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Une recherche explore ce que « nourrir » signifie en milieu précaire

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Les femmes de milieu défavorisé ne parlent pas facilement de leur alimentation. « En effet, autant elles peuvent partager des trucs et astuces sur des recettes, autant aborder les mets qu’elles proposent à leur famille au quotidien relève du domaine privé car ceux-ci sont souvent soumis à la variation des revenus », note Ana Masullo, auteure d’une recherche doctorale sur les pratiques alimentaires des mères de famille en milieu précaire (1), qu’elle a présentée lors d’une conférence au Fonds français pour l’alimentation et la santé (2). Pendant plusieurs années, à Paris, en banlieue parisienne et dans le nord de la France, elle a rencontré des mères d’enfants en bas âge dans des services de la protection maternelle et infantile, dans les parcs de quartiers ou dans des centres sociaux lors d’ateliers de cuisine. Son enquête visait à montrer que leurs pratiques alimentaires répondent à leurs conditions de vie et matérielles particulières et qu’elles relèvent de logiques différentes de celles des autres milieux sociaux. En effet, la vie de ces femmes, pour la plupart mères au foyer, tourne en grande partie autour de la préparation des repas et de la surveillance de la prise alimentaire des enfants.

Premier constat : elles ne proposent pas à leur famille des menus diversifiés, notamment parce que, selon elles, passer à table doit rester un moment de plaisir. « Mon mari, je ne le vois que le soir, je me vois pas lui servir des légumes […] C’est pas motivant ! C’est pas agréable, c’est pas bon », témoigne une jeune femme. « La priorité n’est ni la diététique ni l’équilibre alimentaire comme cela peut être le cas dans les milieux plus favorisés. En effet, les mères ne veulent pas ajouter une contrainte morale aux contraintes budgétaires », analyse Ana Masullo. La chercheuse note que ces femmes sont, par ailleurs, dans le « sacrifice » permanent. Elles cuisinent essentiellement pour faire plaisir à leur famille. « Quand je leur demandais ce qu’elles aimaient manger, elles ne savaient pas quoi répondre car elles pensent aux goûts de leurs enfants ou de leur conjoint avant le leur. Elles mangent d’ailleurs moins qu’eux car elles les servent en premier. Il peut leur arriver de sauter des repas. » En cas de problèmes de santé ou quand elles sont en­ceintes, elles font attention ponctuellement à leur alimentation et reprennent ensuite les « mauvaises habitudes ».

La trajectoire de vie de ces femmes a un impact sur leurs pratiques alimentaires : certaines ont vécu à l’hôtel ou dans des conditions d’insalubrité et n’ont pas pu cuisiner durant cette période. Parfois, elles n’ont toujours pas de congélateur ou manquent d’ustensiles. Pour ces femmes, ce manque de moyens, ajouté à un manque d’argent, est source de stress permanent.

Pour les courses, ces femmes multiplient les canaux d’approvisionnement. « Elles sont à l’affût de promotions et sont capables de parcourir plusieurs magasins – la plupart du temps des hard-discounters – pour payer tel ou tel produit moins cher », précise Ana Masullo, qui pointe que celles qui vivent en banlieue ont moins de choix que celles qui habitent dans une grande ville et sont aussi limitées dans leurs achats par le fait qu’elles n’ont pas de véhicule. « Souvent, les courses sont faites au jour le jour. »

Ces femmes rêvent néanmoins d’un caddie plein, de grandes surfaces hors hard-discount, de produits de marque ou de denrées alimentaires « plaisir ». Elles veulent que leurs enfants mangent comme les autres, car l’alimentation est un facteur d’intégration sociale.

Notes

(1) « Paroles de femmes et de mères : ce que “nourrir” signifie en milieu précaire » – Ana Masullo – INRA, Ivry-sur-Seine.

(2) Fonds français pour l’alimentation et la santé : 42, rue Scheffer – 75116 Paris – www.alimentation-sante.org.

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