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Régies de quartier : le couteau suisse du social ?

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Les régies de quartier n’ont pas qu’un rôle d’insertion socio-professionnelle. Implantées dans les quartiers en difficulté, ces associations de l’économie solidaire participent à la construction d’une citoyenneté urbaine en améliorant le cadre de vie d’un territoire, en proposant des services d’utilité sociale et en tissant du lien.

Quartier des Tilleuls, au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), à la fin des années 1990. Des professionnels de la politique de la ville et des responsables associatifs s’interrogent sur le lien entre taux de chômage et violence. Pour développer l’emploi dans le quartier et retisser du vivre ensemble, ils créent, en mai 2000, l’association de la régie de quartier du Blanc-Mesnil, implantée dans le centre social des Tilleuls, administrée conjointement par des élus, des bailleurs sociaux, des habitants et des partenaires locaux (club de prévention, plan local pour l’insertion et l’emploi [PLIE]…). Près de 15 ans plus tard, la régie regroupe une entreprise d’insertion de nettoyage et d’entretien qui emploie une trentaine de personnes, un chantier d’insertion de repassage de six salariés et un service de correspondants de nuit. C’est désormais un partenaire incontournable pour tous les acteurs du quartier, qu’on sollicite pour connaître les derniers événements locaux, animer une fête, trouver des postulants à un stage de conduite…

Outil de gestion urbaine, dispositif d’insertion par l’activité économique (IAE), instrument de mobilisation citoyenne, démarche territoriale impliquée dans la politique de la ville, structure d’économie solidaire… : la régie de quartier du Blanc-Mesnil est plus ou moins tout cela, à l’image de la plupart de ses homologues. « Aventure collective qui associe un ensemble d’acteurs désireux d’apporter des réponses concrètes aux besoins d’un territoire », une régie de quartier relève d’une « alchimie complexe entre économie solidaire, participation des habitants et développement local », note le Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ), qui regroupe l’ensemble de ces structures en France. « Concept plastique et polysémique », précise pour sa part le sociologue Marc Hatzfeld dans un ouvrage sur le sujet (1), une régie de quartier est à la « convergence de filiations multiples » tant politique qu’économique, associative, syndicale ou issue des luttes urbaines. « C’est beaucoup de choses parce que de nombreux acteurs y sont impliqués, qu’ils ont, de par leur rôle, leur posture, leur fonction, différents points de vue et que la régie se fixe justement pour objet de confronter ces points de vue dans une action concrète, sur un lieu concret », explique-t-il.

Ces structures multi-facettes, qui s’incarnent dans une forme bien connue – le statut d’association loi 1901 –, ont obtenu un label (voir encadré, page 35) qui garantit notamment deux principes centraux : la proximité, avec une implantation au cœur du quartier, et la participation des habitants, qui passe entre autres par la place qui leur est réservée dans le conseil d’administration de l’association. « Les régies de quartier se sont créées à partir du postulat que les habitants, lorsqu’ils sont associés à la gestion du quotidien de leur quartier, peuvent améliorer leur cadre de vie », explique Clotilde Bréaud, présidente du CNLRQ. « Elles mettent en branle une réflexion partagée, qui implique également la municipalité et les bailleurs, autour de la question : qu’est-ce qu’on développe et qu’est-ce qu’on produit sur le quartier ? », précise Régis Mitifiot, directeur de Regards (Régie arlésienne de développement solidaire), la régie de quartier d’Arles (Bouches-du-Rhône).

Définies collectivement, les activités proposées par les régies visent à répondre localement à des besoins non satisfaits. Historiquement, la plupart ont trait à la gestion urbaine de proximité : embellissement de la ville, entretien des immeu­bles, des parties communes et des espaces verts, gardiennage, petite maintenance, médiation sociale… Point commun : elles peuvent être réalisées par des personnes en difficulté dans le cadre d’un parcours d’insertion professionnelle.

