Dans un arrêt du 23 février, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour avoir maintenu en détention pendant une longue période une personne atteinte de graves troubles mentaux et ainsi avoir violé l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme qui interdit les traitements inhumains ou dégradants. Elle a aussi jugé que de tels faits contrevenaient aux règles pénitentiaires européennes de 2006, selon lesquelles les détenus souffrant de troubles mentaux graves doivent pouvoir être placés et soignés dans un service hospitalier doté de l’équipement adéquat et disposant d’un personnel qualifié.
Les faits sont les suivants : atteint d’une psychose chronique de type schizophrénique générant des troubles hallucinatoires, des délires et des conduites agressives et addictives, le requérant a alterné les périodes d’incarcération et d’hospitalisation en milieu psychiatrique entre 1996 et 2004. Puis il a été condamné en 2008 à une peine de dix années de réclusion criminelle pour avoir incendié en 2005 sa cellule et provoqué la mort de son codétenu. Un an plus tard, en appel, il a été déclaré irresponsable pénalement et hospitalisé d’office, la cour d’assises ayant estimé qu’il « présentait des troubles mentaux nécessitant des soins et pouvant compromettre la sûreté des personnes notamment par rapport à l’imprévisibilité de ses passages à l’acte liée à sa grave pathologie mentale ».
Dans son arrêt, la CEDH relève la répétition et la fréquence des hospitalisations de l’intéressé entre 2005 et 2009 : au cours de sa détention au sein de la maison d’arrêt des Baumettes, il a en effet été placé en service médico-psychologique régional (SMPR) plus de 12 fois et a fait l’objet d’hospitalisations d’office à sept reprises. Pour la Cour, l’alternance des soins, en prison et dans un établissement spécialisé, et de l’incarcération a manifestement fait obstacle à la stabilisation de l’état de l’intéressé, « démontrant ainsi son incapacité à la détention au regard de l’article 3 de la convention ». Les juges observent en outre que les conditions matérielles de détention du requérant au sein du SMPR des Baumettes ont été sévèrement critiquées par les autorités nationales, dont la Cour des comptes qui n’a pas hésité à les qualifier de « conditions indignes ».
En conséquence, la CEDH estime que le maintien en détention du requérant a entravé son traitement médical et lui a infligé une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention.