La « catastrophe annoncée » a été « évitée », estiment Guy Lefrand, député (UMP) de l’Eure, et Serge Blisko, député (PS) de Paris, coauteurs d’un rapport sur la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (1). Pour mémoire, la loi a réformé les soins psychiatriques sans consentement en instaurant un contrôle obligatoire du juge dans un délai de 15 jours (2). « La mise en œuvre de la loi au 1er août 2011 constituait une source d’inquiétude majeure », rappellent-ils. Mais la mobilisation des acteurs a permis de « passer le cap de cette date fatidique avec succès ». Estimant que les premiers mois d’application de la réforme se sont déroulés dans des conditions « difficiles », les deux élus font huit propositions pour améliorer sa mise en œuvre sur le terrain. Des propositions qu’ils ont présentées à la secrétaire d’Etat chargée de la santé lors de son audition par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 22 février.
Le bilan des six premiers mois d’application de la loi fait apparaître des points de « crispation autour de certains sujets », tels que le lieu de la tenue de l’audience et le transport du patient, voire des « tentatives de contournement de la loi ». Ainsi, « il semble » que la possibilité pour le patient de ne pas être entendu à l’audience pour des raisons médicales soit « parfois » utilisée pour éviter de l’emmener au tribunal, que ce soit pour un motif matériel ou de sécurité rendant impossible le transport (manque de véhicule, de personnel infirmier…) ou pour des « raisons idéologiques témoignant, par exemple, du rejet de certains psychiatres de l’intervention du juge », indique le rapport. Par ailleurs, lorsque les patients sont transportés au tribunal, les conditions matérielles d’accueil sont rarement adaptées (patient attendant dans un couloir en mezzanine d’où il peut se jeter…). Enfin, soulignent Guy Lefrand et Serge Blisko, il existe une « certaine réticence du ministère de la Justice et des chefs de juridiction à organiser les audiences hors les murs du tribunal ». Ils proposent donc de généraliser la tenue des audiences à l’hôpital. Une proposition écartée par Nora Berra. Pour la secrétaire d’Etat, il n’est actuellement pas possible de rendre obligatoire l’intervention du juge dans les établissements hospitaliers. « Nous n’en avons pas les moyens », a-t-elle expliqué lors de son audition. Plutôt que d’inscrire cette obligation dans la loi, elle préfère « laisser aux acteurs de terrain toute liberté d’agir dans l’intérêt des patients » et appelle les professionnels de santé à mieux intégrer la question du transport du patient lors de l’évaluation médicale « afin d’anticiper les risques ». A noter que, sur ce sujet, les députés proposent également de rendre obligatoire la signature de protocoles entre les juridictions et les établissements psychiatriques pour prévoir les modalités d’organisation des audiences.
Les deux élus ont par ailleurs suggéré à Nora Berra la constitution d’un groupe de travail sur les certificats médicaux en vue de proposer une réduction de leur nombre compatible avec le respect des droits des patients. Rappelant que le nombre des certificats médicaux répond à une exigence du Conseil constitutionnel, la secrétaire d’Etat a néanmoins estimé possible d’envisager une évolution, par exemple en prévoyant une intervention plus précoce du juge.
Guy Lefrand et Serge Blisko plaident par ailleurs pour la tenue des audiences en chambre du conseil, c’est-à-dire sans la présence du public. Et proposent de prévoir la possibilité pour les patients en hospitalisation complète de bénéficier de sorties thérapeutiques de très courte durée. Ils recommandent aussi d’organiser des formations communes au monde judiciaire et au monde médical, de lancer une réflexion sur l’organisation territoriale de la psychiatrie et de préciser le rôle de l’avocat dans le cadre des recours de plein droit sur les mesures de soins sans consentement.
Dans leur rapport, les députés pointent également le besoin de financement. « La plupart des personnes auditionnées [pour la préparation du rapport] ont souligné que les efforts initialement et temporairement consentis pour faire en sorte que la loi soit appliquée, ne pourraient perdurer durablement sans moyens nouveaux », font-ils savoir. Pour 2012, Nora Berra a annoncé une dotation annuelle de fonctionnement de 6,72 millions d’euros pour financer l’installation de la visioconférence et de 10,23 millions d’euros pour les personnels assurant l’accompagnement des patients aux audiences. De plus, a-t-elle indiqué, « 270 postes seront ouverts au concours de l’Ecole nationale de la magistrature en 2012 ». Etant précisé que l’impact de la réforme est pris en compte pour la localisation annuelle des emplois de magistrats et que les juridictions rencontrant des difficultés particulières seront pourvues en priorité. Elle a enfin annoncé la création d’un comité de suivi de la loi pour être « davantage à l’écoute des difficultés », pour « régler les questions juridiques susceptibles de se poser » et « envisager le cas échéant des évolutions ».
(1) Disp. sur