes au moment de la Révolution française. De ces bureaux de bienfaisance naîtront en 1893 des bureaux d’assistance dans chaque commune, avec pour vocation de venir en aide à toutes les populations exclues.
Viendront ensuite les bureaux d’aide sociale, en 1953, notamment chargés de « venir en aide ou de suppléer aux initiatives publiques ou privées défaillantes ». La phase de décentralisation des années 1980 s’inscrit dans cette logique historique avec la création des centres communaux d’action sociale par la loi du 6 janvier 1986.
C’est le décret du 6 mai 1995 qui en précise l’organisation, le fonctionnement et les attributions. Ainsi, le CCAS, établissement public administratif communal, « anime une action générale de prévention et de développement social dans la commune en liaison étroite avec les institutions publiques et privées. Il peut intervenir sous forme de prestations remboursables ou non remboursables ».
Source : Dynamiques territoriales de l’action sociale et médico-sociale, d’Alexis Baron – Presses universitaires de Grenoble, 2010.
Les centres communaux d’action sociale (CCAS) constituent aujourd’hui le plus important réseau d’accompagnement des microcrédits personnels. Ceux-ci correspondent à une petite somme (de 300 à 3 000 €) prêtée par un établissement financier partenaire du CCAS à des particuliers plus ou moins exclus du prêt bancaire classique (1). Objectif : financer des projets liés à leur insertion sociale et professionnelle (permis de conduire, réparation d’une voiture, achat de mobilier, frais consécutifs à une séparation, des obsèques…).
Dans le Grand Ouest, en pointe en la matière (environ 75 % des microcrédits y sont conclus), le collectif de recherche « Finances et monnaies solidaires » (Fimosol) s’est intéressé au profil des bénéficiaires, à l’affectation de ces fonds et à leurs conséquences sur le bien-être des personnes accompagnées (2). Dans cette étude fouillée, qui analyse plusieurs dispositifs de microcrédit dans les Pays-de-la-Loire, les chercheurs proposent quelques données saillantes tirées de plusieurs échantillons statistiques.
La plupart des bénéficiaires du microcrédit sont des personnes seules (79 %). Il s’agit pour 47 % de personnes ayant un emploi (CDI, CDD ou intérim). Les individus sans emploi représentent 32 % de l’échantillon (chômeurs, retraités, invalides) et les titulaires du RMI-RSA, 21 %. S’agissant de l’affectation des fonds, les deux principaux postes concernent la mobilité et la trésorerie (remboursement d’une dette, entre autres).
Le logement vient en troisième position. Les auteurs pointent, par ailleurs, une évolution vers davantage de dépenses liées à la santé.
Les chercheurs ont également conduit des enquêtes qualitatives auprès des bénéficiaires du microcrédit.
Ils constatent que ce dispositif favorise une plus grande « sociabilisation » des personnes. « Les bénéficiaires présentent d’eux-mêmes, se font d’eux-mêmes, une image positive » dans la mesure où ils sont parvenus à « réaliser leur projet par leurs propres moyens, sans recours à l’assistance ».
S’il ne règle pas tous leurs problèmes, le microcrédit personnel contribue « à rompre l’isolement et le risque de repli sur soi associé à la pauvreté ». Cette confiance en soi s’accompagne d’une plus grande confiance en la société. « Leurs représentations changent : l’extérieur n’est plus, ou moins, source d’une mise en danger de soi (dans le regard de l’autre, dans le rapport à l’autre) mais au contraire un nouvel horizon au sein duquel se réaliser. »
Le chef-lieu de l’Isère a décidé de faire de cet établissement un outil de développement du territoire et de rencontre des habitants.
Avec ses 1 300 agents et son budget de 65,9 millions d’euros, le centre communal d’action sociale (CCAS) de Grenoble fait figure de poids lourd. Mais pour son vice-président Olivier Noblecourt, adjoint au maire à l’action sociale, la capacité d’innovation n’est pas qu’une question de budget : « C’est d’abord une approche politique et une question de postures professionnelles. Il faut un consensus entre les élus et les travailleurs sociaux. » Pour sortir d’une logique de l’offre, le CCAS a été entièrement réorganisé à partir de 2009. « Nous avons cassé l’entrée par publics en créant de nouvelles directions, à l’exception de la petite enfance », explique Olivier Noblecourt. Désormais, le CCAS s’organise autour de la direction petite enfance, de la direction des établissements d’hébergement (EHPAD, CHRS…), de la direction de l’intervention et de l’observation sociales et de la direction de l’action sociale territorialisée (avec une répartition de la ville en six secteurs).
