Depuis sa nomination en 2008, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, veille au respect des droits fondamentaux des personnes enfermées. Avec son équipe – une trentaine de contrôleurs aux parcours variés (magistrat, psychiatre, général de gendarmerie, inspecteur de l’aide sociale à l’enfance…) –, il enquête sur le terrain dans tous les lieux d’enfermement : prisons, hôpitaux psychiatriques, centres de rétention, locaux de garde à vue, zones d’attente, etc. Plutôt rétif aux caméras, Jean-Marie Delarue a fait une exception pour celle de Stéphane Mercurio, auteure en 2008 du documentaire A côté sur les familles de détenus (1). « A ses yeux, le film précédent est la garantie que je saurai respecter ceux qui nous feront confiance. Dès ce moment, ma liberté est totale et son engagement sans faille », raconte la réalisatrice. Pendant plusieurs mois, elle suit donc les contrôleurs dans leurs déplacements. Avec l’accord des personnes enfermées et des professionnels, notamment les surveillants de prison, les infirmiers psychiatriques, les directeurs d’établissement, elle filme les chambres, les cellules, les entretiens, les cours de promenade et les petits incidents. Dans A l’ombre de la République (2), détenus et malades confient aux contrôleurs les multiples petits dysfonctionnements des établissements, les atteintes involontaires ou délibérées à leurs droits. Téléconseillère expérimentée, une détenue de la maison d’arrêt de Versailles est ainsi forcée de quitter les ateliers pénitentiaires, où elle se plaisait, pour rejoindre le centre d’appels installé dans la prison par un opérateur privé. D’autres, hospitalisés en psychiatrie à Evreux, y sont gardés en isolement total, privés de leur droit de visite sur consigne de la préfecture. Faute de matériel, les condamnés de la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré (Charente-Maritime) se contentent de fourchettes et de poêles à frire pour entretenir un potager… Comme une bouffée d’humanité dans des institutions qui en manquent cruellement, la mission des contrôleurs apparaît alors dans toute sa profondeur : redonner chair et âme à des êtres humains qui s’effacent lentement, tenus à l’écart de leurs semblables dans des lieux invisibles.
A l’ombre de la République – Stéphane Mercurio – 1 h 40 – En salles le 7 mars – Programmation prévue dans une cinquantaine de salles, souvent suivie de débats avec la réalisatrice, des associations ou des représentants du CGLPL –
(1)
(2) Ce documentaire avait déjà bénéficié d’une diffusion sur Canal+ au début 2011.