Les pas résonnent sur les pavés. Les trottoirs s’animent, des enfants courent d’un immeuble à l’autre… Ces images en noir et blanc défilent sur l’écran tendu au fond du couloir du centre Enfants en justice, à Savigny-sur-Orge (Essonne), transformé en vieille ruelle parisienne tapissée d’affiches, le temps de l’exposition « Les professionnels de la justice des enfants. XIXe-XXe siècles ».
Chaque exposition temporaire élaborée par l’équipe du centre a tenté d’aborder un thème historiquement encore peu étudié en innovant sur la création scénographique. Après « Gamins de Paris », « Les blousons noirs » (1), « Le château, une prison sans barreaux ? » (2) et « Bagnes d’enfants. Campagnes médiatiques XIXe-XXe siècles » (3), c’est au tour des figures professionnelles de la justice des mineurs d’être mises en avant. Ce qui représente un large éventail de métiers au fil du temps, de la répression à la prévention et à la protection : l’éducateur de rue, le policier, le juge, l’assistante sociale, le surveillant de prison, la religieuse, etc. Pour mieux cerner son travail, chaque professionnel est identifié par le lieu dans lequel il exerce son activité. Ainsi, après avoir été à la rencontre des éducateurs de rue et des policiers dans la rue, le visiteur sonne au n° 70 pour pénétrer au domicile d’une famille à laquelle une assistante sociale rend visite. Là, un téléviseur diffuse des extraits de films symboliques de la profession : De bruit et de fureur, de Jean-Claude Brisseau (1988), Ladybird, de Ken Loach (1994), Precious, de Lee Daniels (2010) (4)… C’est l’assistante sociale qui observe, note et rédige des rapports afin que les instances judiciaires décident du sort des enfants. L’enfant « irrégulier » peut ensuite être envoyé au tribunal, dont une salle d’audience est reconstituée. On y découvre l’histoire des juges des enfants. Au mur, des portraits des grandes figures de cette profession. La clinique intervient également auprès de l’enfant en justice depuis la fin du XIXe siècle. Le médecin ausculte, mesure, expertise et pronostique alors les comportements des « sauvageons ». La salle d’exposition offre à voir une belle collection de livres sur l’anthropométrie ainsi qu’une « Planche criminelle de Lombroso », qui a longtemps permis d’établir une typologie physique des délinquants… Quant aux établissements pénitentiaires pour mineurs, une cellule reconstituée grâce au mobilier d’origine emprunté au musée national des prisons de Fontainebleau permet au visiteur d’interroger leur histoire, la place des surveillants, des éducateurs, des instituteurs. Reste l’internat, espace où éducateurs, instituteurs, veilleurs de nuit, sœurs et directeurs doivent d’abord « redresser » le jeune, puis l’« éduquer ». Une galerie de photos montre la journée type d’un mineur en maison de correction, de la salle de bains à la veillée, en passant par les punitions.
Décors, films, photographies, costumes, caricatures, attributs de ces professionnels… Une riche exposition faite pour être visitée accompagné par un guide, qui pointera et commentera ici la reproduction d’un devoir d’une assistante sociale en formation dans les années 1960, là un document expliquant l’arrivée des femmes dans la police.
Les professionnels de la justice des enfants. XIXe-XXe siècles – Jusqu’au 30 avril au centre d’exposition Enfants en justice – Ferme de Champagne, rue des Palombes – 91600 Savigny-sur-Orge – Réservation : 01 69 54 24 19 ou