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« Le service civique inscrit clairement les jeunes dans une dynamique »

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Créé après les émeutes de l’automne 2005, le service civil volontaire, remplacé en 2010 par le service civique, a été conçu comme un outil d’intégration citoyenne et professionnelle des jeunes. Le bilan reste aujourd’hui mitigé, le dispositif se heurtant à des difficultés de mise en œuvre, notamment en matière de mixité sociale. Les explications de la sociologue Valérie Becquet, qui a piloté une étude sur le sujet pour l’association Unis-Cité.

Le service civique a été créé par la loi du 10 mars 2010, mais à quand remonte le volontariat des jeunes ?

Il est tout d’abord né d’initiatives associatives en faveur de la paix lancées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de la création à partir des années 1960 de formes civiles du service national obligatoire. Une deuxième étape a été franchie en 1997 avec la réforme du service national et l’instauration de volontariats militaires et civils. Trois types de volontariats civils ont vu le jour en mars 2000 : le volontariat international en entreprise et en administration, le volontariat de sécurité et de défense civile et le volontariat de cohésion sociale et de solidarité. Mais ces deux derniers ont été les parents pauvres de la réforme. Une troisième période s’est ouverte à la suite des émeutes urbaines de l’automne 2005, avec la création du service civil volontaire. Enfin, en 2010, l’ensemble du système a été unifié au sein de l’actuel service civique (1).

Quels sont ses objectifs ?

Ils oscillent entre deux grands principes qui ne sont d’ailleurs pas toujours compatibles: favoriser l’engagement citoyen des jeunes dans le cadre de missions d’intérêt général, tout en facilitant leur insertion sociale et professionnelle en leur permettant d’acquérir des compétences et de réfléchir à leur projet. Au total, selon le rapport parlementaire sur la mise en œuvre du service civique rendu en novembre dernier, on comptait à la fin 2011 environ 14 000 volontaires en France. Unis-Cité, fondée en 1994 en vue de promouvoir la création d’un service civique universel, en compte plus de 1 400 dans neuf régions.

Existe-t-il un portrait type du volontaire ?

Ce sont en majorité des femmes, diplômées et urbaines, le milieu rural étant sous-représenté. Le rapport parlementaire indique que 24 % des volontaires ont un diplôme inférieur au bac, 36 % ont le bac et 40 % un diplôme de l’enseignement supérieur. Mon enquête, qui ne concernait que les volontaires d’Unis-Cité, donne des résultats un peu différents. En 2009-2010, l’association comptait 37 % de jeunes n’ayant pas le bac, 38 % de bacheliers et 25 % de diplômés du supérieur. En revanche, les promotions sont, elles aussi, très féminines, avec 60 à 70 % de jeunes femmes. Unis-Cité défend un projet de mixité sociale, ce qui explique que ses promotions ne soient pas nécessairement à l’image de l’ensemble du volontariat.

Quelles sont les motivations de ces jeunes ?

Ils se situent dans une double logique. Tout d’abord, ils considèrent le service civique comme un cadre d’engagement pour autrui mais aussi pour soi. Sur la période 2010-2011, 59 % des volontaires s’inscrivaient dans une logique altruiste avec le souci d’être utile aux autres, en particulier aux publics en difficulté. En matière d’insertion, 47 % des jeunes se situent dans une logique de formation, avec l’idée d’acquérir des compétences ou de l’expérience, et 44 %, souvent des non-diplômés ou des bacheliers, sont plutôt dans une logique de parcours en vue de concevoir un projet professionnel. Nous distinguons en outre trois groupes selon l’usage qu’ils font du service civique. Le premier est constitué surtout de jeunes femmes qui veulent rejoindre une école de travail social et sont à la recherche d’expériences, parfois de maturité, afin de renforcer leur dossier de candidature. Le deuxième groupe est, lui, plutôt constitué de jeunes hommes peu ou pas diplômés. Ils sont dans une démarche de recherche d’emploi et utilisent le service civique pour construire leur projet professionnel. Ce sont souvent les missions locales qui leur ont proposé d’intégrer le dispositif. Enfin, le troisième groupe est celui des diplômés de l’enseignement supérieur. Plus âgés, ils s’interrogent sur leur futur métier ou, s’ils peinent à trouver un emploi, cherchent à acquérir des compétences supplémentaires.

Dans quels secteurs interviennent les volontaires ?

