Face à « l’augmentation continue des dépenses d’allocation aux adultes handicapés (AAH) », le Parlement a demandé à la Cour des comptes, en 2010, de produire deux enquêtes sur les causes de cette progression. C’est finalement un seul rapport « global et transversal » que cette dernière a présenté, le 11 janvier, devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et qui traite, sous le titre synthétique des « revenus de remplacement versés aux seniors sans emplois », des différents dispositifs mobilisables au profit des personnes âgées de 50 à 64 ans qui ne travaillent pas ou qui travaillent peu.
Environ 2 millions de personnes âgées de 50 à 64 ans percevaient en 2010 un revenu de remplacement, soit une dépense annuelle d’environ 20 milliards d’euros financés par une pluralité d’acteurs (Etat, collectivités territoriales, sécurité sociale, entreprises…). Derrière le terme générique de « revenu de remplacement », le rapport distingue quatre types de situations. Il peut s’agir de revenus accordés à la personne à la suite de la perte de son emploi (allocation de retour à l’emploi, allocation de solidarité spécifique…), de son incapacité à travailler pour des raisons de santé (AAH, pension d’invalidité, pension ou rente en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle…), de l’impossibilité de la maintenir dans son emploi, par exemple pour des raisons sanitaires (préretraite amiante…), ou encore afin de lui assurer un revenu de subsistance lorsque les ressources de son ménage sont particulièrement faibles (revenu de solidarité active…). L’empilement historique de ces dispositifs crée une certaine porosité entre les différents revenus de remplacement au final « souvent proches », constate la Cour des comptes. L’approche transversale privilégiée dans le rapport permet d’obtenir une vision plus globale des difficultés rencontrées par ces seniors. Toutefois, l’analyse de l’évolution du recours à certains dispositifs doit être poursuivie et approfondie « pour prévenir le déport d’un revenu sur un autre ». La Cour vise en particulier l’évolution des indemnités journalières de longue maladie, qui incite « à suivre de près les entrées en invalidité », ainsi que les causes de l’augmentation des entrées en AAH à partir de 45 ans.
Seulement 39,7 % des 55-64 ans étaient en emploi, en 2010, contre 48 % dans l’Europe des 15, et « le classement de la France se détériore au fur et à mesure que l’on observe l’emploi des classes d’âge les plus élevées ». Pour la Cour des comptes, les seniors restent « une variable d’ajustement » : s’ils sont généralement moins exposés que les jeunes au risque de chômage, les seniors en emploi sont paradoxalement plus menacés que les autres lorsque la croissance est faible. Cause et conséquence de ce phénomène, ils sont globalement moins formés que les autres salariés de l’entreprise. L’état de santé des actifs de 55 ans et plus connaissant les conditions de travail « les plus pénibles » peut aussi expliquer leur sortie précoce du marché du travail. Une enquête conduite en 2010 par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques montre ainsi que 71 % des personnes interrogées sorties de l’emploi à 50 ans ou plus soit ont été licenciées, soit ont dû quitter leur emploi pour des problèmes de santé. Les pouvoirs publics doivent donc, selon la Cour des comptes, modifier leurs modes de gestion de l’emploi, limiter la dégradation de la santé des actifs et veiller à réintégrer dans l’emploi les seniors qui en ont été exclus.
Au vu de ces constats, plusieurs axes de travail sont préconisés par le rapport. Les politiques de l’emploi doivent être réorientées vers les seniors et la formation continue doit être utilisée pour favoriser la reconversion professionnelle de ce public. Par ailleurs, un effort doit être fait en matière de cohérence et de coordination des dispositifs régissant les différents revenus de remplacement s’adressant à des publics ou à des situations comparables. La cour invite notamment à « revoir le droit d’invalidité afin de le rapprocher des dispositifs existants en faveur des personnes handicapées (AAH) », à « garantir une application stricte de la subsidiarité de l’AAH par rapport aux avantages invalidité », ou encore à « poursuivre, sur les deux champs de l’invalidité et du handicap, les réflexions engagées pour orienter en fonction des capacités à s’insérer et non du taux d’incapacité retenu ». Enfin, le rapport propose de « déployer les nouvelles méthodes expérimentées pour l’attribution de l’AAH pour en assurer un accès plus homogène entre départements ». Sur la question de l’invalidité, Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale, a indiqué le 11 janvier, lors de son audition sur le rapport à l’Assemblée nationale, qu’une mission de l’inspection générale des affaires sociales avait été diligentée pour étudier la mise en cohérence du barème d’attribution des pensions d’invalidité avec celui de l’AAH. Son rapport est attendu pour la fin du premier semestre 2012.
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