Un relais vers l’insertion

C’est donc tout naturellement que les régies de quartier sont devenues des acteurs reconnus de l’insertion par l’activité économique. 80 % d’entre elles ont un conventionnement comme entreprise d’insertion et/ou comme chantier d’insertion. Bénéficiaires d’un accompagnement socio-professionnel individualisé, les salariés ont la possibilité de s’engager dans un parcours d’insertion complet au sein de la régie, allant du chantier d’insertion à l’entreprise d’insertion jusqu’à l’obtention d’un contrat de travail de droit commun (2). « Parfois, on est le premier relais, les gens viennent nous voir car ils nous connaissent par un ami, un parent qui a travaillé à la régie, note Régis Mitifiot. On accueille tout le monde mais on ne démarre le suivi qu’après avoir contacté nos partenaires (Pôle emploi, mission locale…) pour créer une dynamique dans le cadre d’un projet personnalisé. »

Des solutions de travail adaptées sont proposées. A Arles, par exemple, des femmes du quartier sont embauchées pour l’entretien de halls d’immeubles de 8 h 30 à 11 h 30 pendant que leurs enfants sont à l’école. « C’est l’occasion pour elles de reprendre une activité, malgré leurs contraintes familiales. Ensuite, si elles peuvent et souhaitent faire garder leurs enfants, on peut leur proposer un parcours plus professionnalisant », explique Régis Mitifiot. Si le PLIE soutient depuis le départ la régie (notamment via le financement d’une partie d’un poste d’accompagnateur socioprofessionnel), il veille néanmoins à « ne pas distordre l’outil : la régie ne vise pas forcément l’accès direct à l’emploi ; elle doit plutôt permettre au public de se poser dans le cadre d’un accompagnement social », avance Elsa Ginesy, responsable du PLIE à la communauté d’agglomération ACCM (Arles-Crau-Camargue-Montagnette). De fait, le suivi est l’occasion d’aborder des problématiques liées à la santé, à l’accès à la culture… à travers toute une palette d’ateliers annexes : informatique, alphabétisation, groupe de parole, théâtre, valorisation de l’estime de soi…

Bien que très similaires par de nombreux aspects aux autres structures de l’insertion par l’activité économique, les régies de quartier s’en distinguent de deux façons. La première réside dans leur ancrage territorial : généralement situées aux pieds des immeubles, elles embauchent à près de 90 % des habitants du quartier (hors personnel technique) avec l’idée de valoriser leur expertise territoriale. Bons connaisseurs des lieux, au courant des derniers événements, ceux-ci peuvent intervenir rapidement et à bon escient dans des quartiers souvent délaissés par les pouvoirs publics. « On travaille sur le sentiment d’appartenance et la responsabilité : les habitants sont fiers de nettoyer leur quartier et ils mettent du sens dans ce qu’ils font. D’ailleurs quand ça ne va pas, tous les habitants nous le font savoir ! », observe Régis Mitifiot.

Le risque de ghettoïsation ? S’il existe, les acteurs des régies de quartier pré­fèrent mettre l’accent sur l’étape que peut constituer le fait de travailler dans son quartier. « Cela permet de se réconcilier avec le travail de façon sécurisante et valorisante pour pouvoir ensuite reprendre sa vie en main et, pourquoi pas, trouver un emploi à l’extérieur du quartier », observe le directeur de la régie d’Arles.

Ancrage territorial

Cette destinée commune entre les régies de quartier et leur territoire, liée à la place centrale qu’y tiennent les habitants, se cristallise dans un chiffre : deux tiers des régies sont les premiers employeurs de leur quartier (hors acteurs publics). Celle de Cenon (Gironde), avec une quarantaine de salariés (équivalent temps plein), est même un des plus gros employeurs de la ville. « C’est un apport économique considérable ! », observe Clotilde Bréaud. D’autant que, même s’ils sont à analyser avec précaution, les taux de sortie en emploi – autour de 55 % pour la moyenne nationale – sont globalement très positifs.

Seconde différence d’avec les chantiers d’insertion et les entreprises d’insertion : l’importance du volet associatif de la régie. « A l’inverse des autres structures de l’IAE, le salarié en insertion d’une régie de quartier ne fait pas que bénéficier d’un accompagnement technique et socioprofessionnel, il doit aussi faire corps avec le projet de la régie qui vise à l’impliquer dans l’amélioration de son cadre de vie. L’insertion par l’activité économique n’est pas une vocation mais un outil pour mobiliser les habitants dans leur quartier », résume Mourad Aït Kaci, directeur de la régie de quartier du Blanc-Mesnil. « L’emploi n’est qu’un moyen pour permettre aux habitants d’accéder à une citoyenneté active, de s’impliquer et de se réapproprier l’espace public », explique également Zinn Din Boukhénaïssi, délégué général du CNLRQ.

