Parce qu’il a le teint clair et de l’éducation, Cipango ne ressemble pas aux autres sans-papiers. Parti d’Ossétie du Sud pour rejoindre une France fantasmée, terre de culture et de liberté, il échoue sur un littoral splendide, mais quadrillé par les forces de l’ordre. Recueilli par Théo, un original un peu fou, il trouve à s’employer dans un restaurant de bord de plage. Commence alors pour lui la découverte d’une société française contrastée, au fil des rencontres avec une galerie de personnages hauts en couleur : ses collègues du bar, une comtesse philanthrope, un photographe chinois, un enfant d’immigré algérien, puis, après son départ vers le Nord, des ouvriers militants défendant bec et ongles leur monde de labeur. Avec Free Rider, l’écrivain et poète Jean-Luc Yacine, ex-infirmier en psychiatrie, s’éloigne du genre documentaire qui sied le plus souvent à la question pour aborder l’immigration illégale par le biais du roman. Rédigé dans une langue riche et lyrique, foisonnant de références à la culture classique, le livre tient de la fable, avec ses figures stéréotypées : le voisin raciste par qui la dénonciation peut arriver, le clan gitan qui accueille l’exilé sans poser de questions, les ouvriers solidaires et chaleureux, etc. Emaillé de petites violences, de vexations et de découvertes déplaisantes, le parcours du héros de Free Rider s’achève sur une note désenchantée : la décision de rentrer au pays, malgré la peur de la prison, malgré la guerre et la répression. Car « pour être humilié, tant qu’à faire, autant l’être par les gens de chez soi, il n’y a pas ce sentiment de rabaissement en plus ».
Free Rider – Jean-Luc Yacine – Ed. L’Harmattan, coll. « Ecritures » – 17 €