Instituées par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement dans l’objectif notamment de rapprocher toutes les instances susceptibles de venir en aide au locataire en difficulté, les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) ne se sont mises en place que tardivement, « au cours du deuxième semestre 2010 et du premier semestre 2011 » (1). Quel regard peut-on porter aujourd’hui sur le dispositif ? Dans une étude qui vient de paraître, l’Association nationale pour l’information sur le logement (ANIL) en dresse un premier bilan mitigé, notamment en termes de cohérence (2).
En premier lieu, l’étude pointe la grande hétérogénéité des pratiques. « Désireux de tirer le meilleur parti des expériences déjà conduites au plan local, l’Etat a laissé une latitude importante aux acteurs locaux pour définir tant le champ de compétence que les modalités de fonctionnement » du dispositif, expliquent ses auteurs. Résultat : des formes d’organisation territoriale très variées mais aussi et surtout des interprétations différentes de la mission des CCAPEX. Certains départements les cantonnent ainsi dans l’observation et l’évaluation des actions de prévention des expulsions conduites par les différents acteurs concernés. D’autres leur confient au contraire le traitement de l’ensemble des dossiers. De même, toutes les commissions n’ont pas la même définition des circonstances justifiant leur saisine, et cela sans lien direct avec la situation effective du marché du logement ou le nombre de décisions judiciaires dans le département.
Tout cela se reflète dans le nombre de dossiers qu’elles examinent « qui varie du tout au tout », certaines commissions n’en traitant que quelques-uns alors que d’autres sont à la limite de leur capacité de fonctionnement.
Mais c’est surtout « l’absence d’une véritable phase d’instruction préalable des dossiers » qui constitue « l’une des principales faiblesses des commissions ». « De ce fait, les réunions consistent souvent à mettre en commun les informations dont disposent les divers participants à propos d’un même dossier, mais se limitent à renvoyer le dossier vers le service social si le lien avec le ménage n’a pas été établi ou s’il se trouve rompu. » Dès lors, regrettent les auteurs, « la commission est dans l’impossibilité de rendre un avis ou une recommandation efficace ».
Une autre difficulté tient à « l’insuffisante coordination de l’intervention des CCAPEX avec celle des autres dispositifs d’aide publique qui peuvent avoir affaire avec les ménages menacés d’expulsion notamment en matière de surendettement ». L’étude déplore, en particulier, que le représentant de la commission départementale de surendettement – dont la présence est facultative – soit rarement présent lors des réunions, alors qu’il pourrait délivrer des informations cruciales pour permettre d’adapter au mieux et au bon moment les avis de l’instance à la situation du ménage. De, même, « l’implication des travailleurs sociaux […] du conseil général dans les CCAPEX, essentielle au bon fonctionnement du dispositif, semble très variable ».
En conclusion, l’ANIL avance plusieurs préconisations découlant directement de ces constats. Elle plaide notamment pour que la vocation des CCAPEX, leurs règles de saisine et de traitement des dossiers soit mieux définies. Elle suggère également qu’une instruction préalable à l’examen des dossiers soit réalisée de façon systématique par un opérateur unique désigné par la commission.
(1) Pour mémoire, une CCAPEX est compétente pour l’ensemble des impayés locatifs. Elle examine également les expulsions locatives non liées à des impayés et peut être saisie lorsque le risque d’expulsion résulte de troubles de voisinage ou de reprise du logement par le bailleur à la fin du bail pour vente ou occupation personnelle. Concrètement, elle émet des avis destinés aux instances décisionnelles. Elle peut aussi émettre des recommandations à l’intention des partenaires œuvrant localement à la prévention des expulsions. La création des CCAPEX a été dans un premier temps facultative, avant d’être rendu obligatoire par la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions du 25 mars 2009.
(2) Etude disponible sur