Pour jouer ce rôle moteur, les régies de quartier offrent, en parallèle ou insérée dans leur activité d’insertion, toute une série de services de proximité à forte utilité sociale dont le but n’est pas de gagner de l’argent mais de partager des moments de rencontre et d’échange entre habitants : laverie solidaire, café associatif, friperie, salon de coiffure, garage social, espace multimédia, jardin partagé… Depuis le début des années 1990, certaines d’entre elles proposent également un service de médiation sociale dont les correspondants de nuit, chargés d’assurer la tranquillité des habitants en régulant les conflits et en favorisant le dialogue, font figure d’artisans du lien social (3).

Les régies se placent d’ailleurs clairement sur ce terrain, plus politique, du « vivre ensemble ». En témoignent les multiples activités d’animation du quartier (organisation de fêtes, travail autour de la mémoire d’un quartier, soutien aux initiatives d’habitants, lutte contre les discriminations…) qui s’appuient tant sur le dynamisme de ses bénévoles que sur les salariés (en insertion ou non) et la qualité des liens noués avec les autres acteurs. Pour nourrir d’une réflexion plus globale cette multitude de petites actions, le CNLRQ a d’ailleurs mis sur la table, lors des Assises nationales des régies de quartier en novembre 2010, une cinquantaine de propositions (4), issues des débats nés à la suite des émeutes urbaines de novembre 2005. Les thèmes abordés (politique migratoire, commande publi­que socialement responsable, sécurité, autonomie des jeunes, démocratie de proximité, etc.), très larges, visent à « constituer un mouvement dynamique pour un changement social », selon Clotilde Bréaud (5). Au programme en 2012 : l’organisation de débats locaux sur l’histoire des quartiers populaires et l’histoire de l’immigration. « Ce travail d’éducation populaire, notamment auprès des jeunes, fait partie du volet “accès à la citoyenneté” des régies : l’enjeu, pour nous, est de former les habitants à la chose publique », rappelle Zinn Din Boukhénaïssi.

Des ressources hybrides

Cette imbrication d’activités marchandes et non marchandes, qui constitue la singularité des régies de quartier, ne va toutefois pas sans difficulté. Comment faire des choix économiques qui ne mettent pas en danger la viabilité financière de ces structures tout en servant leur projet social ? Car l’hybridation des ressources, qui permet aux régies de financer leurs actions d’utilité sociale grâce à l’excédent généré par les activités marchandes, repose sur un équilibre précaire. « On a des idées, des réponses mais nos activités purement sociales sont de plus en plus difficiles à développer, explique Régis Mitifiot. Aujourd’hui, nous finançons un atelier informatique sur nos fonds propres et nous avons un projet de développement d’une laverie de quartier. Or nous avons perdu un marché avec un bailleur. Sur le long terme il va nous ­falloir faire des choix… » Même constat pour Zinn Din Boukhénaïssi. Selon lui, l’enjeu principal aujourd’hui consiste d’ailleurs à « faire reconnaître et rémunérer les activités de participation des habitants qui prennent beaucoup de temps ». Et de prendre pour exemple le nettoyage des parties communes d’immeubles : « Il y a une dizaine d’années, cette activité technique était quasiment toujours doublée d’une activité sociale avec, par exemple, l’invitation des habitants de l’immeuble à partager un café régulièrement. Aujourd’hui, c’est devenu très rare… »

De fait, l’environnement législatif et réglementaire évolue. « Les régies sont à la fois des associations avec une vie interne qui doit être forte et des entreprises qui emploient du personnel dont une partie importante relève du droit du travail ­classique, explique Clotilde Bréaud. Or, depuis une dizaine d’années, le contexte réglementaire se complexifie, ce qui demande de la part des équipes dirigeantes de grandes compétences aussi bien sur le volet employeur que sur le volet insertion ; elles doivent également avoir des talents de négociation avec les bail­leurs, les élus… et savoir gérer la vie associative avec un conseil d’administration qui regroupe une multitude d’acteurs aux intérêts divergents. »

