PLONGE EN PROFONDEUR. A première vue, Michel Paquot n’aurait jamais dû se retrouver à la rue. Elevé dans une famille de la classe moyenne de la banlieue de Liège (Belgique), travailleur, il quitte dans les années 1980 les brumes de la Wallonie pour le soleil de la Côte d’Azur. Embauché à la plonge dans un palace, il gravit les échelons à la force du poignet, jusqu’à la consécration : à quelques semaines de la retraite, le chef lui confie les rênes de l’illustre maison. Mais une décision hasardeuse – quitter la routine d’une place sûre pour l’attrayante nouveauté d’un restaurant en création –, conjuguée à un accident vasculaire cérébral qui le laisse en partie handicapé, révèle la précarité de sa situation : payé au noir pendant des années, il n’a ni assurance chômage ni sécurité sociale. Et plus aucun lien, non plus, avec une famille qui ne lui a jamais procuré beaucoup de chaleur. C’est alors que la machine s’emballe, en moins de temps qu’il n’en faut pour comprendre : un beau jour, le patron de l’hôtel qui loge Michel Paquot à crédit décide de récupérer la chambre, dans laquelle il abandonne toutes ses affaires. « Et la rue, cette rue jusque-là familière, dans laquelle il entre, devient tout d’un coup un monde effrayant. »
Michel Paquot vit depuis trois ans à l’unité d’hébergement d’urgence (UHU) de la ville de Marseille, quand il rencontre l’écrivain Lucien Tanguy, à qui il raconte son histoire. Précis, détaillé, heureusement dépourvu de tout misérabilisme, son récit aurait mérité une construction moins linéaire et plus rythmée. Reste un témoignage fourni sur le quotidien de la rue, sa violence, ses solidarités passagères, et le combat d’un homme contre l’engourdissement de son humanité.
Regardez-moi ! Michel Paquot, du quatre étoiles à la rue – Lucien Tanguy – Ed. des Sourciers (