L’ordonnance de 1945 vient de trouver un défenseur de renom. Pierre Joxe, ministre de l’Intérieur et de la Défense sous François Mitterrand, publie un livre-plaidoyer, Pas de quartier ?, dans lequel il défend une justice des mineurs qui protège plus qu’elle punit. Il dénonce ce qu’il appelle l’« offensive néolibérale de Sarkozy » pour le tout-répressif. L’analyse est brillante, s’appuie sur des exemples internationaux, modèle suisse contre machine américaine, reprend l’histoire du droit pour mieux dénoncer ce que Pierre Joxe estime une régression, et s’appuie sur des études sociologiques pour démonter la mythologie de la jeunesse dangereuse. La charge a du poids, car elle est menée par un grand serviteur de l’Etat, ancien président de la Cour des comptes et membre du Conseil constitutionnel de 2001 à 2010. Mais c’est surtout dans ses nouveaux habits que Pierre Joxe touche le plus : il a abandonné les ors de la République pour les tribunaux pour enfants, où il a choisi d’être l’avocat commis d’office à la défense des mineurs. A travers les histoires de Tanu Manguy, incarcéré quinze jours à 17 ans pour un vol de Blackberry, alors qu’il avait un alibi mal vérifié par les services de police ; de Bianca, petite Rom enceinte, mineure isolée étrangère et voleuse à répétition ; de Nicolas et Pierre, jeunes gens de bonne famille et cambrioleurs pour le goût du frisson… il raconte une justice humaine. Qui prend le temps de comprendre, d’écouter, grâce au travail des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse de permanence au tribunal, à qui Joxe rend hommage comme « la permanence du service public incarné ».
Pas de quartier ? Délinquance juvénile et justice des mineurs – Pierre Joxe – Ed. Fayard – 19 €