En outre, les partenaires institutionnels ont tendance à cantonner les régies de quartier dans leur rôle d’insertion socio-professionnelle – avec une pression sur les chiffres de retour à l’emploi de plus en plus forte qui fait courir le risque d’une sélection des publics les moins éloignés de l’emploi – aux dépens de leur mission sociale et d’accès à la citoyenneté, forcément moins évaluable.

Les régies de quartier doivent également faire face à la diminution globale des financements publics. Bien qu’elles s’autofinancent à hauteur de 75 % en moyenne, elles s’inquiètent de l’effritement des aides aux postes dans le cadre des conventionnements IAE, de la baisse des subventions liées aux contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) au titre de la politique de la ville et de la fragilité de l’aide des conseils généraux pour l’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).

Leurs ressources propres sont également à la peine. Avec la crise économique, certaines entreprises revoient à la baisse leurs contrats de sous-traitance et les donneurs d’ordre – notamment les bailleurs et les collectivités locales qui fournissent aux régies la grande majorité de leurs marchés – serrent la vis : ils optent de plus en plus souvent pour des entreprises de propreté qui pratiquent des prix cassés.

Cette concurrence s’est accentuée avec la généralisation, depuis une dizaine d’années, du recours aux procédures de marché public qui ont remplacé peu à peu les marchés de gré à gré et les subventions versées par les collectivités locales sur la base de conventions d’objectifs, plaçant les régies de quartier sur un pied d’égalité avec les entreprises privées. « Si seul le critère de coût est pris en compte, et pas celui de la proximité et de l’accompagnement social, nous sommes évidemment en difficulté », constate Régis Mitifiot. « C’est une problématique qui dépasse largement le cadre des régies mais qui nous impacte fortement, explique Zinn Din Boukhénaïssi. Au-delà du fait que cela rassure les élus et surtout leur service juridique, le recours au marché public est également une posture idéologique qui revient à considérer que tout doit être mis sur le marché, ce qui fragilise les acteurs qui sont bien implantés sur un territoire par rapport aux opérateurs privés qui se situent dans une logique de rentabilité. » Le risque de délaisser les régies de quartier est d’autant plus grand que les acteurs publics lorsqu’ils lancent des appels d’offres rechignent à utiliser les clauses sociales, pourtant prévues dans le code des marchés publics (6). A l’instar de son article 14 qui stipule qu’une partie de l’activité doit être réalisée par des personnes en insertion. Ou de son article 30, le plus adapté aux régies de quartier, qui précise que la prestation technique doit s’accompagner d’une prestation d’insertion. « C’est dommage car ces clauses sont tout à fait sécurisées », déplore Zinn Din Boukhénaïssi. Même la charte nationale d’insertion de l’ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine), qui fait des régies de quartier des pres­tataires privilégiés dans le cadre des opérations de rénovation urbaine, notamment pour la gestion urbaine de proximité, n’a pas eu les résultats escomptés. En outre, peu de donneurs d’ordre prennent la peine d’« allotir » (autrement dit, de fractionner) les marchés, les rendant accessibles aux régies.

Face au marché

Dans ce contexte tendu, la perte d’un marché peut avoir de graves conséquences. Comme à Cenon : en 2008, la démolition de trois tours et d’une barre a mis fin au contrat d’entretien que la régie de quartier avait signé avec le bailleur gestionnaire. Conséquence : un résultat négatif de 68 000 €. Elle a aujourd’hui en partie rétabli son équilibre économique grâce au soutien de ses partenaires : la ville de Cenon, le conseil régional, le conseil général et la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) lui ont attribué, fin 2009, une aide à la consolidation de 80 000 € (20 000 € chacun), à laquelle s’ajoute une subvention de fonctionnement de la municipalité (50 000 € par an). Et de nouvelles prestations réalisées pour le compte des bailleurs administrateurs de la régie ont permis de stabiliser sa situation. Parmi ces derniers, Domofrance, premier bailleur social (avec 1 200 logements) au sein du quartier Palmer de la ville, a joué un rôle de premier plan en s’impliquant fortement dans la création, en 2010, d’une ressourcerie dont la régie assure la gestion. Outre qu’il génère une dizaine d’emplois dans le cadre d’un chantier d’insertion, ce service est un lieu d’échange et de rencontre dont la mission consiste à collecter, réparer, rénover, transformer et remettre en circulation, via une boutique, des objets abîmés pour leur donner une seconde vie. Des ateliers participatifs sensibilisent également les habitants volontaires aux enjeux du tri sélectif et à la gestion des encombrants.