Parmi les nouvelles actions mises en place : la création d’une allocation logement pour les locataires du parc privé ayant un reste à vivre inférieur à 400 € par mois. Environ 330 ménages bénéficient de ce coup de pouce de 60 à 100 € par mois (1). Par ailleurs, l’attribution de l’aide sociale facultative a été simplifiée. Plutôt que d’attendre chaque semaine la réunion d’une commission d’attribution, les élus ont choisi de « faire confiance » aux travailleurs sociaux du CCAS pour octroyer les aides d’urgence dans un délai de 24 heures au maximum.
Autre mesure, la transformation progressive des 11 centres sociaux de la ville en maisons des habitants. Objectif : changer le regard des Grenoblois sur ces équipements, « trop souvent considérés comme des lieux réservés aux personnes “assistées” ». Dans deux quartiers, l’accueil du centre social a été mutualisé avec celui des antennes municipales. Ailleurs, la maison des habitants regroupe la maison des jeunes et de la culture ou la maison de l’enfance avec l’idée de mêler des files d’usagers qui ne se rencontraient pas. « Beaucoup de familles ne connaissaient pas l’offre de soutien à la parentalité du CCAS, par exemple », note Olivier Noblecourt. Des fonds de participation ou de soutien aux initiatives des habitants ont également été mis en place dans tous les secteurs de la ville (2). Tout comme des comités des usagers, installés dans les maisons des habitants.
Autre outil destiné à faciliter la rencontre et le vivre ensemble, les « paniers solidaires ». Ce projet consiste en une distribution hebdomadaire de paniers de 3,5 kg de fruits et légumes issus de l’agriculture locale, par l’intermédiaire des maisons des habitants (3). Le prix du panier varie selon le quotient familial de 4 à 9 €, ce qui permet aux personnes précaires comme aux familles aisées de participer à la viabilité économique du projet (4). Ce dispositif s’accompagne de diverses actions de mobilisation autour de l’alimentation : cours de cuisine, échange de recettes, rencontres et visites avec les producteurs… La livraison se veut participative, les paniers étant confectionnés par les habitants eux-mêmes. « Les paniers solidaires permettent de réunir des jeunes couples actifs, des familles nombreuses et des personnes âgées seules », explique Olivier Noblecourt.
Cette politique se poursuit dans le champ culturel avec le « Pass Culture », qui permet de participer à des sorties culturelles en groupe (théâtre, musée, danse…), tout en bénéficiant de conditions privilégiées (temps de rencontre avec les comédiens, visites commentées au musée…). Un système gratuit pour les personnes non imposables et payant pour les autres (5). « Cela démarre très bien, assure Olivier Noblecourt. Des gens qui n’osaient pas sortir seuls se saisissent de ce dispositif qui participe à la lutte contre l’isolement. »
(1) Unccas : Tél. 01 53 19 85 50 –
(2) Il est aussi chercheur associé au CERHDAP (centre d’études et de recherches sur l’histoire, le droit et l’administration publique), rattaché à la faculté de droit de Grenoble.
(3) Les financeurs de l’épicerie sont le conseil général, l’Etat, la caisse d’allocations familiales, les associations caritatives, ERDF Corrèze Cantal, l’Association nationale de développement des épiceries solidaires, la Banque alimentaire et l’Agence du don en nature.
(4) Dans un local réhabilité aux frais de la commune.
(5) La valeur d’un pot de confiture est estimée à 1,50 €.
(1) Un guide pratique sur le microcrédit personnel a été édité en 2010 par l’Unccas :
(2) Dirigé par l’économiste Pascal Glémain, ce collectif pluridisciplinaire réunit des chercheurs d’Angers, de Poitiers, de Nantes, de Rennes et de Montpellier.