Majoritairement dans les grands domaines associatifs tels que la culture, l’environnement, le social, l’éducation, le sport, etc. Quant aux missions, elles peuvent être extrêmement variables. A Unis-Cité, elles peuvent concerner les personnes âgées, en situation de précarité ou handicapées, l’accompagnement scolaire ou encore l’environnement. Au cours de son service, chaque volontaire d’Unis-Cité réalise ainsi plusieurs types de missions afin d’être sensibilisé à différentes thématiques, ce qui n’est pas nécessairement le cas dans d’autres associations qui proposent aux volontaires une mission unique.

Le volontariat ne représente-t-il pas un effet d’aubaine pour le secteur associatif ?

Effectivement, dans un contexte de réduction des subventions aux associations et de perte des contrats aidés, le service civique peut être vu comme une forme substitutive à l’emploi par certaines associations. On peut d’ailleurs formuler l’hypothèse qu’il s’est en partie substitué aux emplois jeunes lorsque ceux-ci ont été supprimés. Le service civique n’est cependant pas un contrat de travail et les missions ne doivent pas se substituer à celles des salariés. Malheureusement, les frontières sont floues et les rapporteurs de l’Assemblée nationale ont fortement insisté sur la nécessité de renforcer le contrôle en la matière.

On décrit souvent les jeunes comme peu engagés. Le service civique met-il au contraire en lumière un désir d’engagement, voire une dimension citoyenne ?

Les taux de bénévolat des jeunes ne sont pas nécessairement inférieurs à ceux du reste de la population. La dernière enquête menée par l’INJEP sur le sujet le met en évidence. L’image d’une jeunesse individualiste désengagée me semble donc assez fausse. Sur la question de la citoyenneté, le service civique comporte un objectif d’intégration politique et les jeunes bénéficient d’une formation citoyenne. Mais lorsqu’on les interroge à la fin de leur service, leurs réponses relativisent cet effet de socialisation politique. En ce qui concerne la connaissance des institutions et l’adhésion au système, les résultats sont mitigés, même s’ils ont pu mieux découvrir certaines institutions, notamment locales. Il n’y a pas non plus d’effet important sur la participation électorale, le fait d’aller voter étant lié à d’autres facteurs comme l’offre politique. En réalité, c’est sur la prise de conscience d’une capacité à agir collectivement que les résultats sont les plus probants. Souvent, à la fin de leur service, les volontaires témoignent de velléités fortes de devenir eux-mêmes bénévoles.

Que deviennent ces jeunes après le service civique ?

Dans la promotion de 2008-2009 d’Unis-Cité, six mois après la fin de leur service civique, 52 % des volontaires étaient en formation et 30 % en activité professionnelle. Les autres restaient en recherche d’une orientation ou d’une formation, mais avec un projet plus clair que lorsqu’ils avaient démarré leur service. Le service civique inscrit clairement les jeunes dans une dynamique.

Le dispositif actuel vous semble-t-il devoir être amélioré ?

Oui sur certains points, et en premier lieu sur la mixité sociale. Si l’on veut que celle-ci soit effective, les associations doivent accepter des jeunes qui n’ont pas a priori les compétences nécessaires aux missions qui leurs sont confiées. Il ne s’agit pas de ne recruter que des personnes facilement intégrables. C’est là un enjeu essentiel. Il y a ensuite la question du contenu des missions et la vigilance sur le risque de substitution à l’emploi au sein des associations. Le service civique ne doit pas devenir du travail déguisé. Enfin, le troisième point concerne l’intégration et l’accompagnement des volontaires dans les structures d’accueil. Ils se retrouvent parfois perdus alors que, normalement, chacun est censé être suivi par un tuteur. Si ce n’est pas le cas, cela a des conséquences sur leur réussite. Avoir le sentiment de perdre son temps pendant plusieurs mois est, pour un jeune, totalement contre-productif.

REPÈRES

Valérie Becquet est sociologue, maître de conférences à l’université de Cergy-Pontoise. Elle publie l’article « L’expérience du service civil volontaire à Unis-Cité: quels enseignements pour le service civique ? » (Cahiers de l’action n° 34, INJEP, 2011). Elle a également coordonné le dossier « Volontariats civils: dispositifs publics, expériences juvéniles » (Agora débats/jeunesses n° 47, 2008).

Notes

(1) Le service civique est un engagement volontaire de six à douze mois destiné aux jeunes de 16 à 25 ans. Il ouvre droit à une indemnité et à une couverture sociale. Ses objectifs : renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale.

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