Principal intérêt pour Domofrance qui a accompagné le projet, mis à disposition un local et propose des stages – voire un emploi – aux salariés en insertion de la ressourcerie : lutter contre la détérioration du cadre de vie des habitants liée aux dépôts sauvages d’encombrants ménagers dont le coût ne cessait d’augmenter. « Nous avons tout avantage à soutenir ce type de projet qui allie insertion, économie solidaire et lien social, car nos locataires, qui sont fortement touchés par la précarité, peuvent en bénéficier soit en tant que salariés, dans le cadre d’un retour à l’emploi, soit en tant qu’habitants en termes de régulation sociale », explique plus largement David Seys, directeur des études et des financements à Domofrance. « C’est un partenariat très privilégié et novateur, une implication qui va bien au-delà du simple donneur d’ordre et qu’on souhaiterait étendre à d’autres bailleurs », se réjouit Minh-Nguyêt Dinh, directrice de la régie de quartier de Cenon.

Ce type d’action, même s’il reste rare, montre combien les régies peuvent tirer profit de leur statut mixte (marchand et non marchand) pour inventer des formules originales au carrefour de plusieurs logiques économiques, et à la croisée de secteurs nouveaux – comme celui du développement durable (7), dont le potentiel de création d’emplois est immense. En témoigne, par exemple, la multiplication des projets de ressourceries ou de jardins solidaires au sein du réseau.

Preuve que, malgré les difficultés, cet outil est sans doute plus adapté que d’autres pour résister à la morosité actuelle, une douzaine de régies sont actuellement en cours de création (alors que le nombre de disparitions stagne depuis une dizaine d’années). Et le nombre d’emplois créés par chaque régie augmente : l’effectif moyen est passé d’une trentaine de salariés en 2005 à une cinquantaine aujourd’hui.

Certains décèlent même, dans les quartiers défavorisés, un repositionnement des différentes structures associatives, en faveur des régies. Comme à Arles. « Contrairement aux centres sociaux, qui se replient sur le champ du loisir, la régie de quartier a tendance à prendre de plus en plus d’importance, notamment en ce qui concerne les actions de mobilisation des habitants », constate Yannick Barbeau, responsable de la politique de la ville au sein de la communauté d’agglomération ACCM. Il souligne également le rôle pivot qu’elle joue dans la constitution de réseaux locaux liés à l’insertion par l’activité économique et à l’économie solidaire.

Dans le secteur de l’économie solidaire, justement, les régies s’appuient sur une logique économique particulièrement efficace en temps de crise : « Les habitants paient des charges locatives aux bailleurs, lesquels achètent à la régie un service de nettoyage et d’entretien qui lui permet de rémunérer des habitants : c’est un circuit court qui crée de la richesse dans le quartier », explique Régis Mitifiot. La démarche a d’ailleurs l’avantage de répondre à la grande sensibilité des pouvoirs publics à la question de l’emploi dans les zones défavorisées. « Nos partenaires, y compris les services de l’Etat, sont très vigilants : la disparition d’une régie, c’est un drame pour un territoire », observe Zinn Din Boukhénaïssi.

Coup de pouce

Confirmation du fait que ces structures sont considérées comme un dispositif ­pertinent par les pouvoirs publics : les parlementaires leur ont accordé, fin 2010, par dérogation à la loi Borloo de juillet 2005, la possibilité de bénéficier d’avantages fiscaux pour leurs activités de services à la personne. Le coup de pouce est loin d’être négligeable puisqu’il devrait permettre aux régies de signer de nouveaux partenariats avec les bailleurs et les centres communaux d’action sociale pour des missions de petite maintenance ou de portage de repas à domicile par exemple. Le décret d’application devrait paraître très prochainement.

