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Le « SA » ne marche pas mieux que le « MI »

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Quand on ne peut changer les choses, on peut toujours changer les mots… C’est, hélas, à cette logique classique d’euphémisation des situations problématiques que l’on pense, à la lecture du rapport final rédigé par le comité national d’évaluation du RSA et présenté en décembre 2011 (1). Institué en 2008 en lieu et place du RMI-RMA, le revenu de solidarité active (RSA) n’a pas comblé les espérances qui avaient été placées en lui. Pourtant, il s’affirmait en rupture avec le dispositif qui le précédait. Reprenant, certes, le mécanisme antérieur du revenu garanti pour les inactifs sans ressources (le RSA dit « socle »), il entendait au-delà inciter les bénéficiaires à s’engager dans l’emploi en leur permettant de conserver en sus de l’allocation (devenant alors RSA « chapeau ») une part dominante de leurs gains, cela jusqu’à atteindre le seuil de pauvreté, fixé aujourd’hui à 950 € par mois et par unité de consommation. Sur son versant de réinsertion professionnelle, il entendait privilégier le recours aux dispositifs de droit commun de la politique de l’emploi et ne maintenir les dispositifs spécifiques de l’insertion sociale que de façon dérogatoire et temporaire ; ce choix voulait éviter les effets d’enfermement que comportait le service public spécifique au RMI. Pour synthétiser, et au risque de la caricature, on ordonnait le RSA à deux principes forts : « l’argent d’abord », selon lequel l’incitation financière est le déterminant premier du comportement des personnes en difficulté ; et « l’emploi d’abord », selon lequel il convient de les adresser en priorité aux dispositifs de droit commun de la lutte contre le chômage pour des raisons d’efficacité et d’atténuation des effets de « trappe à inactivité » observés antérieurement. On tentait ainsi d’aménager un nouvel équilibre pour atténuer la tension structurelle contenue dans le RMI depuis l’origine : comme mécanisme de lutte contre la pauvreté, il doit garantir un revenu et des droits inconditionnels ; comme dispositif de réinsertion ou d’inclusion des personnes, il doit ne pas trop solidifier ces droits en les assortissant d’obligations plus ou moins lourdes qui en atténuent nécessairement l’inconditionnalité. Avec le RSA, on semblait penser que le souci du gain prêté aux bénéficiaires (augmenter leurs ressources) combiné avec des instruments d’insertion supposés plus efficaces parce que confiés aux services spécialisés allaient résoudre la quadrature du cercle : faire sortir progressivement les ménages de la pauvreté par leur accès à des activités rémunérées, voire à l’emploi tout court.

Or, trois ans après le vote de la loi, les résultats ne sont pas probants. En matière de lutte contre la pauvreté, l’apport du RSA reste très proche des effets de l’ancien RMI, à savoir la garantie d’un minimum de ressources, certes parfois augmentées par des revenus d’activité, mais pour un nombre de personnes largement inférieur aux prévisions et, surtout, sans sortie massive de la pauvreté : seulement 0,2 % des ménages pauvres auraient franchi le seuil par rapport au pourcentage de « pauvres » recensés antérieurement. Bref, l’effet attendu de l’incitation à la reprise d’activité du fait de l’augmentation des ressources s’est révélé être un pari hasardeux. Et ce, d’autant plus que l’accompagnement des bénéficiaires pour leur insertion professionnelle n’a pas fonctionné mieux qu’avec le RMI. Le rapport insiste sur le fait que l’insertion professionnelle est rendue difficile en raison de multiples facteurs. Ils seraient liés soit au profil des bénéficiaires, atteints par un sentiment de déclassement et éloignés des exigences du marché du travail, soit aux dispositifs de prise en charge qui sont éclatés, mal coordonnés et complexes. Ainsi, l’inefficacité du dispositif semble tenir essentiellement aux allocataires eux-mêmes et à ceux qui les prennent en charge.

Alors que faire et, à défaut de le savoir, que penser ? Evidemment, et c’est ce qui a été proposé par les rapporteurs, on peut envisager les mille et une manières d’améliorer les dispositifs d’accompagnement, notamment en tenant compte toujours davantage des caractéristiques spécifiques des personnes concernées – ce qui, au passage, constitue en injonction paradoxale la nécessité d’une prise en charge de droit commun.

Mais, ce faisant, on reste dans la même logique : il s’agirait d’adapter l’offre de travail à une demande qui se raréfie, est plus concurrentielle et dont des pans entiers se précarisent toujours plus en défaisant les cadres juridiques de la mise en activité. La solution, rendue encore plus illusoire par la crise et ses effets délétères, dépend de l’éventuel redressement sur le front de l’emploi ; mais elle passera aussi par une réflexion sur les statuts professionnels et sur leur capacité ou non à intégrer, à stabiliser et à protéger les actifs les moins performants et les plus fragiles. Vaste chantier !

Notes

(1) Voir ASH n° 2738 du 23-12-11, p. 5.

Le point de vue de…

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