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L’alternance intégrative : pour qui et avec qui ?

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Alors que l’Association nationale des assistants de service social vient de rendre publique une étude sur l’accueil de stagiaires par les professionnels en poste (voir ce numéro, page 26), Dominique Bertard et Francine Thourillon-Mareschal, toutes deux formatrices, examinent les ressorts de l’alternance intégrative. Un processus qui associe étroitement l’étudiant, le centre de formation et les professionnels de terrain.

« La mise en œuvre de la gratification des stages dans le champ médico-social a remis en débat les diverses conceptions de la formation en alternance. S’il existe une palette diversifiée de mises en œuvre, l’alternance, quelle que soit sa forme, se joue entre trois acteurs : l’étudiant, le centre de formation et les professionnels de terrain. Aussi l’alternance intégrative devrait-elle prendre toute sa mesure dans la dimension partenariale qui la caractérise. La réforme des études et du diplôme d’Etat d’assistant de service social en 2004 a d’ailleurs apporté une concrétisation à ce principe en instaurant le site qualifiant comme espace d’apprentissage au sein de l’entreprise apprenante.

Sortir de la confusion

Alors qu’aujourd’hui l’ensemble des formations aux métiers du social a été réformé, nous constatons pléthore de positions et d’articles sur ce que devrait être l’alternance intégrative. Cette profusion (ou confusion ?) des discours nous amène, en tant que formatrices, à intervenir dans le débat afin de ramener chacun, dans une visée partenariale, sur des bases théoriques et notionnelles qui puissent être communes.

En effet, les logiques formatives et institutionnelles ainsi que les sites qualifiants se confrontent dans des discours polémiques sur ce qu’est l’alternance intégrative. Ce principe, qui fonde aujourd’hui les formations en travail social, s’appuie sur les référentiels “métier”, de “certification” et de “formation”, qui le légitiment. Il nous paraît utile de préciser, avec le soutien de quelques auteurs, ce qu’est l’alternance intégrative.

Référons-nous à la définition de Gérard Malglaive : “L’alternance intégrative se joue dans la concertation permanente des acteurs qui conservent chacun leur spécificité et leur zone d’autonomie parce que chacun obéit à sa logique propre. Et cette concertation a un objet unique et permanent : l’élève” (1).

Quant à André Geay (2), il nous rappelle que “l’alternance intégrative se situe dans une logique de compétences, en partant d’une mise à plat des activités en entreprise pour y découvrir les éléments constitutifs des compétences à construire. Il s’agit d’opérer une mise en cohérence des savoirs à partir de l’analyse d’une situation professionnelle. L’alternance se doit de relier ce que l’histoire a séparé, à savoir les institutions, les hommes, les savoirs et les apprentissages, selon une logique du tiers inclus. […] Elle doit être une institution de reliance sociale et cognitive pour les apprenants en reliant chercher-entreprendre-apprendre.”

Ainsi ce partenariat essentiel repose sur l’étudiant. Celui-ci devient le bâtisseur de sa professionnalisation et doit construire les liens entre ses apprentissages, qu’ils soient issus du terrain ou du centre de formation.

Si les professionnels de la formation sont garants de cette reliance, les professionnels de terrain seront garants de la mise en exercice de ces liens en situation préprofessionnelle. Tous deux garantissent donc la construction des savoirs et des savoirs professionnels de la personne inscrite dans un parcours de formation.

Autrement dit, c’est à la construction de ses futures compétences que s’attache le parcours de formation de l’étudiant.

Dans les Cahiers pédagogiques de janvier 1994, Gérard Malglaive précise que “les compétences sont un système complexe dont le fonctionnement d’ensemble ne se résume pas au fonctionnement de chacune de ses parties. C’est à ce fonctionnement global que doit s’attacher une alternance que nous appellerons intégrative. Plus que dans l’articulation des contenus des deux modalités de formation, l’alternance intégrative se joue dans la concertation permanente.”