QUELQUES DATES

Début des années 1980 : création de la première régie dans le quartier en cours de rénovation de l’Alma-Gare à Roubaix, portée par la mobilisation des habitants dans une dynamique auto-gestionnaire de lutte urbaine. S’inspirant de l’expérience de Roubaix, deux autres régies, à Marseille et à Meaux, se constituent dans la mouvance du développement social des quartiers (DSQ).

Années 1980 : multiplication du nombre de régies de quartier.

1988 : création du Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) (8).

1991 : élaboration de la charte nationale des régies de quartier.

1993 : élaboration du manifeste des régies de quartier.

1998 : reconnaissance des régies de quartier comme dispositif à part entière dans la loi relative à la lutte contre les exclusions, qui les autorise à conclure des conventions d’entreprise d’insertion et de chantier d’insertion avec l’Etat.

DES STRUCTURES LABELLISÉES

 Près de 140 régies de quartier, employant environ 7 500 personnes par an, regroupent une pluralité d’acteurs – les conseils d’administration des associations comptent des habitants du quartier, des collectivités locales et des bailleurs sociaux, qui sont membres de droit, mais aussi des acteurs du développement économique et de la politique de la ville, des associations de quartier, des clubs de prévention, des centres sociaux…

 Près de 90 % des régies sont situées dans des quartiers de la politique de la ville. Elles interviennent à l’échelle d’un ou de plusieurs quartiers, voire de la ville.

Elles proposent notamment des services de gestion urbaine et sociale (entretien, embellissement, veille, médiation sociale, services de proximité à forte utilité sociale…), dont certaines s’inscrivent dans le champ de l’insertion par l’activité économique.

Ces structures visent le développement économique et social d’un quartier ainsi que la mobilisation de ses habitants en vue d’améliorer les relations humaines, de participer à la requalification du quartier et de construire une citoyenneté active.

 Pour être identifié comme régie de quartier, il faut obtenir le label « régie de quartier » auprès du Comité national de liaison des régies de quartier (CNLRQ) en se mettant en conformité avec la charte nationale des régies de quartier (9) et en adhérant aux valeurs énoncées dans le manifeste des régies de quartier (10).

Notes

(1) Topo-guide des régies de quartier, Tisser le lien social – Ed. Desclée de Brouwer, 1998.

(2) 50 % des contrats de travail des régies de quartier sont de droit commun, 20 % sont des contrats aidés du secteur marchand, 20 % des contrats aidés du secteur non marchand et 10 % des contrats divers (d’apprentissage, de professionnalisation, adultes-relais…).

(3) Le CNLRQ a d’ailleurs publié un guide intitulé Correspondants de nuit et mis en place des actions de professionnalisation des métiers de la médiation.

(4) Qui a donné lieu à la publication d’un livret Une parole politique pour un mieux vivre ensemble – Disponible sur www.cnlrq.org/medias/files/2010-CNLRQ-Livret-Assises.pdf.

(5) Info-Réseau, Journal d’information du CNLRQ – n° 52 – Février-mai 2011

(6) Outil d’aide à la décision pour les régies de quartier et leurs partenaires, une édition actualisée du Guide d’utilisation de la commande publique. Pour une politique d’achat socialement responsable est disponible auprès du CNLRQ : 54, avenue Philippe-Auguste – 75011 Paris – Tél.01 48 05 67 58 – accueil@cnlrq.org.

(7) Un groupe de travail sur ce thème existe au sein du CNLRQ depuis janvier 2011, notamment pour explorer le champ de la lutte contre la précarité énergétique : gestion de l’eau, tri des déchets, autoproduction alimentaire, éducation à l’environnement…

(8) CNLRQ : 54, avenue Philippe-Auguste – 75011 Paris – Tél.01 48 05 67 58 – accueil@cnlrq.org – www.cnlrq.org.

(9) www.cnlrq.org/medias/files/ charte.pdf.

(10) www.cnlrq.org/medias/files/ manifeste.pdf.

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