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Le « contrat social » de la Fondation Abbé-Pierre incite les candidats à des réformes structurelles

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Au moment où le logement devient un des grands thèmes de la campagne présidentielle, la Fondation Abbé-Pierre a, à l’occasion de la présentation de son rapport annuel sur le mal-logement, demandé aux principaux candidats de s’engager sur un « contrat social ».

« Le logement est devenu une machine à exclure et à produire des inégalités. Sans sursaut important des politiques, on risque de perdre la bataille, comme on a perdu celle de l’emploi. » A l’image de cette mise en garde de Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé-Pierre, le 17e rapport de la fondation sur l’état du mal-logement en France (1) revêt une ambition particulière : interpeller les candidats à l’élection présidentielle sur le problème social, mais aussi de société, qu’est devenu l’accès au logement. Rétrospective de plus de vingt années de politiques de logement, avec un focus sur le dernier quinquennat, il comporte des propositions qui constituent la trame du « contrat social pour une nouvelle politique du logement » proposé aux candidats dans la foulée de la présentation publique du rapport. Quatre d’entre eux – Eva Joly (Europe Ecologie Les Verts), Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche), François Hollande (PS) et François Bayrou (Modem), ce dernier avec des réserves –, ont accepté de le signer le 1er février. Henri Guaino, venu représenter le chef de l’Etat en tant que conseiller spécial, a également participé au débat en rappelant l’opposition du gouvernement à l’encadrement des loyers.

« La lutte des places »

Le constat, ce n’est pas nouveau, est très sombre. « Il y a 17 ans, la fondation n’aurait jamais imaginé une telle situation, déplore Christophe Robert. Alors que le premier rapport décrivait des personnes en situation de désinsertion sociale et économique, le mal-logement s’est développé, s’est profondément enraciné, les visages des personnes touchées se sont diversifiés. » La crise de 2008 a, en outre, amplifié le phénomène. La fondation estime à 3,6 millions le nombre de personnes non ou mal-logées et à près de 700 000 celles privées de domicile personnel. Les salariés modestes, les jeunes et les familles monoparentales sont particulièrement touchés par le décalage croissant entre les revenus et le prix des loyers. L’augmentation de la demande sociale, tant dans le logement que dans l’hébergement, « contribue à la lutte des places », dépeint Christophe Robert, ajoutant que les situations d’exclusion, dans les bidonvilles, les squats ou autres « zones grises du logement » décrites dans un précédent rapport (2), sont désormais banalisées.

Le taux d’effort représenté par le logement (passé de 31 à 48 % pour les ménages modestes entre 1992 à 2006, alors qu’il est resté stable pour les plus aisés) n’a pas seulement pour effet d’abaisser les exigences en termes de conditions de vie. Il dégrade le pouvoir d’achat, avec les arbitrages que cela induit pour les plus pauvres : selon la fondation, 6,6 millions de personnes seraient en situation de fragilité financière à cause du logement dont plus de 4 millions ayant un niveau de vie résiduel inférieur à 500 €. « Les effets de la dégradation de la situation en matière d’alimentation, de santé, de logement… sont souvent amortis par les réseaux de solidarité privés (les associations, la famille, les amis) qui prennent le relais des dispositifs collectifs de protection dont la capacité d’action est de plus en plus limitée par les contraintes financières », relève le rapport.

Face aux effets structurels qui aggravent la crise du logement, la politique menée ces dernières années est « contestable » et « met à mal la cohésion sociale », condamne Patrick Doutreligne, délégué général de la fondation. « Elle n’intervient pas comme un domaine d’intervention sur les politiques sociales mais comme une politique d’accompagnement des marchés », estime-t-il, rappelant notamment la diminution des aides de l’Etat dans le financement du logement social. Pis, « au lieu d’être vigilants aux plus modestes, on crée une voiture balai pour rattraper les plus défavorisés ». La conclusion du délégué général est sans appel : « La politique du logement de ces dernières années n’est ni juste, ni solidaire. Elle raisonne à coup de slogans – “une France de propriétaires”, “le logement d’abord” – privilégie les dispositifs individuels, comme le recours DALO, aux protections collectives. »

« Une stratégie globale »

Comment inverser cette tendance alarmante ? La Fondation Abbé-Pierre met l’accent sur les enjeux sociaux, économiques et environnementaux d’une « stratégie globale d’intervention ». A partir de sa campagne de « mobilisation générale pour le logement » lancée en septembre dernier, qui a reçu près de 130 000 signatures et l’adhésion de plusieurs organisations associatives et syndicales et de l’Union sociale pour l’habitat (USH), elle a consulté les acteurs du monde social et économique pour élaborer son « contrat social » présenté aux candidats à l’Elysée. Le document, qui pose « les conditions minimales pour rendre possible ce changement », décline une série de réformes structurelles selon quatre axes : la production de logements, la régulation des marchés, la justice sociale et la mixité sociale et urbaine. « Nous demandons un engagement sur l’ensemble, car tout se tient », explique Christophe Robert, selon qui « la fondation ne lâchera pas les candidats qui auront signé le contrat ».

Pour rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande, ce dernier requiert des candidats de s’engager à « atteindre l’objectif de 500 000 logements par an » pendant cinq ans, dont 150 000 logements locatifs « vraiment sociaux ». Il demande d’assortir toute aide publique de contreparties sociales (plafonds de ressources et de loyers) et de déposer, dès 2012, un projet de loi foncière visant à libérer les terrains à bâtir. Selon ce « contrat », le futur chef de l’Etat lancerait un plan de conventionnement visant 100 000 logements à loyers accessibles par an dans le parc privé, généraliserait la taxe sur les logements vacants dans les zones de marché tendu, encadrerait les loyers du parc privé, « définirait les conditions de leur baisse dans les secteurs de déséquilibre excessif » et maîtriserait les prix de l’immobilier à toutes les étapes de la production.

En matière de prévention, il améliorerait la couverture (en révisant leur seuil d’exclusion) et la solvabilité des aides personnelles au logement et déploierait un « bouclier énergétique » pour les ménages modestes. Le signalement précoce et obligatoire des impayés de loyers serait systématisé et les expulsions avec le concours de la force publique sans solution adaptée interdites. Une aide aux propriétaires ainsi que des mesures de sanction des « bailleurs de mauvaise foi » permettrait d’éradiquer les 600 000 logements indignes recensés sur le territoire. Autres mesures réclamées : renforcer la loi SRU, en imposant aux communes une part de 25 % de logements sociaux (contre 20 % aujourd’hui) et en « adoptant des sanctions réellement dissuasives », réserver une « offre locative sociale dans le parc privé » dans les communes insuffisamment pourvues en logements sociaux, systématiser la création de secteurs de mixité urbaine ou sociale, ou encore instaurer une contribution de solidarité urbaine pour corriger les inégalités entre quartiers d’une agglomération. La fondation souhaite également que soit relancée la rénovation urbaine dans les quartiers d’habitat populaire et que soient mises en place des autorités organisatrices et régulatrices du logement à l’échelle des agglomérations, avec l’objectif de faire « des personnes mal logées, et de tout citoyen, de véritables acteurs de cette politique locale ».

Notes

(1) Disponible sur www.fondation-abbe-pierre.fr.

(2) Voir ASH n° 2492 du 2-02-07, p. 5.

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