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Le Conseil d’Etat élève le droit à l’hébergement d’urgence au rang de liberté fondamentale

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Dans une ordonnance rendue le 10 février et qualifiée d’« historique » par l’association « Droit au logement » (DAL), le Conseil d’Etat consacre le droit à l’hébergement d’urgence comme une « liberté fondamentale » pouvant, le cas échéant, justifier une injonction du juge administratif pour en imposer le respect.

A l’origine de cette affaire : un homme qui, le 17 janvier dernier, a vu l’immeuble qu’il habitait à Gentilly (Val-de-Marne) être entièrement détruit par un incendie. Après le sinistre, il a été hébergé une nuit par sa commune, puis une seconde nuit par le service de veille sociale de la région Ile-de-France… avant de se retrouver à la rue. Il s’est alors tourné vers la préfecture pour demander un accueil en structure d’hébergement d’urgence mais n’a obtenu aucune réponse. Devant ce silence, il a donc saisi le juge des référés du tribunal administratif. Aux termes de l’article 521du code de justice administrative, le juge peut en effet, dans une situation d’urgence, « ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté » à laquelle une personne publique aurait « porté une atteinte grave et manifestement illégale ». Mais le magistrat a rejeté sa demande, le 3 février, estimant que la condition d’urgence n’était pas remplie.

Saisi dès le lendemain par le requérant, le juge des référés du Conseil d’Etat n’a pas davantage prononcé d’injonction à l’égard de l’administration… mais il a, en revanche, reconnu que, sur le principe, la méconnaissance du droit à l’hébergement d’urgence des personnes sans abri peut constituer une atteinte grave à une liberté fondamentale justifiant une intervention du juge des référés. « Il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale », explique ainsi le haut magistrat dans sa décision. Or, « contrairement à ce qu’a estimé le juge des référés de première instance », une « carence caractérisée » dans l’accomplissement de cette tâche « peut faire apparaître » une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale « lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ». Ce qui implique, pour le juge des référés, dans chaque cas, un contrôle des « diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de santé et de la situation de famille du sans-abri ».

En l’espèce, il s’avère que le requérant a obtenu un hébergement d’urgence la veille de l’audience du Conseil d’Etat. La Haute Juridiction a, par conséquent, considéré qu’il n’y avait finalement pas lieu de statuer sur la requête. Il faudra donc attendre une nouvelle décision pour la voir appliquer son raisonnement juridique de manière « positive ».

Dans un communiqué, le DAL estime que cet arrêt pourrait permettre « à toute personne sans abri, quelle que soit sa situation administrative, qui a saisi en vain le dispositif de veille sociale, de saisir le tribunal administratif en référé liberté, et d’obtenir une décision portant injonction à l’Etat de l’héberger ». Les termes employés par la Haute Juridiction – « carence caractérisée » de la part des autorités de l’Etat, appréciation des efforts de l’administration « en tenant compte des moyens dont elle dispose » – appellent toutefois à la prudence. Ils montrent en effet que, comme pour le droit au logement opposable, les pouvoirs publics n’ont en matière d’hébergement d’urgence qu’une obligation de moyens. Autrement dit, l’ordonnance du 10 février est certes une décision importante en ce qu’elle consacre le droit à l’hébergement d’urgence comme une liberté fondamentale mais elle ne garantit pas pour autant l’obtention systématique d’une injonction de l’Etat pour tous les sans-abri.

[Conseil d’Etat, ordonnance du 10 février 2012 n° 356456, disp. sur www.conseil-etat.fr]

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