La dimension clé de l’alternance intégrative repose sur un partenariat ouvert et exigeant. Mais dans les différents discours qui le concernent, on constate l’absence de l’acteur principal : l’apprenant. Dans les faits, chacun, qu’il soit acteur professionnel ou pédagogique, résiste dans son champ d’intervention et communique peu sur ce qu’il fait. Ainsi les forces se dispersent et se diluent au bénéfice d’une (im)puissance publique qui a choisi d’être aveugle et sourde à l’urgence de la décomposition sociale. Travailler ensemble à l’alternance intégrative nécessite une volonté politique commune, du temps, de la connaissance et de la reconnaissance mutuelle et enfin de la confiance. L’alternance intégrative peut alors constituer un partenariat co-construit dans une temporalité instituée, être une combinaison, d’une part, de projets et d’interactions d’acteurs et, d’autre part, d’espaces, de lieux et de modalités d’apprentissage. Dès lors, elle est à la fois un passage, une frontière, une articulation… Il s’agit pour l’apprenant de “penser l’action” et d’“agir la pensée” dans une imbrication mentale complexe.

Si cette modalité de formation laisse une place prépondérante à l’acteur dans la définition de son rôle dans l’alternance, nous pouvons noter l’importance que revêt la formalisation du projet de formation dans le parcours de l’apprenant. Ainsi si l’alternance intégrative se caractérise par une forte nécessité de mise en cohérence des différents périodes de l’alternance et des interventions concertées de l’ensemble des acteurs, force est de constater la difficulté de sa mise en œuvre. Malgré la bonne volonté des acteurs, la réalisation du partenariat intrinsèque à l’alternance intégrative reste très en deçà des intentions initiales.

Roland Fonteneau nous indique que “pour entrer en partenariat pour organiser une formation en alternance, il faut accepter de sortir de sa logique formative pour en créer une autre ; l’alternance est donc concrétisée par l’organisation de l’ensemble des processus qui lient les différents partenaires d’un système alternant dans un système spatio-temporel construit” (3). Il s’agit de créer les conditions de la rencontre, de l’échange et du partage. Il s’agit de créer des objets communs qui favorisent le partenariat.

Roland Fonteneau précise que “pour que l’alternance soit pensée et agie comme un système, il y a nécessité de décentration de la part des partenaires […] car le mode de fonctionnement des organisations est ethnocentrique. […] Le jeu partenarial oblige à réactualiser son identité professionnelle créant un risque identitaire.” Il ajoute que “la décentralisation partenariale dans le cadre de l’alternance s’organise à partir des quatre grandes dimensions du partenariat : le projet, le temps, l’espace, les acteurs partenaires”.

Le “livre blanc” publié par l’Aforts à l’automne 2010 (4) et le tout récent rapport de la CPC (2011) font la preuve de l’intérêt et de la nécessité que ces réformes aboutissent pleinement pour le futur des métiers auxquels nous préparons. Si la mise en œuvre présente des difficultés, celles-ci ne sont pas insurmontables !

Un choix politique

Il est primordial de réfléchir en termes de formation, de reconnaissance et de qualité professionnelle. Veut-on ou non de cette alternance qui n’appartient pas à un seul des trois protagonistes agissants mais est le “bien” qui leur est commun et qui a contribué à l’édification de la professionnalisation du secteur, à la définition du travail social actuel et contribuera à la définition de celui de demain ? Que sommes-nous prêts à concéder pour pérenniser le statut spécifique du travail social dans la société contemporaine ? Que souhaite-t-on préserver et poursuivre de l’action sociale au regard des enjeux actuels ? Quelles stratégies accepte-t-on de co-construire et de mener ensemble pour faire du travail social un espace réel au service de la cité et de l’exercice de citoyenneté avec les plus démunis et à leurs côtés ?

Il s’agit bien ici d’affirmer la dimension politique du choix de la formation en alternance intégrative en dehors des positions passéistes qui ne peuvent que freiner et troubler le message et l’action à accomplir. »

Contacts : bertard@etsup.com ; f.mareschal@epss-edu.com

Notes

(1) « L’alternance intégrative » in Education et management n° 11 – Mars 1993.

(2) « La didactique en alternance ou comment enseigner dans l’alternance ? » in Revue française de pédagogie n° 128 – Juillet-septembre 1999.

(3) « L’alternance » in Education Permanente n° 115, 1993-2.

(4) Voir ASH n° 2679 du 22-10-10, p. 28.

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